Il faut bien commencer quelque part…
Tout artiste/groupe d’artistes devra bien dévoiler l’habillage de son inspiration ou même de son insuffisance. Et que certains démarrent en toussant, voire en calant, ou que d’autres passent dès l’allumage la vitesse optimale, les débuts sont parfois révélateurs d’une face cachée condamnée à disparaître par après.
Par lien de cause à effet, cela fait partie des plus grandes découvertes musicales car ce sont les seules qui nous laissent totalement abasourdis. Alors que l’on pensait se retrouver face à une bande de morveux à la gloire identique à celle d’une usine à papier cul au slogan accrocheur, on finit par y trouver le rouleau en or en remontant la ligne du temps.
Je vous parle de
Slipknot. Ce nom qui à sa prononciation reflète l’image d’une entreprise de masse de très mauvais goûts, dont le produit bénéficie d’un emballage bien plus reluisant que son contenu très franchement mauvais. Et le pire là dedans, c’est que ça a marché ! Oh que oui, rien au monde ne donnerait envie à quiconque d’explorer davantage le terrain.
Ni même l’escalier qui mène vers le sous-sol. Descendez-y et vous y trouverez une porte condamnée, masquant une pièce à l’intérieur de laquelle un étalage de caisses salies par les préjugés actuels et par le reniement du groupe lui même semble avoir déjà avoir fait son temps. Il ne reste rien de ces objets, sinon leur statut culte collé à l’arrache par les fans de dernière heure qui n’ont vraisemblablement qu’un soupçon de réel intérêt envers leur contenu.
Comme je comprends les détracteurs des œuvres nauséabondes du groupe. Une série de parasites, de calomnies, de catastrophes soit disant musicales qui ont fait leur nom... Ah l'appât du gain...
Slipknot est devenu un condensé d'autoparodie. Et ce sont ces critiques totalitaires que j’ai moi-même prononcées et qui m’ont totalement désintéressé de Mate, Feed,
Kill, Repeat… C’est ce disque qui leur a valu l’attention du label Roadrunner, vendu en un demi millier d’exemplaires dont les rares restant sur le marché se voient aujourd’hui légués en échange d’une somme astronomique. Et à force de donner la nausée, les pustules et la jaunisse aux metalhead et de récolter des 5/20 sur spirit-of-metal, qui serait assez fou pour trouer son compte en banque en l’honneur d’une grosse blague comme celle-là ?
Pourtant ce disque est arrivé chez moi, peu après l’écoute de
Iowa, sans doute leur pièce la plus minable qui donnerait à elle seule toute fondation nécessaire aux arguments précités.
Et après son écoute, je me devais de le chroniquer. Pourquoi ? La réponse est simple : Parce que j’adore les contrastes les plus flagrants. Et celui-ci en est un exemple d’une taille monumentale au point de me poser cette question : « Est-ce vraiment un disque de
Slipknot ? »
Car avec Mate, Feed,
Kill, Repeat, toute caractéristique propre au groupe se voit disséminée.
Imaginez monsieur X découvrant le groupe avec cet album, les premiers qualificatifs qu’il lui attribuerait seraient ceux-ci : technique, aventureux, original, sincère et inquiétant. 5 mots que vous n’utiliserez jamais pour décrire les œuvres suivantes sans en blasphémer le metal.
Oui, ce premier opus n’a strictement rien à voir avec la suite de l’histoire.
Il n’a d’abord rien d’un neo-metal, tout laisse à penser qu’on a affaire avec une œuvre de Death metal clownesque expérimentée à l’extrême au point de friser l’incompréhensible.
Slipknot a ici créé un disque profondément déjanté, y a bazardé une tonne d’influences plus insolites et inimaginables les unes que les autres, y a formé un grand n’importe quoi au point de faire de ce disque un album conceptuel en vertu duquel création, imagination et anticonformisme sont les maîtres mots. Totalement incroyable !!
Mais vrai ! Et ces quelques mots ne sont même pas en mesure de décrire parfaitement la galette tant celle-ci jouit d’une diversité et d’un caractère indescriptibles. Concentrons-nous donc sur le détail.
Tout d’abord ce line-up. On remarquera l’absence de quelques membres : Mike
Thompson et James Roots tout deux actuellement guitaristes, Chris Fehn aux percussions et... cet abruti de
Corey Taylor !! Au contraire, trois autres noms font leur apparition : Anders Colsefini au chant guttural typiquement death et percussions, Josh Brainard et Donnies Steele en tant que guitaristes.
L’album n’a pas été produit sous un label apparent. En gros, pas de multipiste surdimensionné pour feinter le résultat musical. Les guitares sont grasses, pourvues d’un grain bourru et poisseux offrant au disque une texture bien plus sombre. En gros,
Slipknot ne joue pas encore avec le caisson de basse et l’égaliseur digital, il préfère les pétarades bien lourdes, les cuirs et l’huile de moteur. Réjouissance en ce qui me concerne.
Et tout ne sera que bonnes surprises au final. On constate que le groupe a loupé le tournant en se séparant de ses deux guitaristes ici présents. Mais de qui s’agit-il ? D’une bande de toxicos en plein délire à leur manche ?
Plus sérieusement, quand ils ne jouent pas ces riffs bien lourds, ils s’astiquent sur un jeu à mi-chemin entre le funk, le jazzy et même ces passages acoustiques tel l’introduction de l’excellent Gently qui anticipe une débauche de colère un peu maladroite mais jouissive ou ce
Confession, une presque-balade saucée funky, située comme un conduit de ventilation… Dingue… Presque insupportable pour les puristes... Mais fichtre, quel potentiel ! Quelle belle manière de varier des influences totalement étrangères! Quelle saugrenue mais géniale idée d’incorporer des slides et mélodies volages au rouleau compresseur ! Ca ne vous rappelle rien ? Carnival in Coal ! Yes baby, je m’amuse et je me fous des règles. Qui m’interdira de faire de Do Noting/Bitchslap un mélange de death grind et de disco caricaturale ? C’est le point majeur du cd et le moteur même de son empreinte carnavalesque, ou devrais-je dire digne d’un cirque gore. Et même si tout reste très hétérogène, la cohérence de l’ensemble et sa construction tout aussi étrange lui attribue ce titre de concept album, certes fortement exagéré mais tel est le but finalement.
Ensuite, ces percussions qui s’avèrent insignifiantes sur le reste de la discographie occupent ici une place efficace. Premièrement par leur son, on a pas droit à un roulement décérébré à la texture plastique mais bien à quelques séries de breaks peu envahissantes au son métallique et résonnant de leurs accessoires, une bonne stéréo en devient nécessaire pour repérer la présences de ces sonorités au naturalisme frappant. Deuxièmement, par leur capacité à soutenir Jordisson et donner un supplément de relief à la batterie. Oui, Shawn a vraiment servi à quelque chose une fois dans sa carrière. Sisi, j’vous jure ! Cette batterie justement... Jordisson est un batteur très correct finalement. Et si la suite de la disco dévoilait son jeu ultra-bourrin ( et chiant ), sur son premier opus, notre ami exploite très convenablement ses capacité de cogneur et mettant en commun un groove puissant, des envolées techniques et de la subtilité en accord avec le reste.
Au milieu d’une basse évoluant entre les marques du petit orchestre et slapping névrosé, un growl se transformant en murmures psychotique en passant par ses passages hip hop et de couplages de samples immersifs, on constate la présence de quelques morceaux repris par la suite par le groupe, ce qui nous laisse douter sur l'avenir de leur créativité. Si Tattered &
Torn, Only One et
Killers are Quiet ( qui deviendra le long et casse-couille
Iowa sur l’album éponyme ) se devinent très facilement, je défie quiconque de reconnaître « sic », portant cette fois-ci le nom du groupe en guise de titre. Mis à part un riff d’intro similaire, le reste est un arrangement entre lourdeur death, riffing mélodique et délire cynique, marque de fabrique du groupe totalement évanouie aujourd’hui. Tout comme ce
Killers are Quiet qui garde son contexte ambiant mais qui a cette fois-ci le mérite d’être vraiment inquiétant. A la boulimie narcotique du futur précède cette émotion discrète mais bien présente.
Fini, mort, enterré. Quel dommage... Car Mate, Feed,
Kill, Repeat aurait pu promettre un grand avenir au groupe. S'il reste cependant assez brouillon sur certains points, à défaut de contenir des compositions fort simples une fois mises à nu, il jouit d’une originalité sans pareil.
Sur celui-ci,
Slipknot semblait connaître le sens des mots musicalité et brutalité convaincante.
Parfois, j’aimerai refaire l’histoire. Que Roadrunner ait été indifférent, que Taylor, James et Mike soient allés faire les guignoles autre part… mais ce qui est fait est fait.
Avant de devenir ce tas d’excréments que tout le monde connaît,
Slipknot était un de ces mets goûteux, épicé de manière singulière et personnelle. Et avant de se faire avaler tout rond par le dieu de la médiocrité, il a laissé ce petit héritage qui, même si il ne se compare pas avec la prestance des grands classiques, marque bien sa place en tant qu’œuvre unique.
Ainsi, dans le cas où vous n’êtes pas grand amateur de dogmes artistique et que l’expérimentation poussée à perversion n’est que terrain de jeu pour vous, vous y trouverez de quoi apaiser un petit moment votre soif de découverte.
Fini, mort, enterré. Pourtant, il suffit de ressortir cet album pour que l’esprit originel des clowns renaisse de ses cendres. Laissez lui une chance. Ce juste le temps de l’écouter. Au moins une fois...
Pas une merveille mais son écoute intégrale fait vraiment voyager, les ambiances sont tellementbien maitrisées...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire