20 Juillet 2017 : la scène metal perd l’une de ses plus grandes icônes. Chester Bennington, vocaliste de la formation de neo metal
Linkin Park, est retrouvé pendu dans sa résidence en Californie. Profondément marqué par le suicide de son ami et interprète Chris Cornell (
Soundgarden,
Audioslave), le chanteur s’est donné la mort le jour de l’anniversaire de son acolyte et fait suite à une lettre écrite quelques semaines avant cette tragédie où il avoua qu’il ne pouvait vivre sans son camarade. L’artiste laissera derrière lui un immense héritage avec deux albums légendaires que sont
Hybrid Theory et
Meteora qui auront largement popularisé un style jugé pour certains très commercial et indigne de porter l’étiquette « metal » en raison de ses inspirations diverses.
Au-delà du succès planétaire,
Linkin Park se distingue par une voix, ce grain si reconnaissable aussi hargneuse que sensible, aussi morose qu’attendrissant, aussi poignant qu’haletant. Même sept ans après son décès, le monde continue d’entonner avec une passion dévorante les plus grands airs du collectif tels qu’
In the End,
Numb, What I’Ve Done ou encore
Burn It Down. Le public n’oubliera pas non plus les impressionnantes prestations lives du combo, notamment ce screaming de dix-sept secondes sur
Given Up ou de la reprise inattendue de Rolling In The Deep d’Adèle. Il semble désormais inimaginable de revoir sur le devant de la scène le sextet américain après s’être vu déposséder de sa principale essence.
C’est pourtant après plusieurs teasings sur ses réseaux sociaux que le combo a fait son improbable comeback avec l’annonce d’une nouvelle frontwoman, la publication d’un titre inédit et le dévoilement d’une tournée majeure. Alors qu’il aurait dû s’agir d’un instant d’anthologie, c’est sur fond de controverses et de polémiques qu’Emily Armstrong (
Dead Sara) est arrivée derrière le micro d’un des plus grands et influents groupes. Entre son affiliation à l’Eglise de Scientologie, sa participation au procès de l’acteur Danny Masterson qu’elle a défendu alors qu’il a été reconnu coupable de viols et les déclarations de Jaime Bennington, fils de l’ex-leader décédé, qui font suite à ces débordements, la musicienne s’est attirée les foudres de toute une fanbase. Après quelques explications qui ont calmé les ardeurs, les Américains ont pu publier leur neuvième album studio
From Zero.
From Zero … depuis zéro. Ce nom est plutôt bien choisi de la part de notre sextet car ce disque doit être perçu comme une nouvelle ère, un recommencement et non comme une continuité pour être pleinement compris. L’œuvre est un véritable pêle-mêle des précédents opus, d’
Hybrid Theory jusqu’au décrié
One More Light, et semble surtout prendre la température actuelle. Il ne faut s’attendre à aucun écart de conduite, ni grandes folies de la part de nos musiciens avec une production calibrée, des compositions courtes qui vont droit au but et une écriture assez élémentaire, ce qui correspond en tout point à l’
ADN de la formation.
Linkin Park fait du
Linkin Park avec plus ou moins d’assurance et plus ou moins de réussite.
Aux premiers abords, il paraît compliqué de comprendre le choix d’Emily Armstrong en tant qu’apprentie parolière mais un soupçon de Chester Bennington dans son screaming, dans sa sensibilité et dans son émotivité finit par justifier cette décision.
Dans
The Emptiness Machine, cette richesse n’est pas encore pleinement perceptible : dans une étrange fusion entre la sonorité alternative d’un
Minutes to Midnight et l’approche pop de
One More Light, l’arrivée de la chanteuse tarde à arriver puisque le premier couplet est uniquement débité par Mike Shinoda. L’instrumental est étonnamment mis au second plan mais on sent tout de suite la progression et la montée en puissance à l’arrivée du refrain, de ce piano, d’une voix plus énergique. Lorsque l’on entend enfin le timbre d’Emily, son esprit cristallin surprend et apporte de suite une belle quiétude. Pourtant, cette sérénité va rapidement laisser place à un chant plus irrité, empli d’une rancœur encore timide. Le morceau est redondant avec un riffing limité et une batterie qui suit les mêmes motifs mais on arrive pourtant à y retrouver une tentation de reviens-y, principalement par la limpidité de son refrain, quelques paroles faciles à murmurer.
Cette légèreté lyrique est encore plus flagrante sur
Two Faced mais il s’agira ici aussi d’une des principales forces de notre combo, une mémorabilité et allure directe. Sans conteste l’un des meilleurs titres de l’album, il est impossible de ne pas le comparer à
One Step Closer. Même structure et accords similaires, la dose de nostalgie vient nous donner une sacrée claque. Les « Shut Up ! » de Chester ont été remplacés par les « Stop yelling at me » et ce solo de platines nous renvoie immédiatement aux années glorieuses du neo metal. IGYEIH suit cette même impression, dans une direction encore plus métallique semblable à
Hybrid Theory et laisse entrevoir la large palette de notre chanteuse. L’instrumental est également plus riche avec un riffing tranchant et impactant.
C’est finalement dans le registre mélancolique et mélodique que les Américains n’arrivent pas réellement à convaincre et le final Good Things Go est sans doute le meilleur propos pour illustrer cette désillusion. Si les prestations vocales de Mike Shinoda (bien qu’il est meilleur rappeur que chanteur) et d’Emily Armstrong sont touchantes, avec de belles envolées pour cette dernière, on ne peut aucunement cacher une mélodie très insignifiante et minimaliste dans son ensemble et qui décolle que trop tardivement pour qu’elle retienne notre attention. La remarque est la même pour un Over Each Other où on attendait sans doute une explosion plus retentissante mais où la retenue empêche la chanson d’être plus marquante.
Avec
From Zero,
Linkin Park opère un retour attendu et nous balance une nostalgie complètement assumée. Si ce neuvième album ne marque pas une révolution stylistique, il s’inscrit pleinement dans l’identité du groupe avec des compositions honnêtes, accessibles, et portées par une énergie brute. Emily Armstrong, malgré une réception initiale vivement critiquée, parvient sans problème à insuffler une nouvelle dynamique grâce à un timbre qui évoque parfois l’intensité et l’émotivité de son prédécesseur. Toutefois, cette renaissance n’est pas sans accrocs avec des tentatives mélancoliques qui manquent de profondeur et des esquisses qui peinent à capter l’attention par leur trait réservé.
Sans atteindre les sommets des premières heures, le sextet offre donc une transition plutôt prometteuse pour un groupe en quête de réinvention. Les fans les plus fidèles y trouveront sans doute un écho à l’esprit originel de la formation, tandis que les sceptiques auront matière à débattre sur cette nouvelle période.
je suis pleinement d'accord
J'ai toujours du mal lorsqu'on passe d'un chanteur à une chanteuse. Habituellement, c'est un risque qui ne paie pas mais je dois dire qu'ici, c'est plutôt réussi! Néanmoins, je ne pense toujours pas que Chester était remplaçable! Un peu comme Freddy Mercury avec Queen...
De ce fait, je n'arrive pas vraiment à m'attarder et à prendre du plaisir avec ce disque bien qu'il sois digne de porter l'étiquette "Linkin Park"
Bonne chronique, merci!
J'apprécie fortement les moments plus énervés et "old version" que les chansons plus douces mais c'était attendu!
Le choix d'une chanteuse et de cette chanson me semble bon. Evidemment, j'ai vu des tas de vidéos comparant Emy à Chester... Est-ce nécessaire? Evidemment, Chester manque cruellement mais on n'a pas le choix, faut avancer!
Par contre, là où ce disque me perturbe, c'est qu'il reste plat, gentillet, timide, trop doux, trop mixé... En gros, pas assez sale, pas assez agressif, trop pop! Parce que bordel, les chansons plus énergiques gagneraient énormément à sonner plus rude et direct!
Du coup, cet album ne sera pas réécouté énormément en entier et ne sera pas le plus mémorable. 5 chansons retenues sur 10, ce n'est pas assez. Mais après un choc aussi important, c'est déjà un bon point de départ. A voir par la suite!
Emily Armstrong est fantastique, le meilleur album du groupe.
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