Je me demande parfois, quand j’ai vraiment rien d’autre à foutre, ce qui n’est somme toute pas si rare, s’il y a concept plus abstrait que celui du temps qui passe. Prenez un disque comme « Eathshaker ». Il date de 1981 et n’a guère pris de rides. «
Down for the Count », pourtant de quatre ans son cadet, affiche lui un ventre omnipotent.
Flashback sur ce qui constitue à mon sens le premier véritable faux pas discographique d’un groupe formidable.
«
Down for the Count » est probablement l’album pour lequel nous avons le plus été influencé par notre maison de disques. Ca se passait vraiment mal entre eux et nous à ce moment là. Beaucoup de problèmes, beaucoup d’engueulades, et quand bien même il y aurait quelques trucs sympas sur ce skeud, l’enregistrement me rappelle bien trop de mauvais souvenirs à propos des désaccords avec le label et à quel point cela a impacté l’ambiance au sein du groupe lors de ces sessions. » Dave
Meniketti (je-sais-plus-la-source-et-je-la-retrouve-pas-mais-je-vous-jure-que-c’est-vrai)
Comme si les musiciens n’étaient déjà pas suffisamment doués pour se foutre sur la gueule avec leurs sempiternels désaccords artistiques, il faut que les mecs des labels s’y mettent. Voilà qui est bien mal engagé…
Déjà, l’album précédent, «
In Rock We Trust », sentait parfois le réchauffé. Ici, c’est plutôt une odeur de brulé qui se dégage. Sous l’insistance permanente donc de A&M, Y&T s’aventure encore davantage sur le chemin « facile » de l’
AOR. Ca se traduit comment ? Ben par exemple par des claviers typés eighties (“Face like an angel“, mid tempo quelconque, dans le style - en moins réussi - du
Night Ranger de la même période, ou “Anytime at all”, merci Claude Schnell, la prochaine fois tu restes avec Ronnie James
Dio stp).
Produit par Kevin Beamish, pour un résultat tout juste passable au niveau sonore, le skeud offre à l’écoute l’étrange sentiment qu’Y&T « copie » parfois des groupes qu’il a dû pourtant probablement lui même inspirer à un moment ou à un autre, et ce même si j’ai du mal à mettre des noms sur ces groupes (du coup, je sais, c’est un peu con comme argument).
Honnêtement, exceptions faites de l’efficace opener “In the name of rock ” et ce malgré un break parlé un peu trop évident et, à la limite, de “Anything for money”, avec un Dave plus agressif dans son chant et quelques lignes vocales typiques de ce que j’apprécie chez lui, je ne sauve pas grand chose du skeud.
Nous avons donc là, à mon goût, un disque franchement décevant mais qui rencontrera pourtant son petit succès aux States, avec notamment le plus gros hit du groupe au Billboard hot 100, une 55eme place pour "Summertimes girl". Ce sera suffisant pour leur ouvrir les portes de chez Geffen Records. Déjà présent en version studio sur le live «
Open Fire » paru la même année, ce titre aurait très bien pu finir sur le « Crazy From The Heat » de Dave Lee Roth. Avec une bonne dose de second degré façon Big Dave, cela pouvait passer. Ici, les quelques touches de claviers
Van Halen-like et les ouh ouh et autres aaaah aaaaah aaaah du refrain finissent par faire de ce morceau une ritournelle assez déplaisante pour mes délicates oreilles. Le clip vaut le détour et montre à quel point les membres du groupe sont perdus à ce moment là. Ridicule. Un morceau composé en seulement deux heures dans le studio d’enregistrement à partir d’une jam entre
Meniketti et Alves. Apparemment ce n’était pas assez deux heures…
"
All American Boy" pourrait être décrit comme le frère jumeau du titre que je viens d’évoquer. Mais vous savez bien tous que chez les jumeaux, il y’en a toujours un des deux qui est plus moche que l’autre, je le sais, j’ai une jumelle. Et j’ai raflé la mise hé hé. Ici, le plus réussi à mon goût, c’est la nana, pas le mec, c’est dire le niveau. Cette chanson, composée par des membres extérieurs au groupe, Dave Robbins et
Van Stephenson, apparaissait déjà sur le premier album de
Stan Bush (1983) et sur celui de
Van Stephenson « Righteous
Anger » (1984). Trois versions d’un même titre en trois ans, si ça sent pas le brulé tout ça !
Au rayon des titres mouais-bof, ajoutons "Don't tell me what to wear", exactement ce que je disais à ma mère à chaque fois qu’elle voulait m’empêcher de porter ma magnifique veste en jean patchée pour partir au bahut, un up tempo qui ne propose rien de franchement emballant et qui finit par gonfler à force de répéter son titre tout au long du refrain (c’est la même chose d’ailleurs pour “Anything for money“). "Looks like trouble", un titre écrit par Alves, tout comme "Face like an angel", aux lignes de guitare plus bluesy, a un petit côté Ac/Dc pas désagréable sans plus. Et le solo, comme pour la plupart des titres de cet album, est loin d’égaler ce que
Meniketti a pu proposer sur les galettes précédentes. Et pour Y&T, cela fait une sacrée différence !
Il me faut également mentionner la reprise de "Your mama don't dance", gros tube de Kenny Loggins de 1972, que l’on retrouvera trois ans plus tard sur l’album « Open Up and Say...Ahh!» de
Poison. Le single de
Poison fera d’ailleurs un carton dans les charts US (10eme). Je n’ai jamais été hyper fan de la reprise de
Poison mais je trouve que l’aspect festif du titre leur colle bien mieux au slip (panthère) qu’à Y&T. Choix du groupe ? De la maison de disque ? Le titre ne sortira même pas en single, zarbi… Jetez y quand même une oreille vite fait histoire d’entendre le gros solo - enfin ! - que balance
Meniketti.
Terminons cette analyse critique par "
Hands of time". Passage obligé des opus du groupe, un peu comme pour
Scorpions, cette ballade ne me file même pas une demi-molle. Pourtant, à mon âge, ce serait déjà beaucoup. Et là, pour le coup, point de solo qui tue. Sur ce genre de titre, c’est indispensable. En plus, ça n’en finit pas, avec un fade out de merde suivi d’un "
Hands of time 2, le retour" avec une espèce de je-sais-pas-quoi style je te mets les bandes à l’envers. Attention, vol de cd par la fenêtre en vue. Marko ???????
Ajoutons, c’est cadeau c’est pour moi ça me fait plaisir, une pochette nullissime qui, selon moi, représente une métaphore du groupe entre les mains des vampires du label, des musiciens fringués comme des sacs et aux belles coupes permanentées de vainqueurs, c’est la totale.
Donc, si vous avez suivi, à ce stade, je suis sur le point d’avaler un prozac et de me mettre en arrêt de presque-travail. Et là, qu’ouïs je ? Sur la réédition cd
Majestic Rock de 2005, vous avez droit à une excellente version live de "
Mean Streak" suivie d’un "
I Believe in You" sublime, également live. Enregistré où ? Quand ? Langue au chat (de merde). Même pas mentionné sur le verso du boitier, ni à l’intérieur du livret. Ca ne suffira pas hélas à sauver le skeud, les versions live de ces deux titres ne manquant pas dans la disco du groupe.
Six mois après la sortie de l’album,
Haze se relève sur ses pattes arrières, oreilles dressées – respect à celui ou celle qui pige la blague (foireuse) -, puis se tire. Un Léonard
Haze, batteur bien barré apparemment, qui s’est définitivement tiré il y a quelques semaines à l’âge de 61 ans. R.I.P. Premier changement de line up donc au sein du combo en presque quinze ans, ce n’est pas anecdotique, on n’est pas à la foire aux zicos comme chez certains autres groupes ricains. Y&T tangue (pas la boisson, le roulis).
Quand on parle de famille, notons que John Nymann assurera quelques chœurs lors de l’enregistrement de ce «
Down for the Count ». Oui Nymann, celui qui officie à la guitare dans le groupe depuis 2003 et dont j’ai une photo de moi à ses côtés à la maison. Et ouaissss, je connais du monde dans le business ! The American
Dream quoi, je parle pour Nymann pas pour moi, une photo avec un zicos ça n’est pas non plus un ticket gagnant à l’Euromillions. Dés 1984, Nymann avait en effet assuré des chœurs sur scène lors du
In Rock We Trust Tour, joué quelques lignes de claviers, co-composé des titres avec le groupe. Quand, presque vingt ans plus tard, Dave lui a proposé de devenir guitariste du groupe, John n’a pas beaucoup hésité. Il a enfilé sa tenue de «
Silver Android » - le salop c’était lui qui l’avait (cf. la chro de «
In Rock We Trust ») - et a rejoint la bande. John is living proof that dreams really can come true. Il faut juste être très patient et, accessoirement, avoir quelques facilités à jouer d’un instrument.
En résumé, si tu as une décapotable et que tu vis sur la côte d’azur, ce disque fera l’affaire pour rouler cheveux au vent. Si t’as pas de décapotable - déjà, au passage, t’es un gros looser mec -, ou si tu vis dans le chnord ou, pire, si tu n’as plus de cheveux - la liste s’allonge -, tu laisses tomber l’affaire et tu investis tes deniers pour offrir un présent à ta nana - ah tu n’as pas non plus de nana ? T’es un gros looser mec ! -.
Craché, juré, un tel groupe ne se laisserait pas dicter deux fois la manière dont il doit composer sa musique. Le prochain album sera celui du retour en force.
Que dalle, la suite sera toute aussi décevante…
Me voilà prévenu en tous cas, le visionnage du clip "Summertimes Girls" m'ayant de toutes façons convaincu d'investir mes deniers ailleurs.
Merci amigo.
Quant à la photo que tu évoques, es-tu certain que tu en as une avec John Nyman le faux-blond ? Parce que si tu parles de celle où je suis à tes côtés, c'est Brad Lang qui est entre nous deux !!! Abus de pinard ce soir là si je me souviens bien...
Bravo poto, je ne te félicite pas ! Sauf peut-être pour le texte, toujours aussi fun ;-)
Pour la photo, je parlais bien de celle en ta (charmante) compagnie. Quel tocard je fais, je connais même pas Nyman et je fais le frimeur. Bouhhhhhh.
Merci pour ce super moment, on ne s'ennuie vraiment jamais lorsqu'on te lit. En ces temps de déprime générale, la sécu devrait prescrire une de tes choniques par jour.
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