Trente ans. Un cap symbolique pour beaucoup d'hommes. Un chiffre synonyme de maturité et de responsabilité où l'on entre dans ce que l'on appelle la « force de l'âge », fort de l'expérience acquise et de capacités physiques à leur apogée.
Trente années c'est aussi ce qui sépare le mythique «
Battle Hymns » de «
The Lord of Steel » le dernier album de
Manowar, formation d'obédience heavy-metal qui divise comme rassemble les Metalheads par son identité forte, patchwork disparate de thèmes guerriers, de références naïves à la mythologie Scandinave, de « déclarations » d'amour viriles adressées à la gente féminine et de culture Biker vulgarisée sur fond de Heavy
Metal testostéroné aux influences rock indéniables.
Véritable mastodonte de l'industrie musicale estampillée
Metal durant les années 80/90, le combo New-yorkais a prétendu dominer le Heavy-metal à grands renfort de «
Into Glory Ride », «
Hail to England » et autres «
Triumph of Steel » par le biais de l'inaltérable Joey De Maio, bassiste de son état et maître à penser de la formation du New-Jersey, personnage charismatique peu avare de déclarations outrancières ( « Death to False
Metal » et autres « Other Bands Plays
Manowar Kills ») participant de l'image Bigger and Louder que véhicule cette formation arborant fièrement cuir, peaux de bêtes et épées sur la majeure partie de leur discographie et apparitions live.
Cette philosophie du Bigger and Louder s'illustrait chez le combo par une volonté de proposer systématiquement de dantesques prestations scéniques bourrées d'effets pyrotechniques, de shows mécaniques endorsés par Harley Davidson et d'échanges de fluides corporels entre Manowarriors et groupies souvent déchaînées et alcoolisées, prêtes à vendre leur corps pour un moment de luxure partagé avec l'un de nos fiers guerriers au torse bombé et luisant de transpiration. D'ailleurs pour tout fan un concert de
Manowar représente une véritable célébration, symbole d'une fraternité virile où libations effrénées vont de pair avec les mains jointes formant le Signe du Marteau, mais également un défi physique risqué - pour le poser méché ou le wimp pré-pubère en mal de sensations fortes souhaitant bénéficier d'un soupçon de l'aura de masculinité des véritables mâles présents dans l'auditoire – puisque le gang de De Maio détient les records du Loudest Band On
Earth (groupe jouant le plus fort selon le Guiness Book des records) et du concert le plus long avec pas moins de 5 heures de show.
Si
Manowar a marqué de son empreinte tout un pan du spectre metal en forgeant sur l'enclume de
Vulcain de véritables armes de guerre («
Battle Hymns», «
Sign of the Hammer », «
Into Glory Ride», «
Hail to England», «
Kings of Metal »,
Triumph of Steel », «
Louder Than Hell ») il a aussi été victime d'errances artistiques et de ses velléités commerciales - le réenregistrement de leur premier album et une tripotée de dvd's pour la plupart dispensables hormis le premier - en livrant quelques créations moins inspirées tel le parfois formaté MTV «
Fighting the World» et l'orchestral tant décrié «
Gods of War » qui succédait pourtant à un bon et puissant «
Warriors of the World» qui prouvait que le combo, après un silence radio conséquent, avait bien négocié le passage au 21ème siècle en faisant évoluer sa musique sans en dénaturer l'essence.
Les attentes et émois suscités par l'annonce d'un nouvel album et par le décès le 4 avril 2011 du marteleur de fûts (le sympathique et regretté Scott Colombus), oscillent donc pour certains entre l'angoisse de voir se confirmer l'inexorable déclin de la formation, considérant l'album de 2010 comme la chronique d'une mort annoncée, tandis que d'autres plus optimistes et nostalgiques caressent l'espoir ténu d'un retour salvateur aux racines de cette figure emblématique du
Metal poilu et couillu. Il est donc intéressant de constater que 30 années après avoir posé les fondements de ce qui ferait de
Manowar le monument que nous connaissons actuellement, Joey et ses 3 comparses: Eric, Donnie et Karl, sont attendus par une fan-base fidèle mais méfiante lors d'un rendez-vous probablement décisif pour la suite de leur carrière à savoir la sortie de leur dernier brûlot: «
The Lord of Steel».
C'est dans ce contexte et dans la relative indifférence d'une communauté
Metal considérant comme déjà clôturé le chapitre
Manowar, que la version officielle et définitive de «
The Lord of Steel » est présentée le 17 octobre
2012, bénéficiant d'un artwork de l'inoxydable Ken Kelly, illustrateur attitré de
Manowar depuis 1987 (
Fighting the World) et ayant entre autres réalisé la cover de l'album
Destroyer du cultissime KISS.
Premier constat et non des moindres, il semblerait que le groupe, où du moins son leader, ait abandonné les digressions wagnériennes pompeuses et pseudo-orchestrales de son effort précédent et nous soit revenu animé d'intentions plus directes et modestes. C'est un premier bon point.
Si le combo a toujours joué un heavy metal direct et sans fioritures - bien que certains titres plus épiques aux ambiances guerrières d'une charge émotionnelle incroyable ont aussi contribué à dessiner les contours de son identité – les omniprésentes expérimentations orchestrales de «
Gods of War» ont divisé les fans comme votre serviteur (pourtant fan absolu de nos barbares US) au risque de perdre le soutien inconditionnel de fervents supporters nostalgiques d'une époque glorieuse désormais révolue.
L'orientation plus brute de ce nouvel opus, donnant la part belle aux rythmiques, renvoie donc l'image d'une formation axée sur l'essentiel délivrant des riffs en acier plombé au son de la guitare de Karl Logan faisant jeu égal avec la basse ronflante et toujours très présente de Joey DeMaio. Cette facette «tuff guy» faisait, à mon sens, cruellement défaut sur la production précédente et est parfaitement illustrée par le premier titre «
The Lord of Steel» dont l'assise rythmique rapide et imparable renvoie non pas aux toutes premières offrandes de la formation mais directement à des titres comme Black
Wind,
Fire and Steel ou House of Death. Cette volonté manifeste de retrouver une fougue et une spontanéité qu'avaient perdues nos
Kings of Metal favoris est flagrante sur "Manowarriors", me rappelant par moments l'album
Louder Than Hell, mais pêchant par un riff passe-partout sur le refrain. On perçoit donc comme un sentiment de revanche et une furieuse envie d'en découdre avec des titres énergiques tels «Expendable», «El Gringo» et «
Annihilation » taillés pour le live qui mettent en exergue la pugnacité retrouvée d'un athlète - à l'instar d'un combattant de MMA comme
Randy Couture défait en 2005 par Chuck Liddel pour être sacré à nouveau 2 années plus tard - déchu de son titre et avide d'un nouveau sacre mondial.
Néanmoins si la pureté de l'intention est indéniable et la démarche louable tout ne fonctionne pas parfaitement et certains titres souffrent de la modestie affichée en termes de composition. Si simplifier le propos fonctionne sur certaines chansons d'autres en revanche frôlent le ridicule comme le médiocre « Blacklist » et l'insipide « Expendable », dont les riffs réchauffés n'ont d'égal que la pauvreté crasse des solis de Karl Logan; ce qui confirme une fois de plus l'opinion que je me fais du grand échalas à la frange exceptionnelle qui malgré une aisance technique manifeste n'a pas le 10ème du talent de David Schankle ni le 1000ème du feeling de Mister Ross the
Boss. Et pourtant des titres comme «
Born in a Grave » ou le fédérateur «
Hail,
Kill and
Die » pourvus de structures très épurées tant au niveau des arrangements que des rythmiques, fonctionnent bien et se révèlent très agréables à l'écoute, permettant même au six-cordiste bardé de cuir et adepte du masochisme capillaire de se livrer à des soli de bonne facture.
Un élément important et indissociable de
Manowar reste évidemment la performance d'Eric Adams. Le vocaliste - petit teigneux aux biceps d'acier - dont la tessiture de ténor enrobe les 11 compositions qui constituent l'album d'un timbre tour à tour chaud et caressant, péremptoire et autoritaire. Celui-ci reste un formidable frontman qui sait extraire la substantifique moelle de chaque titre et apporte cette couleur émotionnelle qui caractérise
Manowar. Si sa performance physique est moins importante surtout dans les montées aiguës, l'âge n'aidant pas, son interprétation sans failles rend compte d'une maturité évidente dans l'exercice vocal tant sur l'aspect hargneux de l'album que sur les compositions plus posées et atmosphériques comme « Righteous
Glory » à la construction proche de
Swords in the
Wind, où encore le tubesque et optimiste « Touch the Sky » proche dans l'esprit d'un titre comme The fight for
Freedom. Il livre d'ailleurs une très belle interprétation tout en finesse sur le titre final «
The Kingdom of Steel », épopée de 7 minutes et quelques au tempo lent et à l'atmosphère tragique empreinte de dignité que viennent renforcer un couple rythmique tout en sobriété et un Karl Logan discret mais toujours à propos. On peut même, sur la fin, y entendre quelques arrangements orchestraux s'inscrivant parfaitement dans la composition.
Connaissant le caractère déspotique de DeMaio, leader incontesté et incontestable de notre cohorte de Vikings, qui compose la majeure partie du matériel musical de la formation et conserve une absolue mainmise sur la production et la communication du groupe, il est surprenant de constater que ses interventions durant l'album sont moins débridées qu'à l'accoutumée et toujours au service des compositions. Même si je reste un fan du groupe je peux faire preuve d'objectivité en indiquant que le sieur Joey s'est malgré tout taillé la part du lion sur le mixage dotant sa basse ronflante d'un son grésillant et d'une puissance sonore presque égale à la guitare.
Au final les
Kings of Metal peuvent s'estimer fiers du travail accompli sur ce «
The Lord of Steel », qui avait la lourde de tâche de succéder au controversé «
Gods of War ». Tâche d'autant plus titanesque après l'annonce de la tragique disparation de Scott Colombus, à qui est dédicacé le titre «
The Lord of Steel », et son remplacement en toute discrétion par Donny Hamsik le batteur des débuts, qui assène de ses frappes une rythmique solide sur l'intégralité des titres sans vraiment se différencier de son regretté prédécesseur (le mixage et le jeu au trigg y sont pour beaucoup).
Pour ma part le contrat est rempli et un intense soulagement m'a étreint lors de la première écoute de cette galette, un sentiment qui je l'espère est partagé. Cette récente sortie d'un combo cher à mon coeur est loin, bien loin, d'égaler les classiques intemporels que sont "
Battle Hymns", "
Sign of the Hammer" où "
Kings of Metal" et consorts mais elle se révèle d'une qualité indéniable malgré quelques morceaux dispensables et tourne régulièrement depuis que j'en ai fait l'acquisition.
Hail,
Kill and
Die.
RIP SCOTT COLOMBUS.
Après un “Gods of War” passablement raté, un EP guère enthousiasmant (“Thunder in the Sky”) et un réenregistrement à la réputation tellement peu flatteuse que j’avoue n’avoir toujours pas eu la témérité d’y jeter une oreille (“Battle Hymns MMXI”), comme beaucoup je redoutais le pire pour ce dernier “vrai” album de Manowar (je dis “vrai”, car j’occulte volontairement le réenregistrement de “Kings of Metal MMXIV”, qui ne semble pas avoir été un franc succès non plus). C’est donc avec pas loin de cinq ans de retard que je me résous enfin à déballer cette galette, que je regardais en coin depuis un bon bout de temps.
Hé bien à vrai dire, c’est plutôt une bonne surprise.
Certes, la production manque d’envergure et la basse de Joey DeMaio, qui autrefois claquait comme un coup de fouet, sonne à présent comme un gros bourdon obèse (à force de jouer “Sting of the Bumblebee” peut-être ?). Mais si on était en droit de redouter de nouveaux délires symphonico-pouêt-pouêt comme on avait eu à en subir sur “Gods of War”, c’est avec plaisir qu’on retrouve finalement le Manowar qu’on aime, c’est à dire celui des compositions directes, simples mais mélodiques, avec de bons gros riffs bien lourds sans orchestrations à la mords-moi-le-nœud et des refrains au parfum de déjà entendu, mais tellement accrocheurs. Entre un “The Lord of Steel” gentiment speed, un “Born in a Grave” mélancolique et ténébreux, un “Touch the Sky” et son petit côté Rock’n’Roll qui n’est pas sans rappeler la période “Fighting the World” ou cette jolie ballade qui montre qu’Eric Adams en a encore sous le pied (”Righteous Glory”), perso ce coup-ci, je ne m’estime pas volé sur la marchandise. Ha, et ça fait plaisr de retrouver ce bon vieux Donny Hamsik derrière les fûts, après la disparition du sympathique Scott Colombus et de son inoxydable moustache.
Alors évidemment, il traîne ça et là quelques titres pas vraiment géniaux et un peu con-con (”Manowarriors” en tête de liste) et cet album arrive de toute façon probablement trop tard dans la discographie des Metal Kings pour espérer accrocher le peloton de tête ; néanmoins, il tourne agréablement et permet selon moi au groupe de retrouver, au moins en surface, un peu de son lustre passé.
Hail and kill and merci pour la kro ! :)
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