Il est curieux de constater à quel point certains groupes peuvent souffrir des étiquettes réductrices, surtout lorsque avant de connaître un succès important ils sont en pleine évolution et explorent différentes directions sonores avant de trouver celui qui les rendra célèbre...
Ministry est de ceux-là.
Nous sommes en 1986, avant de devenir un groupe culte précurseur (avec NIN) de ce que l'on nommera communément le "
Metal industriel" à la toute fin des années 80,
Ministry était un groupe de... pop synthétique (ou new wave) que beaucoup de fans ou de curieux en se penchant sur le premier album ont immédiatement trouvé "hideuse", "ringarde", "démodée" et j'en passe... On ne m'ôtera pas l'idée que ce premier album n'était pas si mauvais et possédait bel et bien des qualités dans son genre, mais c'est bien l'album suivant qui nous intéresse ici :
Twitch. En effet, si l'album précédant : "
With Sympathy" pouvait souffrir d'une production trop dans l'air du temps (celui des années 80 qui n'est clairement pas la favorite des rockeurs en général),
Twitch ne souffre pas de cet aspect là. En effet, ici plus de pop édulcorée ou de synthés dégoulinants,
Ministry nous embarque doucement (mais sûrement) vers le
Metal indus des prochains albums. Bien sûr le côté agressif et la voix vocifératrice de Al Jourgensen ne sont pas encore au rendez-vous, pourtant on peut constater que le son a radicalement changé : plus dark, nettement moins amical, même la voix de Al subit ses premières modifications sur certains morceaux pour contribuer à dresser une nouvelle ambiance plus recherchée et plus planante.
Le côté pop et radieux de l'album précédant n'est toutefois pas totalement renié, on en ressent encore une légère influence sur "
Over the Shoulder" sur lequel Al chante sans modification réelle sur sa voix hormis ce petit côté "foufou" qu'il lui donne par son intonation étrange. Toutefois, la grosse majorité des morceaux sont orientés vers une sorte de pop "ténébreuse" pas vraiment rock, et encore moins metal... Il faudra attendre le prochain album pour commencer à assister au début de cette orientation musicale, mais on tient bien là quelque chose de particulièrement intéressant : pas encore suffisamment agressif pour être qualifié de metal, mais suffisamment hypnotique, mécanique et prenant pour être qualifié d'industriel. Par ailleurs, les sons de claviers utilisés sur le long de l'album sont globalement répétitifs mais évoquent surtout le bruit de machines, on a l'impression d'entendre une musique fabriquée par des machines, ce qui est une caractéristique que l'on pourra retrouver plus tard parfois dans certains disques de metal indus, certains ingrédients sont donc bien réunis pour créer ce style dans un futur proche. On a ainsi droit ici à de purs morceaux de génie à commencer par "We Believe" où la voix robotique de Al crée une atmosphère glauque soutenue par une rythmique machinale, lancinante et des synthés à l'allure spectrale, le morceau d'ouverture "Just like You" est similaire mais se veut plus plombant de par son rythme lent et pesant.
D'une manière générale aucun autre morceau ne ressort vraiment de l'album, mais l'ensemble du disque se laisse écouter avec plaisir. Sur cet album,
Ministry parvient donc à nous fournir une musique de qualité dans un style totalement différent et à part dans leur discographie, via l'usage exclusif de synthés créant une musique envoûtante n'ayant aucun besoin d'agressivité pour maintenir l'attention de l'auditeur. Le génie du groupe était donc déjà là mais exprimé dans un style totalement différent, ce qui fait de ce disque un joyau rare dans leur discographie dont il serait dommage de vous priver.
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