Le poète posa un regard sur ce qu’il avait accompli. Il était fier et enthousiaste, secrètement convaincu d’avoir façonné son chef d’œuvre ultime, sa création la plus ambitieuse, celle qui parviendra à rallier un nombre infini d’adorateurs, qui saura plaire aux amateurs des débuts comme aux rêveurs d’aujourd’hui. L’œuvre ultime pense-t-il…mais encore faut-il pouvoir la proposer au plus grand nombre…
Sans entrer plus loin dans des débats qui ne nous concernent pas et dont nous ne maitrisons pas l’intégralité des tenants et aboutissants, des informations circulèrent comme quoi
Nuclear Blast ne fut pas aussi satisfait que Tony Kakko de la première monture qu’il proposa de "Pariah’s Child". Trop lent, trop féérique, trop de piano…pas assez de guitare ni de tempos rapides et encore moins le fameux retour aux sources qui serait si facile à promouvoir. Le vocaliste compositeur finlandais surdoué fut contraint de retoucher certains éléments, d’y apporter du rythme, de le rendre plus commercialisable…
Encore une fois, il serait probablement faux de situer la totalité de la déception liée à "Pariah’s Child" sur ce fait interne et privé qui, visiblement, toucha tout de même la conception profonde du huitième album de
Sonata Arctica.
Il est évident que le groupe est aujourd’hui une machine qui tourne bien, habitué aux ventes d’albums et aux longues tournées mondiales. Et si "
Stones Grow Her Name" fut une déception pour certains, notamment après les chefs d’œuvres que furent "
Unia" et "
The Days of Grays", il contenait certaines perles inestimables telles que la sublime "
I Have a Right", les "
Wildfire" qui multipliaient les arrangements ou encore un "Somewhere
Close to You" qui œuvrait dans une recherche continuelle de nouvelles sonorités. Certes, l’album était loin des deux précédents et les fans des débuts ne pouvaient s’y retrouver mais tout juste pouvions-nous évoquer une sensible baisse de régime qui ne demandait qu’à être pardonnée sur l’opus suivant. Puis "Pariah’s Child" fut annoncé en grandes pompes comme un retour aux sources au speed mélodique des premières heures, propre à raviver la flamme d’un metal purement scandinave. Mais il n’en est clairement rien…
Sans aller trop loin, "Pariah’s Child" est probablement l’album le plus mauvais (ou le moins bon, selon l’utilisation ou non d’une litote) du groupe (avec "Winterheart’s Guild", mais ceci est plus personnel). Que dire de cet album que l’on ne sent clairement pas venir du cœur ? Qui semble avoir été fait comme on va vulgairement au travail, sans magie ni envie ? De ces tempos plus rapides mais qui donnent la sensation d’un groupe s’ennuyant complètement ? Et surtout de ce manque complet d’originalité, de volonté de créer ? C’est à peine si on reconnait les Tony Kakko et Henrik Klingenberg conquérants et créatifs de ces dernières années !
Evidemment, nous pourrons compter sur certains coups d’éclat, tel que le fantastique "
Blood" qui virevolte d’un speed mélodique superbe à des phases bien plus originales, que ce soit dans le phrasé d’un Tony Kakko très en voix ou encore dans un refrain magique qui risque de ne plus vous lâcher une fois écouté (profitez-en, c’est sûrement le seul). C’est aussi une ligne de claviers très pure, des soli recherchés et surtout une émotion de chaque instant, une tension, des cris de Tony qu’il maitrise désormais parfaitement et surtout un développement n’étant pas sans rappeler le fabuleux "Juliet" (le passage narratif particulièrement). Mais ce "
Blood" est si seul dans cet album…
"
The Wolves Die Young" ne trompe personne. Sa mélodie est déjà entendue, ses claviers respirent un manteau neigeux mais synthétique et ce n’est pas l’attaque directe du nouveau bassiste Pasi Kauppinen qui va changer la donne. Tony ne chante pas avec ses tripes, Tommy s’enferme dans une double pédale répétitive et un jeu trop vite lassant et ne parvient jamais à donner vie à une composition à laquelle on a l’impression d’avoir volontairement ralentie la bande pour ne pas trop se fatiguer. Les quelques accélérations paraissent bien pâles, à l’instar de "
Cloud Factory" qui, lui aussi en tant que single, n’offre pas la meilleure vitrine possible pour présenter le disque. Est-ce ce chant complètement vide ou bien cette rythmique tournant dans la mélasse ? Ce refrain « Dysney » que le groupe est pourtant parvenu à rendre mémorable par le passé ou encore Elias qui parait plus que jamais inutilisé lorsque l’on connait son immense talent (être réduit à ce genre de riffs ne doit pas lui faire un grand plaisir).
Alors oui, on pourra citer un "Running Lights" bien plus rapide mais, encore une fois, où est le but ? L’émotion ? Le frisson ? Nulle part. Sonata n’y est absolument pas et l’illusion prend à peine le soin de nous y faire croire. Un vide profond se dégage de la composition, tout comme de "X Marks the Spot" où Tony essaie de placer beaucoup de lignes de chant narratives, en spoken words ou encore des hurlements mais malheureusement le fait sans cohérence, sans idées et ne fait finalement que rendre le morceau incroyablement confus. Les claviers ne suivent absolument pas le riff, Tommy fait une fois de plus le minimum syndical et surtout, et c’est peut-être la première fois, Tony fait mal à entendre, complètement à côté de la plaque, dans des interventions qui, indépendamment, pourraient être géniales mais qui, bout à bout, ne donnent absolument rien. Les "
Fullmoon", "
Black Sheep" ou autres "
Wolf and Raven" sont bien loin...
Il essaie, sporadiquement, de refaire vivre le groupe des albums précédents sur un timide "Take One Breath" qui débute comme "Losing my
Insanity" et remonte un peu le niveau mais c’est bien trop maigre pour convaincre. Tout y est pourtant mieux, Tony y chante superbement bien, avec émotion et justesse et au service d’une musique plus épurée et délicate qui sied évidemment mieux à l’environnement que le Finlandais souhaite aujourd’hui créer avec le groupe.
Il convient d’évoquer aussi le cas de "Larger than
Life", pièce de dix minutes, représentant le malaise de cet album tout autant que la déception qu’il engendre. Entre magie et fainéantise, beauté pure et passages téléphonés ou encore génie et ringard, il synthétise toute l’ambivalence d’un album montrant un groupe mal dans sa peau. Inspiré par
Nightwish et notamment son "Imaginaerum", le titre se veut très théâtral et impressionne tant Tony y est possédé, chantant tel un fou, un chanteur baroque ou encore un conteur de l’époque victorienne. Les arrangements symphoniques sont monumentaux mais savent se montrer parfois discrets, jusqu’à disparaitre complètement sur un refrain trop mièvre pour supporter toute la magnificence d’une telle œuvre musicale. Pourtant, on y retrouve aussi des instants formidables, inspirés d’"
Unia" et surtout "
The Days of Grays" (la mélodie au 3 :40 min) qui seraient presque capables de faire oublier toute la trahison ressentie à l’écoute du reste. L’intensité des arrangements vocaux est à couper le souffle et on aurait presque aimé voir le titre continuer encore quelques minutes, tant il démontre que le vrai
Sonata Arctica est encore là, quelque part, caché et probablement vexé de ne pas avoir pu donner la pleine mesure de son talent. Car ce n’est pas le Sonata que l’on connait ici, pas le groupe passionné et insatiable des années précédentes. C’est un orchestre étrangement fatigué, consumé par le temps ou simplement muselé par des autorités supérieures ne lui laissant pas exprimer la pleine mesure de son talent. Le futur nous en dira plus mais il y a fort à parier que cette erreur de parcours se paiera cash auprès des fans, devenus particulièrement exigeants ces derniers temps. Un peu de recul s’avère désormais nécessaire, de quoi laisser le temps aux musiciens de vaquer à des projets solos qu’ils ont tous en idée, quelque part dans un coin de leur tête. Quelque part, là où on ne les attend pas…
D'autres sont bonnes mais trop peu efficaces sur les refrains. Du coup, on n'en retient pas grand chose sitôt l'écoute finie. Je pense à "Blood", à "Running Lights", par exemple. On ressent sur d'autres chansons cet effort pour la scène, sur mais sur "Take One Breath", le point de repère arrive tard, ce qui fait qu'on ne retient que ca. "Love" n'arrive pas à la cheville de "What Did You Do In The War, Dad ?", niveau émotion. "Larger Than Life" me paraît trop Prog. C'est dommage, elles pourraient déboîter vu leur refrains, mais ne convainquent pas tout-à-fait a cause de ces divers problèmes... En tout cas, Sonata nous livre un album avec des pépites, et nous aurions tort de sous-estimer cet album. Il a des défauts, mais je suis prêt à les accepter :)
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