Pain of
Salvation : jamais le groupe suédois n'aura aussi bien porté son nom. Je fais bien sûr référence aux durs événements subis par le chanteur Daniel Gildenlöw. En 2014, alors qu'il semblait en parfaite santé, ce dernier s'est vu diagnostiquer suite à une infection bénigne une succession de maladies à développement rapide et extrêmement dangereux. Les plus curieux et pervers pourront chercher ''fasciite nécrosante'' dans google images. Notre homme a ainsi côtoyé la mort de très près (seulement une victime de cette maladie sur deux s'en sortirait), contraint de rester plusieurs mois attaché à un lit d'hôpital, puis d'effectuer la rééducation nécessaire.
Le coup a failli être très dur aussi bien pour le groupe : après les sorties consécutives des albums
Road Salt,
Pain of
Salvation menait des tournées intensives, en alternant avec de la composition. C'est aussi à ce moment-là que la composition du groupe a changé : Fredrik Hermansson et Johan Hallgren sont partis, laissant la place à Daniel Karlsson aux claviers (dit D2, pour ne pas confondre avec l'autre Daniel), Gustaf Hielm qui fait son retour (il avait tenu la basse entre 1992 et 94) et puis le petit nouveau, l'islandais Ragnar Zolberg. Ces changements ne sont pas anodins, puisque Ragnar s'est rapidement fait remarquer en remplaçant Daniel au micro avec brio, quand celui-ci subissait ses premiers soucis de santé.
Puis,
Pain of
Salvation a doucement remonté la pente. D'abord,
Falling Home, une compilation acoustique de morceaux récents et de reprises, disque intéressant, mais pas indispensable. Puis, il y a un an, le groupe nous annonçait un
Remedy Lane remixé par Jens Bogren, un projet qui était dans les cartons depuis longtemps. Et enfin, plus de cinq ans après le dernier véritable album en date, voici
In the Passing Light of Day.
Beaucoup attendent de ce disque un retour au metal prog énervé des premiers albums, The Perfect
Element et
Remedy Lane en tête. D'autres au contraire s'attendent à une nouvelle surprise stylistique, après l'expérience néo-metal sur
Scarsick et les magnifiques aventures bluesy des
Road Salt. Ce nouveau disque comblera toutes ces attentes, voire bien plus ; explications.
Les origines de ce disque remontent à 2011, et il y avait la tentation d'en faire un
Remedy Lane part 2. Mais les terribles mésaventures de Daniel ont donné un tout autre tournant à l'album : il est comme d'habitude très proche de l'autobiographie, et raconte ainsi le voyage intérieur d'une personne coincée sur un lit d'hôpital (qui peut rappeler The
Human Equation d'
Ayreon). Ainsi l'artwork suggère par le doigt de l'enfant l'endroit exact où la maladie a démarré sur le dos de Daniel.
On a Tuesday nous cueille dès les premières secondes par un énorme riff, taillé dans la roche, qui nous ramène instantanément 15 ans en arrière, mais en gardant les tonalités groovy et chaleureuses de ces dernières années. Tout du long,
Pain of
Salvation nous promène dans ses mélodies complexes, toujours fortement mélancoliques, moins symphonique qu'un Perfect
Element, mais plus rentre-dedans qu'un
Road Salt. Les suédois ont toujours eu un faible pour les sonorités étranges et inhabituelles, et cet album n'y échappe pas. Meaningless a dû en surprendre plus d'un, avec ses sons à mi-chemin entre le canard et la cornemuse, mais qui sont en fait des enregistrements de la voix de Ragnar ''légèrement'' trafiqués. A propos de ce titre, soulignons qu'il a d'abord été composé par Ragnar pour son groupe islandais
Sign, sous le titre de Rockers Don't Bathe mais sans le sortir, avant de le reprendre avec Daniel pour ce disque.
Ensuite, comme à chaque album, il faut du temps pour l'appréhender entièrement. Daniel a toujours aimé bousculer nos repères avec ces titres calmes sur une première partie, et qui évoluent ensuite sur quelque chose de plus violent (la succession Angels of Broken Things, The Taming of a
Beast, et If This Is the
End). La chose n'est pas rendue facile par les monstrueuses parties de batterie de Léo Margarit, qui brouille complètement l'auditeur avec ses nombreux contre-temps. Le français s'est encore une fois surpassé, et il n'y a qu'à écouter les rythmes du magistral Full Throttle Tribe pour s'en convaincre. Le sentiment de surprise ne s'éteint pas de sitôt, puisqu'arrive ensuite
Reasons ; un énorme titre aux riffs secs qu'on pourrait croire composé par
Meshuggah, mais dévoilant aussi de superbes chœurs répondant à la voix de Daniel. Placé dans le concept, ce morceau symbolise la révolte du personnage contre sa situation pessimiste.
Les moments calmes sont tout aussi pléthoriques, donnant lieu à de superbes moments de mélancolie (
Silent Gold, le personnage s'en remet à un être cher ; ou encore l'immense final éponyme, symbole de la délivrance), où Daniel Karlsson peut s'en donner à cœur joie avec son orgue hammond.
Certains refrains, en revanche, ne manqueront pas de vous rester en tête, si vous n'êtes pas encore aliéné par les voix malsaines de
Reasons : le refrain de Tongue of
God est probablement l'un des plus accrocheurs composés par le groupe, et si ceux de Full Throttle Tribe ne vous font rien, c'est que vous êtes insensible. Enfin, une agréable sensation de déjà entendu peut vous surprendre sur le dernier titre
In the Passing Light of Day, de même que quelques éléments dans les paroles, mais je n'en dévoile pas plus !
De la douleur et de la peur, Daniel Gildenlöw en est ressorti changé, mais bien inspiré. C'est tout le propre de l'artiste que de se servir de ses expériences personnelles pour en puiser son art, fussent-elles périlleuses. Jamais
Pain of
Salvation n'aura offert de émotions aussi intimistes qu'avec
In the Passing Light of Day, s'approchant extrêmement près des sensations les plus pures, mais aussi les plus brutes et contradictoires. De la douleur est venu le salut ; il aura fallu vingt années de carrière (trente-trois si on compte les prémices) au groupe pour en connaître la triste et véritable signification. En plus de Daniel, cet album est l'histoire d'un groupe qui a tenu bon et qui a résisté. Sans vouloir offenser les membres précédents, l'ajout de sang neuf n'y est probablement pas pour rien. Avec l'islandais Ragnar Zolberg, Daniel s'est trouvé un frère de composition, qui semble aussi touche à tout et excentrique que lui. C'est finalement l'histoire de la lumière du jour, qui se lève à nouveau sur un groupe resté de trop longues années dans l'obscurité.
Juste magnifique une vrai claque cet album.
Merci pain of salvation ! !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire