Exprimer les raisons profondes qui font d'une œuvre un voyage émouvant pour certains de ceux qui le vivent, et qui condamnent les autres à errer sans fin dans les eaux aux froideurs glaciales d'une incompréhension consternée, relève parfois de la pure utopie. En effet, à l'évidence, la subjectivité, au delà des faits immuables, demeure une donnée cruciale que, parfois, le chroniqueur, le passionné et l'homme peine à contrôler. L'esprit critique se laisse alors envahir, à son grand désespoir, pour laisser place au fanatisme compréhensible.
Crimson de
Sentenced demeure une œuvre énigmatique pour votre humble serviteur puisqu'en dépit de certains de ces défauts caractérisés, le plaisir qui découle de chacune des écoutes de ce manifeste plaintif demeure, me concernant, indéfectible. Difficile pourtant de nier certaines de ces imperfections les plus patentes. Difficile, par exemple, de ne pas considérer que cet opus ne soit rien d'autre que l'expression d'une variation sur un thème que le groupe nous aura déjà proposé par le passé. Difficile, aussi, de surcroit, de le considérer comme un objet de culte dont les soubresauts révolutionnaires auraient, à tout jamais, changé le cours de l'histoire artistique d'un genre dans lequel d'autres avaient déjà écrit quelques belles pages. Difficile, en définitive, d'exprimer, une fois encore, les motifs qui font d'une œuvre un instant magique et de traduire le mystère qui sublime la rencontre très personnelle qui se produit entre une musique et celui qui finis par être touché par celle-ci.
Au delà de ces défauts évidents, nul ne pourra pourtant nier, sans une mauvaise foi caractérisée, que ce
Crimson est une œuvre touchante. Chacune des écoutes de cette musique est une divagation remarquable dans un territoire à la douce mélancolie fabuleuse que seule la puissance de riffs efficaces et savamment dispersés vient troubler de ces contrastes saisissants et ainsi libérer l'esprit enfermé dans cette exquise et délicieuse mansuétude.
Loin de ce Gothique apprêté et maladroit, s'enfermant dans les stigmates pompeux d'un genre suranné,
Sentenced nous propose, en effet, ici de découvrir une musique simple et délicate dans laquelle la langueur, propre au genre, est superbement suggérée par un travail mélodique exceptionnel et d'une rare habileté. Une expression mélancolique que, de surcroit, le chant suave et, encore une fois, simple de Ville Laihiala sublime formidablement.
Tant et si bien que les magnifiques et émouvants Bleeds in my Arms,
Home in
Despair, Fragile,
The River ou encore tels que, par exemple, l'admirable
Killing Me Killing You (un titre qui, à lui seul, parvient parfaitement à illustrer l'excellence d'un opus extraordinaire), nous font basculer, avec une simplicité déconcertante, dans l'univers sombre et amère de
Sentenced. Une amertume qui, de plus, est parfaitement décrite dans les textes désabusés des onze morceaux de ce manifeste.
Empreint de force et de douceur, empreint de tristesse et d'affliction, empreint de sincérité et d'évidence, ce
Crimson, sixième véritable album des finlandais de
Sentenced, est une œuvre indéniablement aboutie. Poursuivant sur le chemin de ce Heavy Rock Gothique toujours plus raffiné et toujours plus poignant, ce plaidoyer marque aussi, selon votre modeste obligé, l'apogée de ces nordiques. Bientôt viendra le déclin. Bientôt viendra la fin. Mais ceci est une autre histoire...
Je me le réécoute en lisant tes lignes. C'est vrai qu'il est excellent! j'ai toujours eu une préférence pour le suivant, mais Crimson est indéniablement moins direct dans ses mélodies, plus complexe, tortueux et subtil, les ficelles sont moins grosses et ça rend l'album moins facile d'accès, raison de plus pour persévérer. Ceci dit, tout est déjà là, et parfaitement mis en place. Je pense qu'il va tourner pas mal les prochains jours. Merci pour la chro!
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