Plus besoin de présenter
Katatonia. Avec dix albums au compteur, la formation suédoise fait office de vétéran quand il s’agit de pratiquer un doom rock sobre, froid et aérien. Si les débuts du groupe étaient marqués par un doom death particulièrement dépressif, sombre et suffocant, le quatuor a évolué à partir de
Discouraged Ones vers un metal gothique plus catchy s’appuyant davantage sur la voix claire de
Jonas Renkse ainsi que des riffs et des mélodies à la fois accrocheurs et mélancoliques.
Forts du succès d’albums comme
Last Fair Deal Gone Down ou
The Great Cold Distance, les Suédois deviennent un groupe incontournable, continuant d’enchaîner régulièrement les bonnes sorties au son directement identifiable, se rapprochant toujours plus d’un rock metal épuré et atmosphérique. Ceci dit, force est de constater que depuis
Night Is the New Day, on a l’impression que
Katatonia joue un peu la carte de la facilité, se contenant de répéter une formule déjà éprouvée, laissant un arrière-goût un peu amer de déjà entendu et d’inachevé en bouche.
The Fall of Hearts, leur onzième album studio, ne sera pas une rupture avec les albums précédents, loin de là. Ceci dit, on appréciera le travail d’orfèvre réalisé par Nyström et Renkse,
Katatonia offrant douze titres fouillés et ciselés à la langueur placide, loin du côté tubesque et entraînant de groupes comme
Lacrimas Profundere ou
Sentenced.
Takeover, qui ouvre ces 67 minutes, fait penser à un mélange particulièrement réussi entre
Anathema et l’
Opeth de
Damnation, évoluant entre parties évanescentes et aériennes et passages plus énergiques, avec quelques riffs immédiatement accrocheurs malgré leur complexité, le tout toujours marqué par un côté progressif et mélancolique marqué. Ces 7,07 minutes classieuses et subtiles introduisent idéalement le nouvel opus des suédois.
Serein est résolument plus lumineux, avec ce lead de guitare rayonnant et mélodique à la
Amorphis et ce rythme plus soutenu, titre énergique et entraînant sur lequel la voix claire de
Jonas, toujours simple et juste, égraine un refrain assez facile à retenir.
Les douze titres défilent et ne se ressemblent pas, alternant parties atmosphériques tout en retenue, passages plus enlevés aux réminiscences metal appréciables (le début de Sanction avec ce riff tortueux et délectable à la
Opeth et ce rythme cassé, le superbe et virtuose début de Passer à l’attaque irrésistible sur laquelle les guitares viennent hurler des notes célestes et virtuoses) et mélangeant habilement les deux au sein de morceaux riches et travaillés à la cohérence et à l’équilibre bluffants.
Les arpèges et le clavier tissent une toile brumeuse et irréelle, nous enveloppant dans un spleen gris et automnal qui nous plonge dans une sorte de torpeur lénifiante (
Old Heart Falls, Decima,
Pale Flag). Ces percussions feutrées, ces notes de guitare flottantes, ce mellotron dont les plaintes aigrelettes semblent provenir d’un autre âge, la voix rêveuse et triste du chanteur, tout paraît se figer en un cliché sépia hors du temps, comme cet oiseau noir qui semble suspendre son vol, douce anesthésie musicale d’une vie trop bruyante et tumultueuse.
Soulignons tout de même Serac, morceau le plus long de l’album avec ses 7,25 minutes, qui fait largement penser à
Opeth, avec ce riff saccadé et complexe louvoyant sur cette rythmique syncopée, ce chant un brin nasillard et plaintif empruntant volontiers les intonations d’Akerfeldt, et ce passage acoustique en milieu de morceau et, a contrario,
Pale Flag, qui nous immerge dans un spleen contemplatif et maussade, avec ces arpèges brumeux, cette voix grave et résignée et ces percussions tout en subtilité qui semblent nous maintenir dans un doux cocon ouaté.
Le constat est sans appel,
The Fall of Hearts est l’album des suédois le plus subtil et délicatement travaillé depuis bien longtemps, parvenant à rester homogène jusque dans son hétérogénéité. Finalement le seul reproche que l’on pourrait lui faire, c’est cette froideur mélancolique, cette langueur tiède et molle qui nous enveloppe dans une sorte de léthargie apathique et indifférente : ces 67 minutes s’écoulent paisiblement dans une torpeur monotone et grise sans vraiment de moments forts ni d’explosion. Tous les titres sont riches, admirablement composés et rehaussés de petits arrangements subtils, mais l’ensemble sonne très froid, presque dépouillé dans cette sobriété austère qui semble volontairement anesthésier les émotions trop intenses.
The Fall of Hearts est en définitive la bande son parfaite pour accompagner les longues soirées d’automne, assis avec une pipe bien tassée et un vieux bourbon devant un bon feu de cheminée, un chat ronronnant recroquevillé sur vos genoux, à regarder les feuilles mortes tourbillonner dans le soufflement morose du vent. Puis au bout de ces 67 minutes, selon la prophétie suédoise, c’est votre cœur qui tombera et qui viendra se poser doucement sur ce tapis jaune, brun et ocre, et une fois de plus la faute en incombera à
Katatonia.
par contre je ne comprend pas trop le 15 que tu lui as mis, que je trouve (presque) severe surtout au vu de ta chronique qui laisse penser que tu as bien bien aimé l'album. sanction de l'absence d'évolution ?
Et sinon, comme écrit dans ma chronique, je déplore à titre personnel une musique un peu trop langoureuse et lénifiante, qui manque de moments vraiment forts et poignants.
Ceci dit, 15 est une très bonne note, et généralement, pour que je monte au dessus, il faut que l'album me touche beaucoup à titre personnel, on entre donc là plus dans un aspect totalement suggestif.
Un très bon album de genre finalement mais qui ne m'a pas chamboulé même si je l'ai beaucoup apprécié en tant que tel.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire