Il y a parfois de belles histoires.
Des histoires qui, lorsqu’elles embrasent le monde de leur éclat noir et maléfique, parviennent à contrebalancer l’obscurité ambiante pour reprendre le dessus sur la vie.
Car quand Martijn Westerholt a fondé, avec son frère, ce qui allait devenir l’un des plus gros groupes de metal symphonique au monde,
Within Temptation, il était peu évident de savoir la suite des événements. Mais voilà, l’orchestrateur en chef était atteint d’une maladie génétique très rare (1 cas sur 100 000), appelé
Syndrome de Pfeiffer. Dans certains cas, cela provoque des retards mentaux desquels Martijn fut protégé mais des crises fréquentes ainsi que certaines malformations des doigts ou des pieds (élargissement anormaux des doigts) s’avèrent des plus problématiques lorsque l’on joue du piano, qui plus est, dans un groupe enchaînant les concerts comme
Within Temptation. La mort dans l’âme, il quitte le groupe, laissant son frère et Sharon Del Adel maîtres du navire…
C’est ainsi que
Delain sonne comme une victoire, une renaissance et une revanche sur une vie qui avait décidé de lui ôter son rêve mais qui n’a jamais réussi à ébranler sa foi et son talent dans ce qu’il fait.
Rapidement rejoint par de nombreuses personnalités de groupes reconnus (
Epica, Leave’s
Eyes,
Nightwish…), Martijn trouve une chanteuse,
Charlotte Wessels et signe un contrat avec Roadrunner qui flaire un futur carton commercial. Pari réussi avec "
Lucidity" en 2006, puis "
April Rain" qui place
Delain comme un véritable groupe solide et non un simple projet, collaboration de multiples musiciens renommés.
Pourtant, après le succès très important d’"
April Rain", c’est sans une très importante promotion (
Gojira aurait-il pris toute l’attention de Roadrunner ?) que sort "
We Are the Others". Patronyme énigmatique pour ce troisième album, laissant, de plus, apparaître un nouveau logo très dépouillé et un artwork à l’esthétisme « hippie » des années 70 très loin de la modernité de la pochette précédente. Où les Hollandais vont-ils donc nous emmener… ?
Et bien, force est d’admettre que, musicalement,
Delain ne surprend pas autant que graphiquement car "
We Are the Others" reste dans la droite lignée de ce que nous connaissons d’eux, délaissant peut-être encore plus les ambiances orchestrales pour s’orienter vers une musique plus rock et directe, très accessible et simple d’accroche. Il suffit d’écouter un morceau comme "Electricity" pour comprendre la nouvelle direction des Hollandais, au final relativement proche de celle de
Within Temptation, mais avec le timbre de
Charlotte qui, de toute évidence, se trouve bien plus à l’aise dans ce style avec son timbre chaud et naturellement puissant mais peu lyrique. Les riffs se font simples, le refrain est immédiat et très facilement mémorisable pendant que d’agréables, envoûtantes et caressantes nappes de claviers enveloppent l’ensemble sans pour autant l’aseptiser, le laissant respirer juste ce qu’il faut. La production, très organique, empêche d’ailleurs le groupe de tomber dans un stéréotype traditionnel du formatage actuel dans lequel
Lacuna Coil a malheureusement sombré depuis "Shallow
Life".
L’introduction du morceau éponyme et ses claviers très new-wave peut initialement faire peur mais il colle finalement très bien à l’esprit et à l’image de ce nouvel album, positif et enthousiaste avec la vie. Ce refrain, cette âme qui en émane, est comme un vent frais qui balaie le visage et lui offre une fraicheur revigorante. Il n’apporte rien de spécial, ne change rien mais rassure, procure un certain plaisir et c’est alors, sans s’en apercevoir, qu’un léger sourire parcourt nos lèvres et grave notre visage d’une illumination gracieuse et ensoleillée. Certes, le fond est pop mais qu’importe ?
Il faut les trouver ce refrain et cette mélodie de "Hit Me with your Best Shot" qui, bien que simples (simplistes ?) et très accessibles rentrent si bien en tête qu’une demi-écoute suffit pour déjà fredonner la chanson et la retenir complètement dès la deuxième écoute. Certes, le travail de composition n’est pas des plus ambitieux mais il faut reconnaître un talent non négligeable dans l’art de trouver la mélodie qui tue et le refrain (un énorme travail ayant été réalisé sur eux) qui transforme chacune de ces compositions en tubes en puissance.
Très mélodique, "
We Are the Others" durcit parfois un peu le ton pour rappeler ses origines. "Mother
Machine" procure donc une dose plus forte d’adrénaline malgré une mélodie très en avant mais surtout un riff bien plus imposant que l’énormité de la production met parfaitement à l’honneur. Paradoxalement, c’est ici que le refrain se pare d’une plus tendre mélancolie, la caresse se faisant plus songeuse, moins immédiate, dans l’expectative.
En revanche, le chant masculin se fait désormais très rare, mis à part sur le curieusement raté "Where is the
Blood" où
Charlotte partage le chant avec Burton C.Bell (
Fear Factory), sorte de mauvais remake du
Lacuna Coil actuel où Burton se veut méconnaissable, très peu en voix et pas convaincant du tout. A l’inverse, "
Babylon" renoue avec le visage plus symphonique du groupe, doté d’arrangements classieux, d’un riff épuré et simple et d’un refrain qui, une fois de plus, est déconcertant de simplicité et de facilité d’apprentissage. Cette vision sera probablement critiquée mais
Charlotte excelle tellement dans ses parties, dans son chant et le placement de ses lignes vocales qu’il serait cruel de lui reprocher cette impact immédiat au profit d’une complexité qu’elle n’aurait peut-être pas maitrisée.
Concrètement, "
We Are the Others" est un album de metal/rock avec la force de ses défauts ; à savoir une certaine linéarité dans le propos, des schémas répétitifs de morceaux mais une énorme maitrise du propos et surtout (le plus rare) un album qui ne lasse pas au bout de trois titres mais qui tient en haleine malgré le fait que l’on sache constamment où l’on va (le refrain de "Are you Done with Me" aurait pu apparaître dans une comédie musicale mais qu’importe, une fois de plus ?).
Delain est fidèle et honnête envers lui-même, ne cherchant pas à montrer ce qu’il n’est pas. Il est vrai et sincère, même si cette sincérité n’est pas la facette la plus créative que l’on aurait pu attendre d’un artiste comme Martijn. Mais cette vérité n’est-elle pas le plus beau cadeau que la vie lui ait fait ? Le plus bel hommage d’une revanche bien méritée ?
Écoutez. Profitez. Vivez. Staying Alive.
La pochette se rapproche plutôt du courant "art deco" première vingtaine du siècle dernier.
Autre chose qui a changé : à propos de la voix de Charlotte. Et là c'est mon point de désaccord avec l'auteur de la chronique : je ne trouve pas du tout sa voix puissante, et c'est justement ce manque de puissance vocale qui l'avait amenée à des artifices assez pénibles sur "April Rain" (intonations grinçantes forcées, lignes vocales systématiquement doublées, voire triplées dans les refrains...).
Attention je ne pense pas qu'une voix peu puissante soit un problème en soi : j'adore certaines chanteuses de metal qui n'ont pas énormément de coffre (Liv Kristine, Simone Simons, Sharon den Adel quand elle ne s'égosille pas comme sur son dernier album en date...). Et j'adorais la voix douce de Charlotte sur Lucidity. Mais fort heureusement, sur "We are the Others" elle est revenur a un chant plus naturel et beaucoup moins forcé que sur le précédent opus, ce qui la rend bien plus agréable à entendre! On mixe sa voix plus en avant et le tour est joué... Et puis en plus elle nous gratifie de ses jolis aigus à la fin du dernier titre, je ne les avait plus entendus depuis "Sleewalker's dream" et elle nous montre justement qu'on a pas forcément besoin de la puissance d'une Floor Jansen pour chanter joliment.
Merci Jo pour ta chronique !
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