Apocalyptica est un groupe qui a commencé en 1996 avec des reprises originales de
Metallica, et l’album qui lui a permis de se faire remarquer est
Cult. Mais qu’est-ce qui rend ce groupe si particulier ? Autre question qu’on peut se poser, plus classique : ah tiens c’est un groupe de metal symphonique, mais… ils n’ont pas de chanteur(euse) ?
Observons leur line-up : quatre violoncellistes et un batteur occasionnel, rien de plus. Les habitués du metal qui ne connaissent pas encore le groupe font la moue. Pourtant, ses reprises suivent pratiquement le morceau d’origine : ceux qui connaissent bien «
Enter Sandman » ou « Fade to Black » reconnaîtront bien les chansons de
Metallica – les paroles en moins, remplacées par le violoncelle.
Mais je m’égare, revenons à
Reflections. Bon, la première chose que j’ai à dire sur l’album c’est que sa construction a un sens : à voir les titres, on dirait des noms de chapitres pour un livre, et ça se tient… presque. J’y reviendrai. Deuxième chose :
Reflections s’encastre en deux parties distinctes, que l’on peut séparer grâce à « Conclusion », le morceau ‘charnière’.
Reflections s’écoute comme on regarde un film sans les dialogues : la musique et les titres nous suggèrent une intrigue, mais nous devons imaginer nous-mêmes le reste. Et franchement,
Reflections pourrait facilement faire une soundtrack s’il était légèrement modifié pour illustrer des scènes.
Tout commence par une introduction au titre sobre : « Prologue [Apprehension] ». En littérature, le prologue est un passage court, un peu en dehors de l’œuvre, qui nous donne des infos parallèles à l’histoire pour nous donner un aspect différent de l’intrigue et y mettre du relief. Et l’appréhension d’un problème, c’est son observation avec pour but de l’identifier.
La conclusion est habituellement la fin d’une rédaction, où l’on récapitule les arguments avec un plus, l’élargissement. Mais ici ce n’est pas la fin, puisque l’album se poursuit dans une deuxième partie (plus entraînante) jusqu’à l’épilogue. L’épilogue est, dans les livres comme dans les films, une ultime séquence rattachée à l’histoire qui se passe plus tard, pour nous donner une espèce de suite pour définitivement clore l’œuvre, en bien comme en mal. ‘Relief’ en anglais signifie ‘solution’.
Pour entrer dans les détails, je dirais qu’
Apocalyptica est fait d’artistes à part entière. Rares sont les groupes qui font de la musique un art plus qu’une machine à sous. Ils sont parvenus à rendre possible le mélange improbable de la musique classique et du metal, et ça rend parfaitement bien. On arrive à un résultat presque ‘grand public’ : les mordus de musique classique adoreront les ballades magnifiques de l’album, parce qu’elles respectent les règles de la musique classique. A savoir que ce genre musical vise avant tout à dépeindre une scène, une situation, une impression… et tout cela avec des instruments dits classiques et un maximum de précisions. Les vrais métalleux apprécieront également, parce que le groupe sait aussi gérer le lourd, le puissant comme le speed. Les riffs au violoncelle électrique sont parfois violents (voir « Heat » ou « Toreador II » par exemple), les solos sont incroyables, et le batteur est vraiment très bon. Mes respects pour chaque performance.
Apocalyptica sait comment exprimer beaucoup avec peu : un titre et une mélodie de quelques minutes, souvent soutenue par un arrière-fond metal. Rien de plus (dans
Reflections en tout cas). Les plus sensibles à la musique arriveront facilement à reconnaître ce que le groupe a voulu exprimer. Regrets, nostalgie, trahison, résignation, chaleur, noblesse, majesté, tristesse… tout est joué avec tant de talent que même ces sentiments sont accompagnés d’un tableau. Si je prends « Conclusion » par exemple : en écoutant le morceau, je vois la brise d’automne transportant lascivement des feuilles mortes qui caressent une tombe (ça m’a rappelé la scène du Seigneur des Anneaux où
Arwen se voit pleurer
Aragorn).
J’aurai quelques questions à éclaircir : pourquoi choisir le violoncelle ? Indice : cet instrument remplace le chant. Oui, parce que d’après des études – et vos propres oreilles, on a constaté que le violoncelle est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine.
Cet album est sublime, et mérite largement ma note. Je n’ai pas mis 20/20 car je trouve «
Pandemonium » et « Toreador II » mal placées, ce qui casse le rythme de l’album malgré leur excellence. Sinon, chaque morceau est un régal.
Un bémol toutefois, parce qu’il est vrai que
Reflections n’est pas un album que l’on peut écouter en boucle : on s’en lasse. C’est pour ça qu’il faut le conserver au frais pour des moments de dégustation : il y a des choses qu’il vaut mieux se garder de consommer trop souvent, pour que subsiste toute leur saveur.
J'ai toujours bien aimé cet album aussi loin que je m'en souvienne, "No Education" étant une des toutes premières chansons du groupe (et même de metal) que j'ai écouté.
Ca s'écoute peinard.
16/20
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