Cela fait déjà plus de quinze ans que
Staind existe. Oh oui, quinze longues années, ça ne nous rajeunit pas tout ça.
Staind, c'est une ascension irrésistible dans la sphère du néo metal : à chaque nouvelle escapade musicale, les Américains n'en finissaient plus d'exercer leur suprématie sur les charts, aussi bien dans le milieu du metal qu'en dehors.
Staind écrasait tout sur son passage, forts de quinze (!) millions d'albums sauvagement dévorés par des fans hystériques...
Mais plus on s'enfonce dans le tourbillon dévastateur du succès, plus difficile il devient d'éviter l'impitoyable formatage qu'il implique... Et la bande à Aaron Lewis n'a pas évité ce piège. De la dérangeante pochette de «
Tormented » aux ballades insipides de «
The Illusion of Progress », il y a un trou béant, un abîme colossal, représentant un groupe malade, vieillissant, comme frappé d'une amnésie générale qui semblait véritablement inguérissable...
Qu'attendre alors de cet album éponyme ? Peut-on vraiment encore faire confiance à un groupe qui ne semble plus intéressé que par la course aux charts ? En outre, on notera, symboliquement, le départ du batteur d'origine Jon Wysocki : le bonhomme aurait-il quitter le navire avant un inévitable naufrage ?
…
Arrêtons la spéculation, et cherchons à savoir si
Staind n'est vraiment plus qu'un cadavre moribond, pâle et insignifiant reflet de la toile musicale qu'il essaie encore de maintenir en vie...
Le pitoyable «
The Illusion of Progress », sorti en 2008, avait ruiné les espoirs de nombreux fans : on se retrouvait avec un album inefficace, sans aucune personnalité, dénué de toute fougue, de toute puissance d'évocation... L'album ne se présentait ni plus ni moins que comme une niaiserie.
Autant dire que l'on risque d'être très surpris à l'écoute du premier titre de cette nouvelle galette, «
Eyes Wide Open » : on retrouve un Aaron Lewis surpuissant, avec une voix à la fois tremblante et tout d'un coup emplie d'une rage incommensurable ; la basse s'évertue enfin à sortir de son poste de figuration et instaure une rythmique épaisse ; aucun doute n'est possible,
Staind s'est décidé à rejouer du néo metal.
L'intro de « The
Bottom » nous ramène à l'époque de l'album «
Dysfunction », alors que « Paper
Wings » transpire la violence, une violence que l'on retrouve d'ailleurs au travers des paroles marquées par un pessimisme typique des débuts du groupe.
Un équilibre musical daigne enfin se faire entendre, il en est bel et bien fini de la saturation mélodique mielleuse, bien que cela ne signifie pas que le groupe se soit résigné à nous faire entendre des refrains imparables, il n'y a qu'à jeter une oreille sur «
Not Again » ou encore « Failing », de véritables tubes en puissance.
Avec un morceau comme « Wannab e » on change complètement d'univers, un couplet qui sonne très fusion alors que le refrain rock ne cessera de parasiter votre esprit dès la première écoute.
Staind peut en outre se vanter de nous livrer une musique bicéphale car, et ce, pour la première fois, le mélange entre influences rock et metal est presque parfait et cette complémentarité confère une consistance permanente à l'opus, maintenant l'auditeur en perpétuel état d'alerte, se demandant quelles irrésistibles sonorités vont bien pouvoir asséner ses pauvres oreilles innocentes. « Paper
Wings » ou encore « Take A Breath » représentent cette justesse, cet équilibre millimétré, alternances d'ambiances, de rythmiques, de savoureux balancements couplet/refrain, qui font de cet album un inépuisable réceptacle de sensations agréables.
On ne peut pas passer à côté de la présence d'intertextualités musicales, on repère, par exemple, des similitudes avec
Seether ou encore
Godsmack. Des références de qualité dans le domaine de l'alternatif/néo, qui souligne l'évolution positive de
Staind. Certes, on peut aussi suggérer que
Staind fait du plagiat, que l'originalité de l'oeuvre n'est pas transcendante mais, très honnêtement, au vu des dernières sorties du milieu (et je pense plus particulièrement au dernier rejeton de
Seether, qui marque une panne d'inspiration étonnante), la bande à Aaron Lewis n'a pas de quoi avoir honte.
Néanmoins, cet album éponyme n'est pas sans posséder quelques imperfections, à l'instar du pré-solo de «
Not Again », assez éparpillé et mollasson, ou encore le dernier morceau « Something To Remind You », ballade assez dispensable qui, malheureusement, clôt l'album, ce qu'aurait bien mieux fait le pénultième morceau « Paper
Wings ».
Mais ce n'est qu'une bien mince poignée de détails par rapport à la régularité insolente de l'oeuvre, à ses titres aux mélodies inévitables, à cette brutalité retrouvée.
Cet album éponyme est une franche réussite et balaye toutes les critiques qui fleurissaient de part en part à propos du futur néfaste du groupe. Bien entendu,
Staind ne révolutionnera pas le genre, mais après presque quinze ans d'existence, ce n'est certainement plus leur ambition première.
Ce qui importe prestement, c'est d'avoir retrouvé le
Staind ravageur et efficace du bon vieux temps. Sortis de leur long sommeil comateux, les Américains reviennent sur le devant de la scène d'une façon aussi triomphale qu'inattendue !
Je préférerai toujours Break The Cycle pour le côté affectif mais cet éponyme s'approche plus du métal et enchaîne les tubes. Un vrai plaisir.
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