En début d’hiver 1984, ils reviennent. Un deuxième album en moins d’un an de la prolifique bande de guerriers au service du
True Metal. Après un été glorieux pour le football français durant lequel Michel Platini enfila les buts plus somptueux les uns que les autres, lors d’un Euro de football ne parvenant pas à nous faire complètement oublier la cruelle désillusion de Séville deux ans plus tôt. Après un été lui aussi marqué par les sorties d’albums des nouveaux maîtres de la musique forte,
Metallica et son Ride the Lightening, le Powerslave d’Iron Maiden, le Stay Hungry de
Twisted Sister entre autres. Sans les traditionnelles peaux de bête ou illustrations à base d’heroic fantasy, le quatuor d’hommes de guerre propose cette fois-ci une pochette sans chichis ni fioriture. Après trois premiers albums où le visuel et la musique avaient ancré
Manowar dans le power
Metal, la touche très épurée de cette pochette pouvait laisser penser que l’accent allait être porté sur la musique, rien que la musique. Bingo! Les boys enfoncent le clou avec une production bien proche du «
Hail to England » du printemps précédent. Beaucoup disait d’ailleurs à l’époque que ces deux albums auraient dû ne faire qu’un. J’imagine une fusion des brûlots de ces deux opus en un seul à l’époque. La faucille nous aurait sans doute sciés sur place, mais en attendant, c’est à nouveau un énorme coup de marteau sur la tête !
Lorsque l’on parle de
Manowar, la notion de groupe est fondamentale. Le pilier et membre fondateur est le bassiste Joey DeMaio, géant au regard qui te fixe avec une telle force qu’il arrive à te faire faire un litre d’huile avec un noyau d’olive coincé entre les fesses. Un musicien engagé et puissant, mais également soliste faisant de manière coutumière l’étalage de son savoir-faire sur sa basse à 4, 5 ou 8 cordes, ou sa basse Piccolo, comme sur l’instrumental « Thunderpick » qui vous saisit sur cet album, pour sa diversité de technique et de son. Une sonorité de basse toujours très métallique et qui apporte ainsi la lourdeur endémique aux compositions du groupe. Pour avoir été roadie de
Geezer Butler, il sait de quoi il en retourne. C’est d’ailleurs backstage d’un concert du Sabbath que Joey fait la connaissance par l’intermédiaire de RJ
Dio (RIP) du second fondateur de
Manowar, Ross the
Boss, guitariste américain de ce magnifique combo Français Shakin’ Street, qui accueillit au tout début en son sein la future bassiste et le futur soliste de Téléphone, ainsi qu’un certain Nono… Ils scellent leur désir commun de bâtir un groupe à la puissance jamais égalée. Néanmoins, le jeu de Ross the
Boss, alias de Ross Friedman, est plutôt inspiré de la période post-punk qu’il va mettre au service du heavy metal avec un certain bonheur. Après le passage rapide derrière les fûts de Carl Canedy puis Donny Hamzik, les deux compères seront rejoints pour l’album «
Into Glory Ride » par le cogneur Scott Columbus (RIP), batteur puissant pas forcément le plus technique, mais qui frappera sans relâche ses peaux sur les rythmiques des principaux albums du groupe. Il fallait un vocaliste de la trempe d’Eric Adams pour délivrer les hymnes de
Manowar. Ce chanteur hors pair délivre au passage une performance époustouflante sur ce «
Sign of the Hammer ». Il évolue dans un registre animal, racé, lyrique voire possédé sur certains titres et donne le relief nécessaire à des morceaux de choix.
Ce second album de l’année 1984 doit s’écouter dans la continuité de son prédécesseur, certes, et aussi pour la cohésion d’ensemble des 4 musiciens qui proposent au cours de ces 8 morceaux une qualité et variété qu’ils eurent du mal à reproduire ensuite, en donnant parfois l’illusion de se répéter et de ne plus parvenir à se renouveler.
Plus facile à écrire qu’à dire à ces quatre colosses en tête à tête, dois-je reconnaître. Néanmoins, Eric Adams en survolant chacun des titres arrive à hisser certains morceaux au firmament de leur discographie. Prenons «
Thor, the Powerhead » qui dès son introduction donne l’indication du chef d’œuvre en puissance. Une ligne de basse de type tractopelle, une ligne de batterie fleurant bon la cavalcade de mammouths sur lesquelles viennent se greffer un riff acéré et une voix assénant l’ode au dieu
Thor. Quelques chœurs lyriques et guerriers saupoudrent par instants ce morceau de bravoure, conçu pour la scène, et qui s’achève sur un hurlement guttural et tellurique d’Eric Adams, soutenu par ses trois compères. Du speed en début de face 2, pour les anciens possédant la version vinyle avec un «
Sign of the Hammer » dont l’entame à la basse et à la guitare tourne au concours de celui qui sera le plus rapide sur ses cordes. Une rythmique sourde et puissante, emmenée par Joey, qui nous fait penser par moment à un Lemmy au meilleur de sa forme. La variation du chant d’Eric Adams est aussi saisissante. Alternant montées dans des aigus maîtrisés puis chant inquisiteur, ce title track rentre bien vite en tête comme si l’on venait de se nettoyer les oreilles avec deux lance roquettes. Au rayon du speed, «
The Oath » déboule encore une fois soutenu par une rythmique basse/batterie dantesque. Les vocaux confinent à l’orgie pour Eric Adams, tout y passe : lyrisme, chant, cri, hurlements dans un ensemble torturé. Ross the
Boss n’est pas en reste sur ces titres. Il intervient au travers de quelques soli de bonne facture et de riffs inspirés, et complètent l’impression de force dégagée par le groupe.
Manowar c’est aussi et peut être avant tout des hymnes, aux thèmes plus différents les uns que les autres. Rares sont ceux qui osent commencer leur album par un hommage à leur maison de disque.
Manowar l’a fait ! Avec «
All Men Play on 10 », ils tirent leur révérence à la compagnie
Ten Records qui a eu assez de couilles pour signer le groupe le plus puissant de la planète. Étant quasiment les seuls à cette époque à avoir un deal de cette importance avec eux, leur affirmation un peu facile (vite, je me cache) et bâtie sur un titre lent et lourd donnait l’occasion à Eric Adams de délivrer, de sa voix claire, un chant profond, parfois presque à bout de souffle. Au rayon hymne à la ligne de basse de bombardier, on retrouve « Animals », assortie d’une gifle de batterie bien lourde. Le chant de cette œuvre de l’âge des cavernes est félin, bestial plus qu’animal. Encore une grosse performance vocale, puissante et possédée. La fin du titre en cavalcade du 7ème de cavalerie confine aux limites du délire collectif. Enfin, deux titres dépassant chacun les 7 minutes permettent à
Manowar et, sans contestation possible, à Éric Adams de s’affirmer comme l’un des meilleurs vocalistes de Heavy
Metal du moment. « Mountains » aurait pu aussi s’appeler « Calm Before the Storm » tant il oscille entre douceur et explosion de lourdeur. Basse et guitare soutiennent par leur feeling la démonstration d’un chanteur doué et raffiné. Ross the
Boss et Joey deMaio sont eux aussi à féliciter pour un jeu d’une infinie tendresse. Le second morceau de bravoure « Guyana » revient sur les évènements tragiques du suicide collectif de la secte de
Jim Jones en 1978 en Guyane Britannique. Titre magnifique où l’osmose des quatre membres de
Manowar est parfaite. Rythme aux relents andalous et chant apaisé illuminent un titre lourd bien singulier dans sa construction et le ressenti de néanmoins légèreté qu’il procure. Ross the
Boss laisse encore libre cour à son imagination.
Brillant témoignage de ce que
Manowar aura produit de mieux au cours de sa carrière. Un début d’apogée atteinte pour ce groupe qui n’aura eu que la mauvaise idée de considérer leur combat contre le False
Metal prépondérant à la carrière de musiciens qu’ils sont avant tout. La suite des aventures de ses géants sur le plan discographique connaitra des hauts et des bas. Bien dommage. Ils étaient revenus, une seconde fois en cette année 1984…
Je rêve des vieux albums de Manowar avec leur gros son lourd et actuel, de bons gros remasters seraient fortement appréciés (mais par pitié plus de ré-enregistrements...)
Ce n'est pas mon Manowar préféré, loin de la.
14/20
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