La fin d’un cycle.
On pouvait, légitimement, penser que cette fois-ci, l’homme avait trouvé son fidèle lieutenant, son coéquipier de toujours. Ne tarissant jamais d’éloges à son sujet, toujours enclin à affirmer qu’il était le musicien le plus talentueux avec lequel il avait collaboré (et c’est peu dire qu’ils sont nombreux), il semblait désormais graver dans le marbre que Dave Padden serait une figure liée à
Annihilator au même titre que Jeff Waters, ce dernier allant même jusqu’à dire que le groupe appartenait désormais aux deux hommes. Mais comme souvent avec le canadien, tout fout le camp…
L’annonce fut une déception pour un certain nombre de fans qui avaient trouvé en Padden le chanteur idéal d’un groupe les ayant cumulés depuis ses débuts. La sortie de "
Feast" il y a deux ans avait même été l’occasion de réenregistrer moult classiques du groupe avec lui au chant afin de démontrer que, outre sur les morceaux récents, il était définitivement devenu l’identité vocale d’
Annihilator et qu’il faisait de plus facilement oublier ses prédécesseurs, les surpassant même facilement en live.
Officiellement, Dave Padden en décida autrement et quitta le navire pour de traditionnelles divergences personnelles, des tournées devenus trop prenantes mais le maitre à bord ne semble pas forcément y croire. La vérité ne sera probablement faite que plus tard, si, peut-être un jour, l’homme revient au bercail. En attendant, le
Annihilator nouveau n’a plus grand-chose d’un groupe car, mis à part les photos promos dévoilant un line-up une fois de plus complètement remanié (à part Mike Harshaw à la batterie), c’est bien Jeff Waters qui a presque tout fait sur ce disque. Les guitares, la basse, le mixage, le mastering, la production…tout est passé entre ses mains…et sa voix ! Puisque oui, Waters a décidé, faute de mieux, de se replacer derrière le micro car, de son propre aveu, on est finalement jamais aussi bien servi que par soi-même. Néanmoins, il est le premier à dire que sa technique est minimaliste et que ses idoles sont bien meilleures que lui…bref, la vie du groupe et ses motivations semblent floues au moment de sortir ce "
Suicide Society" dont on ne sait finalement pas quoi attendre.
La réponse sera rapidement claire et nette. Rien.
Parler d’un retour en arrière ne serait même pas exact puisque le canadien a déjà fait bien mieux par le passé et que, loin d’un retour aux sources, "
Suicide Society" ressemble plutôt à un amoncellement de chutes de studio n’ayant jamais été utilisé par le passé (on aurait presque préféré que ce soit le cas, ça ne nous aurait pas obligé à écrire que Waters n’a pas su écrire de titres intéressants pour ce nouveau disque).
Sans exagérer et en observant ce que le groupe a réalisé depuis "
All for You" et l’arrivée de Padden au chant,
Annihilator n’avait jamais paru aussi fatigué et trempé dans le formol que sur ce disque portant bien mal son nom et beaucoup moins vindicatif qu’il pourrait le paraitre. Excepté "
Metal" qui ne surfait que sur sa vague monstrueuse de guests mais qui ne proposait pas grand-chose musicalement, on est bien loin de la fureur d’un "
Schizo Deluxe" ou "
Feast" ou de la rugosité old school de l’éponyme de 2009. "
Suicide Society" est juste un
Annihilator sans hargne, sans inspiration et sans âme.
Il est inévitable d’aborder le sujet en premier mais le gros point noir est indubitablement le chant de Jeff qui ne colle absolument pas. Si ce dernier avait fait un boulot admirable sur le génial "
King of the Kill" ou le schizophrène "
Remains" (qui ressemblait plus à du
Nine Inch Nails copulant avec
Therapy ? mais ceci est un autre débat), il semble littéralement à la ramasse ici. Jamais tranchant, enchainant les lignes mélodiques souvent médiocres et pleine de vocodeur ou d’harmonies douteuses, il ne s’en sort pas mieux sur les passages très calmes qui pullulent sur l’album comme des plaques d’eczéma. Là où Jeff avait proposé sur "
Feast" des passages innovants et presque expérimentaux (la voix de Padden y jouant beaucoup puisque il était capable de tout chanter), il multiplie les passages en guitare clean et acoustique mais sans émotion ni passion. Que ce soit cette intro incroyablement molle de "
The One you Serve", l’ouverture vocale horrible de "Snap" évoquant un Queen cancéreux et partant ensuite dans un délire bluesy tellement éloigné du génie d’un "No
Surrender" (sur l’opus précédent) ou "Break, Enter" qui fleure la fatigue et le manque d’inspiration, on a complètement la sensation d’être face à un groupe en pleine doute (ou plutôt un homme en plein doute), ne sachant plus dans quelle direction aller et ne voyant même pas lui-même ce qu’il compte faire de son album.
Là où l’on peut parfois louer la diversité et l’expérimentation, "
Suicide Society" s’enfonce dans une profusion d’idées inachevées et n’allant pas ensemble. Jeff a bien tenté, parfois, de se rassurer en composant des morceaux tout ce qu’il y a de plus traditionnel mais il y a, là aussi, peu de chance que l’on se réveille la nuit pour les écouter. Le titre éponyme souffre de lignes vocales pas forcément très gracieuses malgré un riff intéressant et tordu, même si souvent disséminé dans d’autres riffs déjà joués par le canadien une palanqué de fois. L’introduction de "Creepin
Again" gâche malheureusement le plaisir d’un des meilleurs morceaux du disque (complètement inutile de plus, comme si Jeff devait placer de l’acoustique pour lancer ses titres), furieux et tranchant et permettant d’entrevoir des possibilités acceptables du leader au chant (on croirait presque entendre Hetfield parfois) puisqu’il s’en sort bien mieux ici, proposant même un refrain facilement identifiable qui pourrait faire mouche en live. A l’inverse, il essaie avec "Every Minute" de refaire le coup de "One Falls,
Two Rise" mais sans la grâce de Padden ni l’ingéniosité musicale du titre en question, malgré un très beau solo central.
C’est donc un homme en perdition qui livre un album extrêmement décevant pour un groupe qui était pourtant revenu au sommet de sa forme depuis quelques années, autant en studio que scéniquement. On ne pourra même pas se reposer sur ces acquis actuellement puisque les dernières prestations du combo se révèlent catastrophiques (voire inexistantes, comme au Alcatraz Festival où le groupe n’a même pas joué deux titres) et ne rassurent absolument pas pour le futur. Difficile de savoir où va donc aller Jeff dans cette situation mais ce n’est clairement pas pour "
Suicide Society" qu’on se souviendra de cette année concernant
Annihilator. Un album à oublier, que les fans possèderont pour la collection mais dont les autres se désintéresseront bien vite.
Triste pour un nom de cette envergure.
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