Depuis ses débuts, à l'aune d'un vibrant «
Lucidity » sorti en 2006, le groupe néerlandais a gravi un à un les échelons, ayant ainsi considérablement fait évoluer son projet tout comme sa palette de compétences. Aussi le collectif batave a-t-il pu asseoir sa notoriété et s'imposer parmi les références incontestées du paysage metal symphonique à chant féminin actuel. Pour fêter leur dixième anniversaire comme il se doit, une sculpturale et originale rétrospective nous est octroyée, le sextet nous conviant ici à un concert de 2 heures balayant la plupart de ses succès d'une part ; un documentaire, suivi d'un live et d'un clip, viennent compléter leur offre, de l'autre. Soit, un double-album, disponible en version cd et/ou dvd, dont seul le show dispensé au Paradiso sera analysé. Concert dantesque à l'ambiance survoltée, aux multiples rebondissements et réservant son lot de moments forts en émotions, à l'instar de ses 23 pistes toutes plus charismatiques et efficaces les unes que les autres...
Pour ce faire,
Charlotte Wessels (frontwoman), Martijn Westerholt (claviers), Timo Somers (guitare), Merel Bechtold (guitare), Otto Schimmelpenninck van der Oije (basse) et Ruben Israel (batterie) ont à la fois peaufiné leurs arrangements instrumentaux pour rendre plus dynamique et catchy leur message musical et soigné l'ingénierie du son, à commencer par un mixage ajusté entre instrumentation et lignes de chant, point toujours délicat dans un tel contexte. Ainsi nous ont-ils parfois livré de subtiles variations aux titres d'origine ; morceaux judicieusement sélectionnés, piochés dans chacun de leurs cinq albums full length et opportunément placés dans la setlist. Aussi, le groupe témoigne d'une habile gestion de ses séquences, tout en suivant un fil conducteur susceptible de tenir en haleine son public jusqu'à l'extinction des feux.
Conformément aux versions d'origine de certaines pistes emblématiques de leur discographie, nos acolytes ont réuni ici quelques invités de marque. Ainsi on retrouvera
Liv Kristine (ex-
Leaves' Eyes, ex-
Theatre Of Tragedy), Alissa White-Gluz (
Arch Enemy, ex-Karmaflow, ex-
The Agonist), Burton C, Bell (
Fear Factory), George Oosthoek (
Mayan,
Celestial Season, ex-
Orphanage) et Marko Hietala (
Nightwish,
Tarot) au chant ; Rob van der Loo (
Epica, ex-
Mayan, ex-
Delain) à la basse ; Sander Zoer (ex-
Delain, ex-
Nemesea) à la batterie ; Guus Eikens (ex-
Orphanage) à la guitare et Elianne Anemaat au violoncelle. Aussi, entrons sans plus attendre dans la danse...
L'accent a semble-t-il été mis sur les dernières propositions du répertoire du collectif batave, celui-ci les ayant placés pour la plupart en tête de liste. Bref, une entame de concert placée sous les meilleurs auspices...
Dès les premiers roulements de tambour, et sous l'égide de saisissants gimmicks à la lead guitare, le progressif et nightwishien instrumental « Intro (The
Monarch) » ne tarde pas à prendre à la gorge un public encore tiède. Cette version écourtée de l'outro de «
Moonbathers » nous mène, comme par enchantement, au puissant et magnétique up tempo «
Hands of Gold ». Ainsi, à l'image de la version originale, des circonvolutions synthétiques se combinent à un riffing mitrailleur. Et ce, sur une piste qui peu à peu s'ensanglante par la growleuse présence d'Alissa White-Gluz, contrastant avec les patines oratoires de
Charlotte, plus incisives qu'à l'accoutumée.
Dans cette énergie, et tiré du même opus, glisse le dévorant «
Suckerpunch , non sans rappeler par ses harmoniques «
Stay Forever », extrait de «
April Rain » et au relief acoustique proche de « Stardust » (in «
The Human Contradiction »). Une prestation au top pour une
Charlotte se plaisant à communiquer avec son public. Dans cette mouvance, on restera tout aussi aimanté par le vitaminé «
Fire with Fire ». Et comment rester de marbre face aux refrains catchy du colérique et sémillant «
The Glory and the Scum » qui, d'un coup d'un seul nous renvoie à «
We Are the Others » de par les célestes modulations vocales de la belle ? Toute tentative de résistance semble alors bien vaine. Même constat pour les mid tempi «
Hurricane » et « Dance
Macabre », titres infiltrants aux refrains imparables mis en habits de lumière par la déesse et brillamment restitués par le corps orchestral.
Si la part belle a été faite aux passages du dernier effort, le fan des travaux antérieurs du groupe ne restera pas frustré pour autant, les renvois aux précédents albums étant loin d'être rares, non moins alléchants et fidèlement restitués, avec quelques petites variations au programme. A commencer par quelques extraits de leur quatrième opus de longue durée, «
The Human Contradiction » (2014), susceptibles de laisser des traces dans bien des mémoires...
Ainsi, on retiendra « Army of Dolls » pour son caractère enjoué, sa rythmique au caractère explosif, ses ragoûtantes séries d'accords et ses refrains entêtants mis en exergue par les célestes inflexions de la sirène.
Plus encore, sur la fresque « Here Come the Vultures », le combo s'est littéralement transcendé, ayant témoigné d'une intarissable énergie et d'une technicité instrumentale éprouvée. Une salve d'applaudissements nourris couronne une œuvre aussi charismatique qu'envoûtante. On n'oubliera pas non plus le bestial et néanmoins mélodiquement avenant « The Tragedy of the Commons », notamment pour les growls caverneux d'Alissa White-Gluz , ni le nerveux « Don’t Let Go » à la touche électro pour ses riffs écorchés vifs et surtout sa torride atmosphère.
De cette même galette émanent deux autres pistes où la gutturale présence vocale de Marco Hietala se fait sentir, contribuant à optimiser l'impact de ces ogives. Ainsi, le fulgurant « Your Body Is a Battleground » et l'engageant « Sing to Me » en sont deux illustrations, la puissance du timbre de Marco venant en contre-point des graciles volutes de la maîtresse de cérémonie. Et ce, pour de délectables rondes des saveurs, conformément aux versions d'origine.
Parmi les pistes extraites de leur troisième opus «
We Are the Others » (
2012), le collectif ne s'y est pas trompé, proposant ses plus poignantes et percutantes offrandes, allant même jusqu'à clôturer le show par son titre éponyme. Ainsi, on ne passera pas outre «
Get the Devil Out of Me », ensorcelant instant aux riffs massifs sous-tendu par d'amples nappes synthétiques et témoignant d'une élégante ligne mélodique. Sinon, on reconnaîtra sans mal les gimmicks guitaristiques de l'entraînant « Mother
Machine » qui, par ses fines nuances mélodiques, réserve, lui aussi, des moments de pure jouissance auditive. Difficile également de résister aux assauts répétés de la déferlante « Where is the
Blood » qui, avec la participation de Burton C. Bell, à l'instar de la version originelle, livre un captateur duo mixte en voix de contrastes.
Comme pour nous rappeler à notre bon souvenir, le groupe est remonté plus loin dans le temps, nous amenant dès la huitième chanson sur les traces d'un certain «
April Rain » (2009), dont il nous livre le magnétique et tubesque titre éponyme. Dès les premières rampes synthétiques et les introductifs accords entamés, le public est en liesse. A la maîtresse de cérémonie de prendre les devants et qui, par ses limpides inflexions, nous happe littéralement. De nouveaux arrangements ont été apportés, à l'image de subtils clapotis organiques et d'une dynamique rythmique plus punchy que d'ordinaire. Quant au flamboyant et hypnotique «
Stay Forever », il suit sa ligne directrice originelle, octroyant son riffing plombant tout en nous livrant un solo de guitare bien affûté. Et la sauce prend, une fois de plus. En témoignent les applaudissements nourris d'un public conquis.
Dès la seconde moitié du show, les toutes premières mesures du combo nous parviennent au tympan, retraçant quelques moments choisis du sculptural et introductif «
Lucidity », avec les invités d'origine pour accompagner la frontwoman. Ainsi, on parcourt à nouveau et avec plaisir les arcanes du hit « Sleepwalker's
Dream » aux couplets bien ciselés et nourri de refrains immersifs à souhait. Cette fois dynamisé par la basse vrombissante de Rob van der Loo, les frappes sèches de fûts de Sander Zoer, et enjolivé par le toucher de guitare de Guus Eikens, le galvanisant instant retrouve une seconde jeunesse. Par ailleurs, une version alternative de «
The Gathering » nous est adressée, où l'absence de Marco au chant est compensée par une chorale masculine en arrière-fond, secondant une
Charlotte bien inspirée. Sinon, rien qui ne nous fasse quitter le spectacle, loin s'en faut. En revanche, l'enivrant mid tempo progressif « Pristine » conserve son architecture de base, avec ses nappes synthétiques ondulantes et graduellement prégnantes, nous imposant à nouveau la stupéfiante profondeur et le mordant des growls glaçants de George Oosthoek.
Quant aux amateurs de moments intimistes, ils n'ont pas non plus été laissés pour compte. Ils seront même soufflés par la justesse des accords et la précision du cheminement mélodique du somptueux «
See Me in Shadow », extrait de ce même album. Pour les inconditionnels de
Liv Kristine, ils la retrouveront dans un touchant duo avec
Charlotte au fil de cette ballade aux airs d'un slow qui emballe.
Seul morceau romantique de la soirée, dont la charge émotionnelle est renforcée par le gracieux toucher d'archet de la violoncelliste Elianne Anemaat.
Soucieux de clôturer son spectacle sereinement et dans l'allégresse, le combo nous livre une version progressive du pimpant et dansant «
We Are the Others ». L'occasion pour
Charlotte de remercier chaudement son public, de livrer, non sans une once d'émotion, son sentiment relatif à ces dix ans de carrière, et ce, aux fins d'un travail quasi ininterrompu aussi bien sur scène qu'en studio. Par là-même, elle présente son équipe et ses invités, à mi-parcours, l'orchestre continuant parallèlement à jouer jusqu'au terme de l'offrande. Un final en apothéose, en quelque sorte...
Une prestation d'ensemble solide et particulièrement soignée pour un concert éblouissant et addictif que nous offre l'expérimenté sextet néerlandais.
Pas un temps mort, ni une longueur superflue, ni un passage techniciste qui n'ait sa raison d'être au cours de ces 2 heures d'un spectacle aussi envoûtant que varié dans sa forme. Pour ce faire, tant la logistique que l'ingénierie du son et les jeux de lumière ont été passés au peigne fin. Les compositions sélectionnées pour l'occasion ont permis pour certains de revivre moult moments chargés en émotions, pour d'autres, de découvrir un groupe parfaitement rôdé, susceptible de tenir la dragée haute aux plus illustres de ses pairs. On comprend donc que chaque secteur harmonique, mélodique et rythmique est sous contrôle et l'équipe éminemment soudée. Equipe qui s'est forgée une identité artistique stable au fil des années et qui fait de
Delain une figure de proue du metal symphonique à chant féminin actuel.
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