Avoir de la personnalité. Une identité. Une aura définissable entre mille.
C’est ce qu’on attend, ce qu’on désire et veut d’un groupe qui s’impose avec le temps comme l’un des plus imposants et importants de sa génération. Mais cela peut avoir des revers...le prisme se retourne et l’on remarque rapidement qu’avoir une identité marqué peut rapidement se révéler à double tranchant quand cette dernière n’évolue pas.
Tout a presque déjà été dit dans ces pages sur
Dagoba. Parti de rien dans les troquets de
Marseille avec une envie de détruire le monde et deux premiers opus marquants, notamment "
What Hell Is About" qui explosa à la face d’une scène française alors en pleine effervescence. Si
Gojira avait déjà une très longue longueur d’avance avec la sortie de "From Mars to
Sirius",
Dagoba se plaçait juste derrière et démontrait qu’ils pouvaient viser très haut.
La sortie du très controversé "
Face the Colossus", toujours sous la houlette d’un Tue Madsen qui offrait une production que plus jamais les français ne surpasseraient, est un élément non négligeable de l’évolution suivante du groupe. Effectivement, conscient que les fans n’étaient pas des adorateurs du changement, ils décidèrent de revenir aux sources et, depuis, de continuer inlassablement dans cette même voie sans prendre la peine de proposer de nouvelles choses. Résultat ? Le groupe n’a jamais été aussi populaire.
"
Poseidon", malgré sa faiblesse, permit au groupe de partir sur les routes européennes et "
Post Mortem Nihil Est", s’il était bien mieux peaufiné et vindicatif sans pour autant transcender grand monde, fit exploser le groupe aux Etats-Unis d’où ils revinrent couverts d’une notoriété nouvelle (merci Logan Mader). Dans un tel contexte, il est donc évident que "
Tales of the Black Dawn" n’arrivait pas pour changer la donne.
Même équipe, nouveau guitariste désormais bien installé, toujours Logan Mader aux manettes et un style qui n’est plus à présenter. Le constat est sans appel.
Dagoba fait du
Dagoba, en est fier (il a raison) et se reconnait désormais dès le premier titre. Symbole d’un style désormais bien à eux mais aussi d’un manque de renouveau évident, d’un groupe qui, après six albums, ne délivre déjà plus aucune surprise et ne semble pas avoir envie de s’aventurer beaucoup plus loin sur le terrain de la musicalité. Si on a souvent comparé les travaux récents des marseillais à
Machine Head, ils ne partagent en aucun cas ce goût du risque et de l’innovation des américains.
Visuellement, l’artwork très sobre (et un peu laid il faut le dire) de "
Tales of the Black Dawn" tranche radicalement avec la vision sublime du précédent opus, œuvre d’un
Seth Siro
Anton qui sortait un peu de son domaine de confort. Ce côté sombre aurait pu être le point de départ de l’album mais globalement, ce nouvel essai se rapproche beaucoup des deux derniers albums, avec parfois des plans sensiblement plus extrêmes, notamment dans les riffs qui ne sont pas loin de se rapprocher du véritable death metal parfois. Shawter a également pris l’habitude de placer des refrains en clair désormais à quasiment chaque titre, rendant le résultat parfois téléphoné tant il est prévisible (c’est évident sur le refrain de "The Sunset
Curse" qui est un titre autrement très extrême).
Le problème provient de cette sensation beaucoup trop envahissante de déjà entendu dès la première écoute. "Halm
Dawn Life", "Eclipsed" et "
Born Twice" s’enchainent sans frissons, sans étincelles ni réelle fureur tant le calcul semble partout.
Heureusement, "The
Loss" forme une belle coupure avec le retour d’éléments industriels complètement oubliés jusque-là. Le chant clair de Shawter surprend, Franky propose autre chose qu’une double pédale frénétique certes impressionnante mais lassante et surtout, les riffs tranchent radicalement avec le reste, vrillant le crâne. Si le chant clair manque un peu de justesse (vraiment limite sur le début du refrain), il ne fait que renforcer une certaine vérité, une imperfection humaine et pleine d’émotions qui manque beaucoup dans ce monde calibré et préfabriqué qu’est devenu
Dagoba. "
Sorcery" plonge lui dans un univers plus mystique dont le groupe n’est pas familier mais qui fonctionne plutôt bien, usant de hurlements plus bestiaux que d’habitude qui évoquent une rage primaire et animale. Les riffs y sont également plus tranchants et radicaux, notamment sur les couplets. "O,
Inverted World" termine cette parenthèse enchantée (ou apocalyptique, rayez la mention inutile) et démontre que Shawter peut hurler avec ses tripes une véritable haine sortant véritablement des sentiers battus. Z y propose des harmonies de guitares malsaines et jubilatoires, dépeignant un chaos jouissif dont on ne souhaiterait jamais sortir. C’est pourtant brutalement que
Dagoba nous assène un "
The Dawn" fade au possible laissant ressurgir ces riffs passe-partout et ce refrain en clair typique d’un metalcore américain dont on aimerait voir le groupe s’éloigner le plus vite possible.
"
Tales of the Black Dawn" un mauvais album ? Tout dépend de ce que vous en attendez. Il n’est intrinsèquement pas mal fait et possède même beaucoup d’arguments pour lui. Une identité marquée, une production carrée (même si identique à celle des centaines d’autres groupes produit par Mader...), une puissance destructrice pour le live et un potentiel technique indéniable. Les adeptes de mosh-part, de metalcore ou de musique agressive seront aux anges et ne devraient pas bouder leur plaisir. Les autres, dont je fais et ferais probablement toujours partie, resteront déçu de capacités à mon sens inexploités d’un groupe préservant un confort rassurant plutôt que se mettant en danger pour avancer. Chacun verra midi à sa porte et ce n’est peut-être pas plus mal comme ça...
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