Evoluer tout en restant fidèle à son esthétique brutale : voici comment nous pourrions évoquer la carrière de
Carnifex. Réputé pour sa brutalité et son lyrisme sombre, le groupe de deathcore américain s’est imposé au cours de presque deux décennies comme l’une des figures emblématiques du genre. Mené depuis ses débuts par le charismatique vocaliste Scott Lewis, et malgré quelques erreurs de parcours, chaque parution du quintet leur a permis de forger une réputation, une gloire largement méritée et qui ne sont plus à prouver.
Si la formation a néanmoins subi quelques erreurs de parcours, principalement via les sorties de
Slow Death (2016) et
World War X (2019), des ouvrages certes irréprochables dans leur écriture mais dont l’identité avait laissé une certaine sensation de lassitude, l’arrivée de
Graveside Confessions en 2021 a permis d’entrevoir une facette plus moderne du collectif avec une marque blackened symphonique plus exploitée et mieux soignée. C’est donc avec une certaine confiance que nos Américains reviennent en cette fin d’année avec leur neuvième recueil intitulé
Necromanteum.
Dans la lignée de son prédécesseur, cette nouvelle galette en est une version plus complète et aboutie. Si le quintet a sans aucun doute mis un peu plus en retrait son empreinte black metal, son influence symphonique est en revanche largement accentuée et mieux travaillée. Cette orchestration se déclare en premier lieu par une utilisation plus prononcée des synthétiseurs qui étaient déjà omniprésentes sur
Graveside Confessions. Mais au-delà de ces sonorités épurées, la formation américaine se démarque aussi par des acoustiques grinçantes, glaçantes et même angoissantes pour nous endurer une atmosphère d’épouvante et de noirceur. Le titre éponyme retranscrit parfaitement cet environnement austère par ces souffles cauchemardesques et effroyables. Ce sentiment inhospitalier est renforcé par ces chœurs solennels qui nous font vivre une véritable course-poursuite face à la mort.
Au sein de cette intense noirceur, certains morceaux expriment des impulsions plus mélodiques et lumineuses. Parmi eux, difficile de ne pas citer Infinite
Night Terror qui, contrairement à ce que pourrait laisser présager son titre, laisse entrevoir quelques rayonnements, principalement sur l’exécution des claviers dont la teinte s’approche de celle d’un orgue. Le caractère du morceau n’en reste pas moins digne d’un soir d’
Halloween à savoir inquiétante, sordide et dérangeante. Sur cette même composition, le spectre cristallin se signale également par un petit solo de guitare bienvenu. Cette harmonie est aussi discernable sur
Bleed More mais se distingue davantage sur les chœurs ainsi que sur le break qui nous prodigue un des rares instants de répit.
En effet, l’ensemble de l’album se veut frénétique, infatigable et impitoyable, ce qui fait aussi un de ses rares défauts. Tous les titres sont une succession quasi ininterrompue de blastbeats. Dans les faits, il ne s’agit pas véritablement d’une gêne dans notre découverte mais l’auditeur aurait sûrement mieux apprécier diverses nuances sur les percussions. Pour gommer cette impression mitigée, la formation américaine peut compter sur des titres dont la signature hardcore a quasiment disparu pour laisser place à un death plus traditionnel. How The
Knife Gets
Twisted propose ce riffing plus élémentaire sans pour autant faire perdre cette authenticité propre au quintet.
Une fois n’est pas coutume, la troupe peut aussi faire confiance à son frontman Scott Lewis pour qui l’âge ne semble avoir aucune incidence sur sa maîtrise vocale. Dans la continuité de
Graveside Confessions, le chanteur semble à l’aise sur de nombreuses techniques, notamment lorsqu’il s’agit de chant growlé et écorché. Sa palette est d’ailleurs mieux mise au premier plan grâce à une production plus soignée. Une chanson telle que l’ouverture
Torn In
Two est une parfaite mise en bouche du large nuancier du vocaliste, aussi bien dans les grognements que dans les tortures. Le morceau brille par son somptueux solo de guitare ainsi que par son breakdown malfaisant, des pannes qui sont toutes sans le moindre artifice ou qui ne vont pas dans une extrême lenteur.
L’évolution de
Carnifex trouve sa quasi apogée dans
Necromanteum, une progression significative du quintet qui atteste de son adaptabilité tout en préservant la flamme de son agressivité distinctive. Notre formation semble avoir trouvé un équilibre raffiné entre un deathcore traditionnel et une exploration moderne, particulièrement sur ses tournures symphoniques et, dans une moindre mesure, dans son profil blackened. Le collectif montre une capacité impressionnante sur la création d’atmosphères menaçantes et terrifiantes, un sérieux atout qu’il faudra à tout prix préserver. Avec une ligne de batterie moins déchaînée et moins redondante, nul doute que ce neuvième opus aurait pu titiller les étoiles. Cela n’enlève en rien l’excellente qualité de cette toile qui vous accompagnera longuement en cette fin d’année.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire