Stormbringer est le deuxième et dernier album du mark III de
Deep Purple (deux albums en deux ans, avant le split).
La tournée de l’album précédent
Burn s’est achevée.
David Coverdale et
Glenn Hughes y ont pris réellement leurs marques et toute la troupe retourne rapidement en studio pour l’écriture du nouvel opus.
Ritchie Blackmore se veut toujours le boss qui tient la baraque et qui donne l’orientation musicale du groupe. Un trait de caractère qu’il gardera tout le long de sa carrière d’ailleurs… Mais déception ! Il n’a que peu de choses à proposer au groupe qui rentre en studio : Seules deux chansons qui deviendront ultérieurement
Stormbringer et
Soldier Of
Fortune. La récolte est bien maigre. Tout le monde va alors se mettre au boulot, à commencer par nos deux jeunes recrues qui vont rapidement prendre de la place dans le groupe. A tel point qu’ils vont avoir le toupet de refuser la reprise de
Black Sheep Of The Family, que Blackmore tenait tant à mettre en boîte. Il se le permettra d’ailleurs quelques mois plus tard dans son Ritchie Blackmore’s
Rainbow. De même que certaines idées de compositions, qu’il ressortira des poubelles et qui partiront directement sur son futur album éponyme.
Mais, ceci n’est, pour le moment, que futur. Revenons à nos moutons, pas nécessairement noirs. Ayant ces éléments en tête, je plagierais Clint Eastwood qui nous disait : « Le monde se divise en deux catégories… ». Ainsi, il y a les compos de Ritchie Blackmore et les autres. C’est très net, avec d’un côté, ses compositions percutantes axées sur de beaux riffs, et de l’autre, des chansons plus soft et… plus funky. Ce dernier côté étant apporté à pleins poumons par
Glenn Hughes.
Je vais donc raisonner par ordre décroissant d’influences de Ritchie Blackmore dans les compositions pour disséquer cet album. Le même raisonnement pourrait être mené a contrario avec les influences apportées par
Glenn Hughes aux chansons.
Comme je l’écrivais auparavant, Ritchie a apporté avec lui dans ses valises deux titres. Le premier étant
Stormbringer. Là, rien à redire : on est à la base dans l’univers blackmorien de l’époque : un gros riff percutant, chanson rythmée, des paroles signées Coverdale très agressives etc… Bref, c’est une réplique de
Burn (la chanson) pour ce deuxième album. C’est là une très belle entrée en matière. Seule surprise, et de taille : l’enrobage de la musique aux claviers… funky ! A noter également que lorsque
David Coverdale a écrit son texte, il ne connaissait en rien la nouvelle de Moorcock du même nom… et il ne la découvrit que bien plus tard ! Le deuxième titre est
Soldier of
Fortune. Le titre faillit ne jamais aboutir sur l’album car, seuls Blackmore et Coverdale croyaient en ce titre. Les autres membres du groupe ne le trouvaient pas suffisamment intéressant et c’est finalement en épurant le morceau qu’ils vont finalement convaincre et mettre tout le monde d’accord. C’est une ballade qui va figurer en dernière position de l’album. C’est rare mais c’est l’une des seules fois où le guitariste empoignera sa guitare sèche lors d'un enregistrement. Coverdale chantera seul pour le coup, et de manière magistrale. Il y est très poignant, convaincant et à fleur de peau. Il révèle tout son talent sur ce titre, qu’il se permettra de reprendre plus tard avec son
Whitesnake. Le solo de Blackmore, électrique cette fois, sera court mais très inspiré et dans le prolongement parfait de la sensibilité du chant. Une très belle réussite de nos deux acolytes.
Viennent ensuite :
Lady Double Dealer, The gypsy et High Ball Shooter.
Ce sont de très beaux titres réellement influencés par le ténébreux guitariste. Ils sont assurément pêchus et supportés par une très belle et très groovy rythmique d’
Ian Paice. Les solos sont magnifiques. A noter d’ailleurs la très belle prouesse du maestro Jon
Lord sur High Ball Shooter, qui nous livrera l'un de ses meilleurs solos au sein du Pourpre Profond.
Nous arrivons ensuite dans le registre plus… surprenant pour
Deep Purple et qui va agacer Ritchie Blackmore, provoquant ultérieurement son départ du groupe. Les deux récentes recrues (Coverdale/hughes) y apposent directement leurs griffes, au grand désespoir du guitariste, qui va laisser faire. Celui-ci ne voulant pas revivre la guerre de tranchées qu’il avait déjà menée deux ans auparavant contre le précédent chanteur :
Ian Gillan.
On retrouve encore un peu de Blackmore dans You Can’t Do It Right. Le riff aussi tordu ne peut venir que de notre guitariste. Mais le reste du morceau tombe facilement dans la soul, avec les claviers omniprésents de Jon
Lord. Ce n'est définitivement pas la marque de fabrique de Blackmore. Jon
Lord se fera de nouveau remarquer avec un solo aux sonorités si typiques des ’70. Le tout forme un ensemble cohérent et intéressant, sur lequel on peut faire couler beaucoup d’encre. Qu’importe, les cinq musiciens y sont brillants !
Love Don’t Mean A Thing est un titre qui a été soufflé à l’oreille de Ritchie Blackmore. Une personne est venue le voir en soirée en disant : « Hé mec, j’ai une chanson pour toi. » ; « Casse-toi. » Répond poliment le ténébreux guitariste.
La personne insiste et commence sa chanson. Elle intéresse un Blackmore curieux qui décide de l’inviter dans l’avion du groupe pour essayer d’en faire un titre avec ses comparses. Coverdale et Hughes récupèrent cet embryon de morceau et vont le mener à terme. Il en résulte une chanson étonnamment calme, très surprenante pour
Deep Purple et encore plus pour Blackmore. Il y joue pourtant une rythmique nette et impeccable, tandis que nos deux jeunes chanteurs ressortent nettement de la mêlée. Le titre s'achève sur des chœurs et un sublime solo de guitare, tout en feeling et en douceur, cadrant parfaitement à l’ambiance.
Restent ensuite les deux titres non crédités par Ritchie Blackmore, celui-ci refusant de les éliminer purement et simplement. C’est dire s’il doit les apprécier !
Holy Man est le titre le plus calme de ce recueil. Deux versions ont été faites : une chantée intégralement par
Glenn Hughes, et l’autre par Coverdale. C’est finalement celle de
Glenn Hughes qui sera retenue. C’est le titre le plus bouche-trou de l’album, même si les fans absolus de
Glenn Hughes le vénèrent.
Hold On vient avant tout d’une idée de Jon
Lord. Celui-ci délaisse son orgue Hammond et en utilise un électrique, une fois n’est pas coutume. C’est même celui-ci qui va imprimer le rythme avec la basse très ronde et chaleureuse de
Glenn Hughes. L’ambiance est funky à souhait.
Glenn Hughes s’en donnera à cœur joie dans ses parties vocales. Ce qui énerve Blackmore, qui ira quand même s’enfermer dans une salle de contrôle pour sortir en une seule prise un long solo qui se fond de manière miraculeuse sur ce titre.
Une fois la musique composée, l’album partira en mixage aux Etats Unis. Le groupe ne perd pas de temps et repart sur les planches. C’est à cette occasion que
Glenn Hughes commettra l’irréparable en découvrant la cocaïne... Ce qui aura pour conséquences son incapacité à performer live un an plus tard et entraînera le sabordage du groupe. Ce sera également pour lui un trou d’air aussi bien musical que personnel de presque quinze ans...
Blackmore va peu à peu se distancier du groupe. Et, ce qui ne devait être qu’un projet solo enregistré en cours de tournée Strombringer, deviendra finalement un début de groupe à part entière. L’idée a fait son bonhomme de chemin depuis. Blackmore est confiant dans ses nouvelles compositions. Il décide alors de quitter le groupe à la fin de la tournée pour aller former
Rainbow.
Ladite tournée verra trois compositions de l’album s’ajouter à la setlist :
Stormbringer,
Lady Double Dealer et The gypsy. Il nous reste d’ailleurs quelques témoignages audio comme un
Live In
Paris ou un
Live In Graz, à peine moins inspirés que le mythique
Made in Japan.
Album a re-découvrir car écrasé par les monstres précédents et ceux à venir...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire