Ministry avait commencé sa carrière au début des années 80 en sortant l'album "
With Sympathy" alors clairement orienté vers la New Wave, et n'a pris une direction indéniablement Indus qu'avec l'album de 1988 intitulé "76812", album considéré à juste titre comme la pierre d'angle du véritable
Ministry, puisque celui-ci restera fidèle, jusqu'à la fin de son existence, à cette nouvelle orientation musicale.
Toutefois, l'album de 1988 était encore largement dominé par l'électronique, le groupe ayant été fortement influencé par l'E.B.M. (Electronic Body Music) du groupe belge Front 242 avec lequel il avait tourné au milieu des années 80. D'ailleurs Al Jourgensen, la tête pensante de
Ministry, avait formé un groupe nommé "
Revolting Cocks" avec les membres de Front 242. Tout ceci ne peut que laisser des traces et des influences dont il est parfois difficile de se départir tant la proximité est évidente.
C'est donc sur "
The Mind Is a Terrible Thing to Taste" que va se parachever l'évolution de ce
Ministry nouveau, l'électronique autrefois omniprésente cédant le terrain aux guitares. Désormais la musique Industrielle de
Ministry le sera par son côté essentiellement Rock (guitares) et non plus Electronique. Nous disons bien "essentiellement" car l'électronique ne disparaîtra pas complètement et ce disque s'ouvre d'ailleurs sur un "Thieves" électro avec des samples de bruitages cyber/indus. Un titre qui préfigurera d'ailleurs ce qu'on pourra trouver sur l'album de 1992 connu sous le nom de "Psalm 69". Mais tout de suite les guitares s'invitent et se font plus incisives que sur l'album précédent à l'instar de "
Burning Inside" qui conserve toutefois des voix filtrées et une rythmique simple et binaire. Et nous avons ici droit à un riff très
Metal allié à des hurlements typiques du courant E.B.M/Electro-indus. Un alliage très sombre dans son mélange.
Nous nous enfonçons dans une atmosphère de plus en plus sombre et malsaine sur le titre suivant "
Never Believe" aux rythmiques hypnotiques et entêtantes. Ce sentiment de désespoir ne nous abondonne pas sur "Cannibal Song", la basse réussissant à nous procurer une rythmique particulièrement lugubre et irrésistible, digne des heures les plus obscures du mouvement Batcave/New Wave. Dès lors, le titre de l'album prend tout son sens :
The Mind Is a Terrible Thing to Taste (l'esprit est une terrible chose à goûter). Quoi de plus logique pour un titre qui s'intitule "Cannibal Song" !
Les morceaux "Breathe" et "
Faith Collapsing" s'ouvrent quant à eux sur des rythmes tribaux qu'on aurait pu retrouver par exemple sur l'album "
Fire Dances" (1983) de
Killing Joke. Preuve s'il s'en fallait qu'il existe une corrélation indéniable entre la rythmique martiale et la rythmique tribale. Et si "
So What" possède le chant le plus mélodique de l'album il délivre toujours une ambiance très sombre, proche de la folie avec ses samples de rires inquiétants, comme sur le titre "
Faith Collapsing" d'ailleurs. Décidément un album très noir dans ses atmosphères à l'instar de la couleur de la pochette. L'esprit se perd littéralement dans des corridors sombres et crasseux d'un labyrinthe dont il n'arrive pas à s'extraire, tel un cauchemar halluciné.
Avec cet album voilà donc
Ministry désormais axé dans la droite ligne de ce que sera la suite de sa discographie, délesté en grande partie de son passé électronique (mais pas totalement). Un album à mon sens indispensable avec "76812" pour comprendre non seulement l'évolution du groupe mais aussi les influences et les origines du Rock et du
Metal Industriel, car ces deux albums ont toute leur place dans l'histoire et la construction de ce courant musical. Evoquer ce courant Rock ou
Metal Industriel sans avoir écouté ces deux oeuvres pourrait être considéré comme une lacune quasiment impardonnable.
Un album en forme de chef-d'oeuvre de noirceur donc, qui pourrait paraître à certains difficile à écouter d'une seule traite. Une oeuvre éprouvante pour l'esprit, simple, mais d'une efficacité redoutable, qui sait allier à la fois la puissance des guitares et celle de l'électronique. Pour en tirer le meilleur mais aussi le plus obscur. Un album sans réelles faiblesses. Et même le morceau "Test" aux consonnances Hip-Hop trouve sa place sans dépareiller. Un tour de force. Mais il s'agit aussi d'un album relativement méconnu, vampirisé qu'il est par un Psalm 69 qui focalise toutes les attentions sur lui. Dommage, car en 1989 le chef-d'oeuvre était déjà là.
Note : 17/20
Je partage largement ton avis sur l'importance de cet album, notamment sur le fait qu'il témoigne de toute la construction du metal indus de Ministry, à partir d'une "digestion" de différentes influences propres aux années 80. Ce disque est vraiment la pierre angulaire de tout un style.
Le seul point sur lequel nous ne sommes pas forcément complètement en phase concerne Psalm 69.
Ce dernier marque pour moi la touche finale qui manque encore à son prédecesseur: une puissance et une production qui fait vraiment rentrer l'indus de Ministry dans le monde du metal pur et dur.
Mais tu as raison, The Mind Is A Terrible Thing To Taste mérite définitivement d'être reconnu à sa juste valeur.
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