Il n’est à mon sens pas nécessairement utile de s’étendre trop longuement sur les affres didactiques dans lesquelles cette œuvre prend source. Détaillé, en effet, plus minutieusement toutes les subtilités du concept philosophique de la
Tabula Rasa (La Table Rase) engendré par les écrits anciens d’Aristote, de Saint Thomas d’Aquin et d’Avicenne, dont Abubacer Aben Tofail s’inspira afin d’écrire une nouvelle, pouvant être, en quelque sorte, considérée comme annonciatrice du "Robinson Crusoé" de Daniel Defoe, ou encore de "l’Emile, ou De l’éducation" de Jean-Jacques Rousseau, et qui, après une traduction latine, aida John Locke à en formuler plus précisément le fondement ; est un voyage que chacun aura la faculté d’entreprendre aussi intensément qu’il le souhaitera. Urban
Breed (
Tad Morose,
Pyramaze), compositeur et chanteur du groupe, quant à lui, s’en inspire très librement pour nous en proposer sa vision toute personnelle, et ainsi donner naissance à cette œuvre.
Le troisième album de ces Suédois, au-delà de marquer le retour de son vocaliste originel, apparait comme une terre propice aux mutations diverses. Plongeant les mains au cœur d’une idéologie profondément intense, introspectif et mature, le groupe en profite pour faire table rase de ce passé où il s’abandonna, parfois, à quelques frasques déconcertantes. Il en profite aussi pour s’éloigner de sa musique d’antan. Abandonnant donc son Heavy traditionnel directement influencé par les années 80, hanté, et sans doute un peu trop, par les ombres de plus illustres tel que Iron Maiden,
Manowar ou plus récemment
Hammerfall, il lui préfère un Heavy
Metal plus américains et plus moderne à l’image, toute proportions gardés, de celui de
Brainstorm, et bien entendu de celui de
Pyramaze. Il renait donc avec le visage d’une virginité toute relative. Cette mue artistique n’est pas sans risque, car cette acception plus contemporaine, si elle est, par définition, bien plus dans l’ère du temps, a le fâcheux désavantage d’offrir une musique plus complexe, plus âpre, plus recherchée et donc, forcément moins fédératrice. Pourtant, dès Sweet Dreams of Madness, aux impérissables riffs courts et nerveux épousant parfaitement les doubles-croches parcimonieusement convulsives distillées par une double grosse-caisse charmeuse, véritable exercice caractérisé; le groupe parvient à ne pas noyer son auditoire sous les tourments d’une sombre rudesse constante inutilement anxieuse qui, me concernant, est loin d’être délectable. Cette harmonie possède une stabilité délicieuse. La mélodieuse musicalité mise en exergue, notamment, par les qualités de cette voix polyvalente, mais aussi par celles de ces refrains, souvent, très réussies; est ainsi confrontée à une musique, souvent, énergique et ombreuse. Ce faisant de nouveaux horizons s'offrent à
Bloodbound. Tout comme de nouvelles perspectives bien moins anecdotiques que celles d’autrefois.
Dans une première partie d’album très inspirée, où les titres s’enchainent, déterminés par les vertus, les constructions et les oppositions, déjà décrites,
Bloodbound excelle. Ainsi Sweet Dreams of Madness,
Dominion 5, Take One,
Tabula Rasa et
Tabula Rasa Pt. II (
Nothing at All) s’inscrivent, fort à la fois de leur ferveur mais aussi de leur harmonie musicale et de leurs refrains divinement salutaires et mélodiques, dans cette nouvelle et plaisante optique. Si la suite de l’album reste de très bonne tenue (Plague Doctor,
Master of my Dreams,
Twisted Kind of
Fate, All Right Reserved), elle demeure pourtant, et malheureusement, nettement moins intense. Un infime essoufflement qui ne peut altérer en rien, la très bonne impression que nous laisse, au final, cette œuvre.
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