Et dire qu'il y a quelques années le nom de
Korpiklaani ne nous évoquait pas grand chose voire rien (une consonance pareille, je crois qu'on s'en souviendrait!)... De nos jours, chaque album que pond le groupe (à raison généralement d’un par an, la poule est féconde) est un moment attendu par beaucoup de fans assidus de Folk
Metal. Alors certes, tous les disques ne seront pas considérés par la majorité comme des œufs d’or, mais s'il doit en être un qui peut se targuer d'être un grand album, c'est bien ce
Tervaskanto.
Ceux qui ont suivi les finlandais depuis
Spirit of the Forest ont pu être, de prime abord, déçus par la voie qu'emprunte
Tervaskanto. Les violons sont vraiment mis de côté au profit d'instruments nettement plus folkloriques.
Outre le jouhikko (d'origine celte, pense-t-on) et la flûte (très présente sur Let's Drink, j'y reviendrai), c'est, sans discorde, à l'accordéon qu'ils accordent une place de choix. Vous me direz peut-être que c'était déjà le cas sur
Tales Along This Road, et j'acquiescerai, mais ici il a selon moi un rôle encore plus prédominant. On le remarque à l’écoute de Viima (Icy
Wind) par exemple, sur laquelle l’accordéon offre un panel impressionnant d’émotions, mélangeant savamment bonne humeur avec mélancolie, pour un rendu proche, à l’écoute, de ce que l’on peut ressentir étant attablé avec une bande d’amis, autour d’un verre, à s’échanger des histoires tantôt drôles, tantôt tristes. Le rythme de ce titre et les parties de batterie, quant à eux, sont pratiquement stagnants, ce qui convient parfaitement à l’ambiance développée.
Palovana (Inner
Fire) bénéficiera également de cet instrument décidément étonnant, accompagné d’une guitare acoustique et d’un violon discret, mais le tout sera plus mouvementé que Viima (Icy
Wind). Une petite cavalcade en forêt au crépuscule ne fait manifestement pas de tort! Le chant de
Jonne est superbe dans son style, robuste mais mélancolique (n’hésitez pas à tendre l’oreille sur ce très bon refrain).
J’ajouterai, en tant que troisième perle de cet album de toute manière globalement excellent, un Vesilahden Verajilla (
At The Gates Of Vesilahti) qui déplaira sans doute à ceux qui n’aiment pas les morceaux relativement répétitifs. Dans la veine d’un hymne Folk tel Tuli Kokko (sur
Tales Along This Road) en moins redondant, moins superflu, ce titre met la barre encore plus haut mélodiquement parlant. La mélancolie est une nouvelle fois de la partie dans cette chanson frôlant les sept minutes, agrémentée de détails qui ne se révéleront que lors d’une écoute attentive, au casque par exemple : le riff légèrement modifié à la fin, des apparitions de guitare acoustique, de belles lignes de basse. Et, alors que l’on croit la conclusion venue (lors du texte déclamé en finnois, sur un fond sonore qui s’amenuise), une dernière salve de cette superbe mélodie qui compose intégralement le titre ressurgit, pour le plus grand bonheur de celui qui en est épris.
Comme je l’ai dit, la flûte aussi a son importance, sur Let’s Drink par exemple. Elle fait son apparition dès le refrain passé, et amène cette touche froide mais agréable, qui, si l’on se laisse aller, rappelle la pureté glaciale de la neige.
Les morceaux plus «
Metal » (comme Vaki
Rauta,
Beer Beer, sur les albums précédents) sont, eux, moins présents. Matson, de son côté, tabasse certes toujours les fûts comme un beau diable (l’instrumentale Running With Wolves, qui porte bien son nom), mais la magie du folk l’emporte, pour le coup, vraiment sur celle du riff. Ce n’est pas un mauvais point du tout à mon sens car
Korpiklaani use ici de tout son talent pour que son disque ne soit pas mou, et l’on a droit à de nombreuses mélodies et ambiances. De plus, pas d’inquiétude car nous retrouverons quelques gros riffs dès le cd suivant,
Korven Kuningas.
L’air de fête, bien qu’il éclate sur le final assuré par Nordic Feast, est donc implicite la plupart du temps, mais l’auditeur charmé saura le déceler. Il en résulte un
Tervaskanto moins facile d’accès que ce que le groupe a pu composer jusqu’ici, mais peaufiné avec un savoir et un savoir-faire certains, et preuve est faite que
Korpiklaani est loin d’être une machine à fric dotée d’un talent incertain. Un bien bel album de Folk
Metal qui restera pour beaucoup, je le pense, le sommet de la carrière du groupe.
19/20
Pour moi le "clan du corbeau" dévoile toute sa saveur en live. Je me souviens en particulier d'un acoustique en août qui avait pour moi redoré le blason un peu terni de nos païens.
Leurs compositions se sont montrées un peu inégales et malheureusement ils ont parfois sombré dans le mercantilisme. Heureuse de voir qu'ils arrivent encore à prouver qu'au delà de cette grosse machine à sous ils étaient avant tout, et demeurent encore parfois, des auteurs-musiciens de talent.
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