J’ai toujours apprécié les musiciens qui puisent une partie de leur inspiration dans leur environnement. Les formations scandinaves en sont un bon exemple notamment dans cette capacité à retranscrire l’aspect majestueux des paysages nordiques comme la sensation glaciale de leur climat. A cet égard, le groupe Finlandais
Sentenced a réussi à capter cette essence sans pousser le concept aussi loin qu’un certain
Amorphis avec qui il partageait pourtant bien des points communs. A commencer par un affranchissement des codes du Death
Metal dont il est issu afin de produire une musique plus personnelle qui participa grandement à la réussite de ce combo aujourd’hui enterré mais désormais culte.
Ma première rencontre avec
Sentenced s’est faite par l’intermédiaire d’un titre de l’album
Down présent sur un sampler de
Hard Rock Magazine en 1996. C’était d’ailleurs une des premières compil de mag. Une de celles qui nous offraient l’occasion de découvrir des formations plus confidentielles plutôt que les grosses pointures dont nous avions l’habitude. Le titre Noose était assez bon pour que je garde le nom dans un coin de ma tête même si l’avancée du groupe était encore timide en France. Il fallut attendre la sortie de
Frozen en 1998 pour que ces musiciens soient enfin exposés à la hauteur de leur talent.
Frozen est donc mon premier
Sentenced et reste mon préféré d’une discographie qui mérite clairement le détour. Mais avant de poursuivre, faisons un bref retour sur un parcours pour le moins atypique :
1989 : Formation du groupe à Muhos/Oulu par les guitaristes Miika Tenkula et Sami Lopakka rejoint par le Batteur Vesa Ranta.
1992 : Sortie de Shadows To The
Past. Du pur Death
Metal malheureusement desservi par un contrat foireux avec un label éphémère.
1993 : Sortie de
North from Here.
Plus original que son prédécesseur, plus porté sur les atmosphères aussi. Disque aujourd’hui estimé car représentatif de l’essor d’un nouveau genre : Le Death Mélodique.
1994 : Sortie de l’EP :
The Trooper. Le groupe s’est fait remarquer bien au-delà du continent Européen avec une étonnante reprise d’Iron Maiden. L’ironie de l’histoire c’est qu’ils l’avaient enregistré pour rigoler lors d’une soirée un peu trop arrosée !
1995 : Signature sur l’écurie
Century Media et sorties successives d’
Amok et de l’EP
Love and Death. Les influences Heavy
Metal prennent de plus en plus d’ampleur. Ils sortent une nouvelle fois des sentiers battus par l’intermédiaire d’une reprise (« White Wedding » de Billy Idol). La mutation est en marche.
1996 : Départ du Bassiste / Chanteur Taneli Jarva (ex
Impaled Nazarene) et arrivée du chanteur Ville Laihiala. Sortie de
Down, salué par la critique. En fusionnant Heavy et
Gothic Metal (même s’ils s’en défendent), le groupe trouve la formule qui lui convient et s’offre les services du producteur Waldemar Sorychta (Grip Inc,
The Gathering,
Tiamat,
Moonspell) et de Vorph de
Samael. Les portes du succès sont ouvertes.
1997 : Recrutement du Bassiste Sami Kukkohovi. Sortie du best of Greatest Kills.
1998 : Sortie de
Frozen et dernière collaboration avec Waldemar Sorychta. Le groupe explose notamment en France : Presse spécialisée, tournée dans toute l’Europe en compagnie d’
Iced Earth et
Brainstorm sans oublier une apparition remarquée au Wacken Open Air en Allemagne : La consécration.
Peut-être qu’il y a des fans de la première heure qui n’hésiteront pas à me contredire mais force est de constater qu’à chacune de ses sorties, le groupe franchissait un palier autant dans son évolution stylistique que dans l’agrandissement de sa fan-base. On peut également remarquer à quel point nos Finlandais étaient productifs jusqu’à la Sortie de
Frozen (une et parfois 2 sorties par an !).
Frozen est donc composé de 9 morceaux (dont 3 instrumentaux) évoluant en parfaite symbiose afin d’offrir tout ce qui fait le charme de ces Vikings. A savoir un Heavy
Metal carré aux accents gothiques qui puise sa force dans son équilibre entre puissance et mélodies. Voyons maintenant ce qu’il a dans le ventre :
Après une intro symphonique qui nous plonge directement dans le bain, Farevell déboule sur une batterie à l’accroche instantanée. Le refrain fait mouche et sa construction (mélange de riffs incisifs et d’arpèges mélancoliques) est intelligente. Dans cette lignée, le lancinant
Dead Leaves lui succède de la meilleure façon avec son break atmosphérique de toute beauté. For The Love I
Bear s’avère tout aussi efficace porté par des mélodies orientales qui n’auraient pas dépareillés sur le fameux
Elegy d’
Amorphis. Une belle épopée ! Toute en retenue mais néanmoins menaçant, One With
Misery permet un léger ralentissement avant de repartir de plus belle sur The suicider plus stimulant que son titre peut laisser croire.
Rampant et sournois jusque dans son chant particulièrement habité The
Rain Comes Falling
Down est valorisé de « backing vocals » judicieusement placés. Autre point fort du groupe (qui, décidément, les accumule !) : Des solos très fluides et mélodiques qui interviennent telle une lueur au crépuscule. Grave Sweet Grave (Remarquez l’humour noir dont fait preuve le combo) est probablement le plus puissant de l’album avec ce solo très Rock qui tombe à point nommé. Signalons, encore là, l’ingéniosité de sa construction jusqu’à la fin plus ambiancée.
Presque entièrement instrumental (mis à part quelques chœurs bien placés)
Burn permet de dévoiler toute la dextérité des guitaristes ; solo de wah wah à l’appui. Drown
Together reste, à mon humble avis, le morceau le plus surprenant avec son approche complexe, ses différentes textures de chant comme son instrumentation. Let Go, quant à lui, est plus direct avec ses rythmiques tranchantes aiguisées comme un rasoir. L’instrumental
Mourn termine le disque comme il l’a commencé tout en puissance et subtilité. Par ailleurs, une guitare acoustique fait une étonnante apparition pour un final en adéquation avec la tonalité de l’album : triste et désespérée.
Des musiciens inspirés jouant à l’unisson, un son en béton concocté par un maitre en la matière, on peut dire que nos amis du grand nord savaient s’entourer.
Frozen porte clairement la marque du travail d’équipe comme bon nombre de sorties
Century Media à l’époque. En effet, rares sont les labels avec une telle identité, il suffit de lire les crédits pour s’en rendre compte.
Outre le groupe et son producteur, différents collaborateurs interviennent dans la création de
Frozen notamment ce chant féminin à l’aura mystique (de Birgit Zacher) qui intervenait déjà sur
Down puis sur d’autres sorties du même label. A titre d’exemple : Wildhoney de
Tiamat (
1994) ou encore
Sin / Pecado de
Moonspell (1998) pour ne citer qu’eux. Que du lourd en somme ! Les parties de claviers, utilisés à bon escient, sont partagés entre le guitariste Miika Tenkula et l’artificier en chef Waldemar Sorychta. La pochette (œuvre de Carsten
Drescher responsable de la direction artistique sur un nombre incalculable d’albums) colle parfaitement à la musique avec ces nuances argentées dévoilant le visage d’une femme emprisonnée dans la glace.
Difficile de ne pas ressentir un brin de nostalgie lors de la rédaction de cette chronique ; le groupe étant séparé depuis 2005. Hélas, le décès d’un de ses membres fondateur (le guitariste Miika) en 2009 exclut toute perspective de reformation. Mais qui sait, nous avons pu voir tant de come-back ces dernières années alors que cela paraissait utopique. En attendant, il est toujours possible de se replonger dans leur discographie en commençant, pourquoi pas, par celui-ci. Je n’hésite pas à le décrire comme leur album le plus abouti. Un travail d’orfèvre riche de multiples détails qui le rendent captivant de bout en bout. Avec
Frozen, vous n’affronterez plus l’hiver de la même manière. Vous le vivrez : En conquérant !
Un disque que j'écoute toujours avec beaucoup de nostalgie.
Merci beaucoup pour cette chronique. Et pareil, j'ai découvert ce groupe avec le titre 'Noose' dans Metallian en 96.
Et 24 ans plus tard ce groupe reste intemporel. Frozen est un album homogéne, qui s'écoute sans l'ombre d'une l'assitude.
Il est prenant, rythmé, mélodieux et surtout c'est une tuerie !
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