Nous parlions d’une revanche sur la vie à la sortie très attendue et acclamée de "
We Are the Others", notamment envers Martijn Westerholt qui avait dû se battre pour faire ce qu’il fait désormais. Paradoxe de la chose, dix ans plus tard, c’est lui qui se retrouve sur le devant de la scène pendant que son frère (Robert, guitariste de
Within Temptation) décide de quitter le navire en ne devenant qu’un membre externe, lié à la composition et la production mais n’apparaissant plus sur scène afin de s’occuper de ses enfants. La vie est parfois bien ironique.
Une tournée plus tard, le statut de
Delain a considérablement grimpé, passant de celui de groupe de seconde zone invitant des musiciens de renom à celui de groupe majeur capable de s’émanciper de ses influences et de rétablir plusieurs vérités sur sa possibilité de se renouveler et créer sa propre personnalité. Si "
Lucidity" et "
April Rain" restaient très ancrés dans les poncifs du metal symphonique, "
We Are the Others" a exploré des horizons plus pop et accessibles qui siéent parfaitement au groupe hollandais. "
The Human Contradiction" s’annonce donc comme l’album de la confirmation, celui qui définirait définitivement le style et l’identité du groupe. Et autant dire que ce quatrième opus va bien plus loin que tout ce qu’ils ont proposé auparavant…
Si le premier contact avec la pochette est une fois de plus délicat (ils ont vraiment des goûts discutables depuis le début de leur carrière à ce niveau là…), la seconde chose à dire lorsqu’on écoute l’album est que la production est purement monstrueuse d’épaisseur et de clarté, chaque élément étant parfaitement perceptible et ce, dans une cohésion assez impressionnante. Ensuite,
Delain a réussi à créer l’album parfait capable d’allier les deux facettes de leur personnalité, à savoir l’aspect symphonique et plus lourd de leurs débuts ainsi que le côté plus accessible et mélodique de "
We Are the Others". Cela peut donner un tube en puissance comme "Your Body is a Battleground", avec Marco Hietala en invité qui place des interventions extraordinaires de puissance. Car, si le titre entre rapidement en tête, il fourmille de détails, d’arrangements symphoniques, se dote d’un riff énorme pour headbanger avant que
Charlotte Wessels, dont les progrès sont encore une fois flagrants, ne propose un refrain presque féérique tout en étant très dur dans le propos (« Your body is a battleground, your body is an industry »). Un solo tout en mélodie vient clôturer l’ensemble dans une relative simplicité mais surtout une redoutable efficacité, où l’on reconnait instantanément la patte de
Delain sans pour autant renier une influence de
Nightwish dans les arrangements. Influence encore plus notable sur la formidable ouverture de "Here Come the Vultures", évoquant le début d’"Imaginaerum" (l’influence de cet album dans les années à venir va clairement être importante, quand on écoute aussi le dernier Sonata…) avec cet aspect de conte. Le riff est très lourd, des chœurs très obscurs accompagnent
Charlotte et cette dernière dévoile un chant plus lancinant, plus mélancolique et ajoute une corde à un arc vocal de plus en plus étoffé. Le break impressionne, on entend venir une multitude de lignes vocales, une chorale étrange chantant des « lalala » presque malsains, les éléments symphoniques se font plus présents que jamais et le solo de guitare rend l’ambiance encore plus tordue, permettant de faire comprendre que l’atmosphère de ce quatrième album sera bien plus dark et tendue.
Loin de se laisser aller aux standards de trois minutes comme c’était trop souvent le cas sur le précédent,
Delain innove et cherche à repousser ses propres limites. Ainsi, "My
Masquerade" dévoile une vision très mélancolique, autour d’un refrain que n’aurait pas renié
Tiamat par exemple, dans sa propension quasi gothique. A l’inverse, Georges Oosthoek vient de nouveau hurler sur "Tell Me, Mechanist" pour obscurcir une atmosphère très féérique sur les couplets. La perfection du son pour le genre permet à ce type de titre, très épuré, de profiter de l’impact de la caisse claire et de la basse, rendant la lourdeur de la rythmique plus forte encore. Alissa White-Ghuz, que l’on voit un peu partout en ce moment (et désormais chanteuse d’
Arch Enemy) vient également accompagner
Charlotte sur "The
Tragedy of the Commons", morceau très mélodique au demeurant, centré autour de la ligne vocale et de chœurs lyriques absolument magnifiques (n’est-ce pas à "
Ghost Love Score" que l’on pense ici ?). Le chant de la frontwoman ne s’intègre d’ailleurs que partiellement sur ce titre même si elle apporte indéniablement un côté mortuaire à ces envolées lyriques à couper le souffle, bien loin devant les arrangements classiques des précédents albums.
Et si les singles de
Delain ont parfois laissé trop libre court à la facilité, difficile de trouver quelque chose à reprocher à "Stardust", tube en puissance, popisant certes mais tellement bien fait, complètement assumé et interprété de main de maître de telle façon qu’on a déjà envie de l’entendre sur scène en ouverture de
Within Temptation à la fin du mois. Idem pour un "Sing to Me" entêtant au riff imposant qui laisse vraiment penser que le groupe a pensé au live quand il a composé l’album.
Delain, avec "
The Human Contradiction", assume ainsi entièrement son statut et va même plus loin en composant l’album regroupant toutes les influences des dix ans du groupe. Un album poussant chacun des éléments du combo au meilleur de sa forme, le rendant à la fois plus travaillé, plus catchy, plus élaboré, plus riche et plus complet. Le meilleur album du groupe, en somme. Et là où certains ont des difficultés à résister dans ce monde metal à chant féminin (
Edenbridge,
Visions of Atlantis, Leaves
Eyes qui déçoit de plus en plus, Diabvlvs in Mvsica qui, après son split, va être très attendu…),
Delain grimpe les étages progressivement mais certainement, en prenant son temps mais en le faisant toujours aussi bien. On se retrouve sur la tournée des
Zenith pour voir tout ça en live, le rendez-vous est pris !
Mais très surpris des set-lists live actuelles de Delain qui ne comportent que 2 titres de The Human Contradiction, à savoir "Stardust" et "Army of Dolls". (j'ai notamment assisté au concert de Lyon hier soir)
Comme tu le dis très justement pour "Sing To Me", les morceaux de cet album sont très taillés pour le live, c'est pourquoi je suis tout de même assez déçu que la tournée fasse 3 fois plus de titres de We Are The Others, mais que 2 titres de The Human Contradiction, et 1 un seul de April Rain ("Go Away"). Néanmoins, on ne peut qu'être heureux que le groupe joue deux classiques issus de Lucidity ("The Gathering" et "Sleepwalker's Dream").
Il faudra qu'un jour j'essaie d'écouter le 1er album.
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