Dire qu’on attendait le dernier
Gorgoroth est quand même un sacré euphémisme. Après le split du groupe qui voyait
King Ov hell et Gaahl partir former
God Seed et un Qantos Possunt Ad Satanitatem Trahunt controversé et un peu trop propre sur lui, datant tout de même de 2009, plus rien à se mettre sous la dent. Les plus sceptiques avaient définitivement enterré
Infernus et ses sbires après le réenregistrement inutile et fade d’
Under the Sign of Hell 2011, qui, pour rester poli, semblait montrer un groupe en panne d’inspiration créatrice, tandis que les plus fidèles espéraient encore un sursaut d’énergie et de haine de la part de l’une des plus mythiques gloires du black norvégien.
Cet
Instinctus Bestialis, qui sort le 8 juin sur Soulseller Record, vient donc à point nommé pour dissiper les doutes des derniers adorateurs de la horde de Bergen, ou au contraire enfoncer un dernier clou dans le cercueil pourri d’une légende agonisante.
Oui,
Gorgoroth a beaucoup changé depuis ses débuts, c’est un fait. La mouture 2015 de la bête n’a plus grand-chose à voir avec la cultissime trilogie
Pentagram,
Antichrist et
Under the Sign of Hell, crade, possédée mais superbement accrocheuse.
Ce qui a sans doute le plus évolué chez
Gorgoroth le long de ces plus de deux décennies au service de l’art noir, c’est le son. Et en cela,
Instinctus Bestialis s’inscrit définitivement dans une mouvance moderne, s’éloignant toujours plus de ses racines, avec une production excellente et massive laissant parfaitement percevoir chaque instrument, mais indubitablement ultra lisse et compressée, d’aucuns diront sans âme, et qui dénature en partie les compos des Norvégiens car ne leur insufflant par cette aura de blasphème et de haine propre au black metal. Cependant, et c’est là le paradoxe, on ne pourra pas nier non plus que le soin apporté à la production confère une froideur particulière et une profondeur non négligeable à l’ensemble, tellurique et grondant, notamment via cette basse très présente et une batterie très en avant qui créent une lourdeur et une puissance sans précédent chez
Gorgoroth.
L’album s’ouvre sur un Radix Malorum fracassant, nous envoyant direct un de ces riffs à la fois tordus, complexes et accrocheurs dont seuls
Infernus a le secret sur une rythmique qui bastonne méchamment : très rapide, brutal et chargé d’une certaine ambiance, ce premier morceau nous dévoile un
Gorgoroth en pleine forme, à même d’apaiser toutes les craintes. S’ensuit un Dyonisian
Rite radicalement différent, principalement mid tempo, émaillé de ces dissonances sifflantes, de ces guitares rampantes et de cette lourdeur poisseuse. On remarquera la prestation d’Atteringer, le nouveau vocaliste, à des années lumières de celles de
Pest, avec un timbre de voix résolument plus rauque, presque death metal, perdant en agression, en haine et en rage pour créer quelque chose de plus occulte et oppressant. La fin du titre est d’ailleurs particulièrement sombre, avec cette batterie sourde, et les éructations possédées du Serbe, résonnant comme la litanie démoniaque d’une messe noire.
Pour le reste, les compos sont assez variées sur la première partie de la galette, notamment grâce à cette pléthore de riffs entraînants et heavy (on pense parfois à
Immortal, notamment sur
Rage) et des changements de rythme intéressants. On distinguera Ad Omnipotens Aeterne Diabolus à la mélodie morbide et obsédante, alternant blasts et parties plus lourdes et hachées, et au fameux
Hail Satan de rigueur scandé jusqu’à plus soif, ou le court Come
Night qui s’ouvre sur un martelage rythmique aussi bref qu’imposant avant de se fendre en cette pluie de notes de guitare et ces notes d’orgue assez grandiloquentes, à la dimension, toutes proportions gardées, presque symphonique. Le reste du titre est plus classique, enchaînant riffs saccadés et parties plus massives à la pesanteur imposante, notamment grâce à un Tomas Asklund qui tape comme un sourd sur ses futs.
Oui, c’est indéniable,
Gorgoroth a évolué, proposant désormais une sorte de metal hybride et moderne tant dans l’approche musicale que dans le rendu sonore. Cet
Instinctus Bestialis est à la fois lourd, puissant, froid, occulte et mélodique, notamment grâce à ces nombreuses parties solistes qui viennent aérer un ensemble un peu trop compact et répétitif, surtout sur la fin, malgré, comme d’habitude, une durée ridicule de 31 minutes à peine. Car si ce nouvel album est intrinsèquement correct, nous montrant un groupe qui essaye de se renouveler, en ralentissant le tempo, et en épaississant ses ambiances, il est loin d’être indispensable, manquant d’intensité et d’âme à cause d’une production trop léchée, et présentant sur la fin des titres trop répétitifs dans leur lourdeur et assez dispensables (Kala Brahman, un peu long, qui fait traîner le même riff pendant près deux minutes).
Voilà donc un album plus que correct à la musique soignée, et qui pourra plaire aux amateurs de metal pesant, satanique et bien produit. En revanche, en ce qui concerne les fans de
Gorgoroth, c'est une autre histoire...
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