Dans son autobiographie "Face the Music : A
Life Exposed",
Paul Stanley avait dit qu’en 1996,
Gene Simmons était enthousiaste à l'idée d'exploiter le son Grunge (qui était en vogue à l’époque) pour le prochain album studio de
Kiss, mais l’intéressé ne pensait pas que cela correspondrait au modèle du groupe. Malgré tout, nonobstant ce contentieux entre les deux leaders,
Kiss est tout de même entré en studio avec le producteur Toby Wright, (qui avait auparavant travaillé avec
Alice In Chains et le légendaire
Slayer) afin de composer douze nouveaux morceaux pour cet album qui est encore à ce jour le plus long du groupe bien qu’il comporte moins de chansons que «
Hot in the Shade » de 1989.
Ce faisant, ce futur disque (se nommant encore «
Head ») devait initialement sortir vers la fin de l’année quatre-vingt-seize (ou nonante-six, ou 96, ou... ben c’est tout je pense). Cependant, il fut tout simplement annulé lorsque la tournée de retrouvailles avec les membres originaux (
Ace Frehley et
Peter Criss) fut organisée. Par la suite, des copies illégales ont commencé à circuler sur le marché après qu'un fan non identifié ait payé une grosse somme d'argent à un producteur afin d’obtenir une copie de l'album. Ainsi, il est lui-même entré dans le studio pour le subtiliser afin de le diffuser dans le dos du groupe et de Mercury Records, faisant alors de ce disque le plus piraté de toute l'histoire du quatuor américain, ce qui les a forcés à engager le FBI pour retrouver le responsable. Finalement, celui-ci a payé cher son audace puisqu’il fut licencié une fois son identité découverte. Dès lors, Mercury Records a pris la décision de sortir officiellement l’album en octobre 1997, afin de rentabiliser les frais d’enregistrement, et lors de sa sortie, le disque a culminé à la septième place du classement Mainstream Rock Tracks tout en ayant raté l’occasion de réussir à avoir un impact ailleurs, et ce, même s’il s'est classé parmi les vingt premiers en Finlande, ou en atteignant la vingt-septième place du Billboard 200 américain.
A l’évidence, au vu des événements, la question principale est de se demander si sortir ce disque était une bonne idée! Je vous rassure, la réponse est positive! Afin d’étayer cette affirmation, il convient de préciser que l’entièreté des titres sont partagés, comme la plupart du temps, entre Stanley et Simmons, sauf "I Walk Alone" qui sera la première (et dernière) contribution de
Bruce Kulick au chant. Ce titre (le dernier du disque qui plus est) est une belle ballade, et quand
Gene le rejoint pour chanter la fin, c'est juste parfait. Curieusement, cette chanson n'a jamais fait partie des versions pirates qui ne contenaient que les onze premiers titres. Peut-être n'a-t-elle jamais été destinée à figurer sur l'album, ou peut-être était-ce un énième pied de nez du combo américain pour faire un doigt d’honneur aux possesseurs des versions frauduleuses de ce disque.
Pour le reste, Simons ouvre cet opus sur une note lourde et prometteuse avec un grincement de rétroaction menant au grondant "
Hate" ressemblant fortement à une suite de "
Unholy" tiré du disque précédent. A l’instar de ce dernier, il y a quelques morceaux qui auraient pu être trouvés sur d'autres albums comme "
Childhood's End" qui voit le bassiste chanter avec de belles mélodies, ou encore "I
Confess" dont les couplets ressemblent beaucoup à quelques extraits de « The
Elder », avec des cordes et une ambiance sombre. Cette chanson alterne d’ailleurs entre des refrains lourds et des couplets calmes, un peu comme la musique populaire de cette époque.
A contrario, "In My
Head" est probablement la chanson la plus étrange de l'album, étant lourde, colérique, voire bizarre tant lyriquement que musicalement puisqu’elle ne ressemble en rien à ce que
Kiss a pu faire dans le passé et où il est fortement difficile de la comparer à quelque chose de connu. Enfin, les pistes du démon se terminent avec "Seduction of the Innocent" où Les parties Rock sont plutôt bien ficelées, mais néanmoins, cette plage n’apporte rien de plus à l’ensemble de l’album.
Par conséquent, afin de trouver la pépite de cet opus, il faut se tourner vers les parties vocales de l’enfant des étoiles, avec la sublime "I
Will Be There", une ode de
Paul Stanley à son fils Evan, né pendant l'écriture de l'album, et il s’agit-là d’une belle pièce clairsemée, strictement acoustique, avec une voix montant crescendo vers la fin. Il est bien malheureux qu’un tel titre soit tombé dans l’oubli, car nul doute qu’il aurait été une perle sur scène pendant les sets acoustiques.
A l’inverse, même si "
Rain" reste une autre bonne chanson Grunge, elle fait pâle figure à côté de "
Master & Slave". En effet, connu à l’origine sous le nom de "Tell Me" sur certains des bootlegs échappés, il s'agit d'un numéro à base de basse avec un refrain très prenant et dont les fans de
Kiss l’ont décrite comme étant le must de cet album.
Du reste, la basse robuste de
Gene et le travail principal sinueux de
Bruce Kulick sont les points forts du seul single de cette offrande ayant pour nom "
Jungle", dont le chant est toujours assuré par Stanley, de même que l’assez puissant "It
Never Goes Away", et le torride "In the Mirror", qui aurait d’ailleurs pu tenir sur «
Love Gun » du fait de son ambiance rappelant d’une certaine manière le titre "I Stole You Love", surtout si on peut l’imaginer enregistré par la formation originale avec la particularité d’avoir les guitares un peu plus dures.
Bref, à l’instar de la musique tout aussi atypique de «
Music from the Elder » en 1981, « Carnival of Souls » a divisé les opinions des fans au fil des ans. Certains disent que c'est un excellent album, tandis que d'autres pensent que c'est le pire. Pour ma part, il m’a fallu plusieurs écoutes pour l’apprécier, et une fois que l’on s’y attarde, il devient évident que bien qu’il ne puisse pas être considéré comme un diamant, il reste néanmoins une perle car il y vraiment de la bonne musique à l’intérieur. Par ailleurs,
Bruce Kulick reste encore à ce jour le plus fervent partisan de l’album, et cela pourrait être dû au fait qu'il a co-écrit un grand nombre de morceaux et qu'il a finalement pu chanter une voix principale sur un album de
Kiss.
En définitive, quand vous pensez à
Kiss, il est évident que le son et le style de « Carnival of Souls » ne sont pas ceux que vous voudriez entendre, et si les retrouvailles du line-up original avec
Ace et Peter n'avaient pas eu lieu, il aurait été intéressant de voir comment cet album aurait été reçu s'il avait bénéficié d'une promotion complète et si le quatuor américain avait continué avec ce son. Quoiqu’il en soit, « Carnival of Souls » restera à jamais un ovni dans leur discographie, mais en lui donnant sa chance, nul doute que certains titres vous paraitront moins pénibles qu’ils n’y paraissent.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire