"Si la musique nous est si chère, c'est qu'elle est la parole la plus profonde de l'âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur." nous a dit Romain Rolland dans son livre Musiciens d’autrefois en 1908. Une citation qui, pour ma part, se relève être tout à fait vraie
même si elle semble également valable pour n'importe quel type d'art.
Et c'est pour ça que la musique est si variée, c'est l'envie et le désir d'artistes venant du monde entier de partager ce qu'ils ont composé afin de le faire apprécier par le plus grand nombre. Mais malheureusement, la réalité veut que certains s'aventurent dans un univers
qu'ils ne maîtrisent absolument pas pour nous pondre des œuvres affreuses. Avec cette citation, Rolland nous parle de la culture musicale précédant une grande période qui est le romantisme, époque triomphante de son temps (XVIIe et XVIIIe siècle) mais surtout de l'histoire de l'évolution des formes dramatiques sur ces deux siècles.
Et c'est à partir de cette simple parenthèse que nous allons parler d'
Igorrr. Son nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, ce prodige français a déjà parcouru un chemin inimaginable en ayant poussé à son paroxysme le metal expérimental et le concept de breakcore,
un terme assez difficile à décrire puisqu'il mélange différents genres tels que la musique industrielle, la techno hardcore ou encore du drum and bass. Mais Nicolas Chevreux, le fondateur du label de musique électronique Ad Noiseam, nous décrit le breakcore comme étant du punk, du "allez vous faire foutre" (oui oui, il a réellement dit ça!) et qui fout un coup de poing dans la gueule (beaucoup de poésie dans ses propos). Il pense également que celui-ci restera underground (peu connu), faute à des genres électros qui ont du succès, comme David Guetta ou Skrillex, et qui sont totalement en inadéquation avec les principes du breakcore.
Revenons à nos moutons et parlons désormais de ce nouvel opus : "
Savage Sinusoid". La sinusoïde sauvage. Pour rappel (ou pour ceux qui ne savent peut-être pas), une sinusoïde est une courbe périodique représentative de la fonction trigonométrique (sinus) pour la représentation des phénomènes vibratoires. Sauvage prend, pour ma part, un sens un peu différent de son utilisation basique puisqu'il signifierait la solitude et la distance, peut-être pour définir une image d'
Igorrr comme étant un être unique et indomptable. Certains y verront vraisemblablement une créature cannibale et sanguinaire. A vous de vous forger votre propre interprétation.
Avant de vous parler de cette étrange pochette, une très grosse nouveauté est présente sur cet album et il concerne la production des enregistrements. De base sur le label Ad Noiseam, le quatuor a décidé cette fois-ci de viser bien plus haut en signant avec le label
Metal Blade Records. Nous pouvons noter également la présence du groupe sur la scène de Clisson pour la première fois de sa carrière: une énorme performance mêlant puissance et douceur, un accomplissement peut-être un peu court, mais qui mérite vraiment le coup d’œil (et d'oreille).
En ce qui concerne la pochette, nous restons sur le même thème de l'anatomie et du corps humain avec ces bras qui se mêlent afin de créer une sphère. Difficile de comprendre celle-ci, elle peut évoquer l'aspect ravageur d'
Igorrr, qui emporte tout sur son passage, du rentre-dedans en somme, elle peut également évoquer ces fameuses sinusoïdes assez irrégulières montrant cette facette du "je fais ce qu'il me plait" de nos Français ou encore, elle est capable de faire penser au côté très marqué de l'expérimentation avec ces artworks (qu'on se le dise) très originaux. Là encore, je laisse libre court à votre imagination.
Parlons musique si vous le voulez bien.
Igorrr a été considérablement influencé par divers compositeurs et groupes tels que
Meshuggah, Chopin,
Cannibal Corpse ou encore Bach. Oui, en effet, ces artistes n'ont rien à voir entre eux et c'est ce qui fait le charme incontestable de nos valeureux Français. Depuis quelques années,
Igorrr est devenu un collectif plutôt que le travail d'un seul homme mais reste toujours très difficile à cerner, voire à apprécier.
"J'ai juste envie de faire la musique que j'aime, sans me demander si cela va être trop ou trop loin de ce que les gens aiment. Je veux faire de la musique qui a du sens pour moi, sans aucune restriction, comme une grosse partie avec des metalleux, des fans d'électro, des têtes classiques et baroques et des violonistes gitans, qui se joignent pour apporter le meilleur de tous les genres" sont les propos de Gautier Serre, le multi-instrumentiste du quatuor. Pour la réalisation de
Savage Sinusoid, Serre a invité deux vocalistes, Laurent Lunoir et Laure le Prunenec, mais pas seulement car beaucoup de collaborations ont été réalisées. Nous retrouvons Travis Ryan, leader de
Cattle Decapitation sur pas moins de trois titres, "Cheval", "Apopathodiaphulatophobie" et "Robert". Un élément qui ne passe pas du tout inaperçu, friands de grosse têtes que nous sommes.
Igorrr est devenu en quelque sorte, un magicien des émotions : en l'espace d'une poignée de secondes, il est à même de nous faire passer du fou rire aux pleurs. Il a, de plus, cette aisance incommensurable à varier les différents styles musicaux et à y insérer des échantillons musicaux tels que des morceaux de jazz ou encore de death metal. "Viande" en est un parfait exemple avec ces cris de souffrance, ces aboiements de chiens enragés et ces riffs qui vous arracheront le cœur. "ieuD" se voit plus poétique et plus dramatique avec cette introduction baroque et puis cette batterie dévastatrice parsemée de musique électronique. "Houmous" et "Cheval" se montrent très réjouissantes avec un accordéon et un saxophone très dansants, finalisé par des sonorités 8-bits, qui pourraient faire penser à un niveau bonus d'un Super Mario pour l'un, et avec l'accordéon et les guitares de style espagnol donnant chaleur et bonheur pour l'autre. Vous aurez le droit à des moments de répits et de classique avec "Problème d'émotion" et "Spaghetti Forever", même si ce dernier sonne beaucoup plus industriel et drum and bass. "Robert" se révèle ressembler à un morceau de notre cher Skrillex, à savoir Scary
Monsters And Nice Sprites. "Va te foutre" présente le gros point noir de l'album : répétitif, barbant et sans aucun intérêt. Enfin, "Au Revoir" est sans doute ma piste préférée mais aussi la plus accessible de cet album, sonnant également plus metal que les autres malgré son introduction baroque.
Beaucoup de mots ont déjà coulé et pourtant, j'ai l'impression de n'avoir quasiment pas parlé de cet album. Ce que je peux vous dire, c'est que ce "
Savage Sinusoid" doit être écouté et vécu. La première écoute vous repoussera sans aucun doute mais la deuxième vous fera comprendre combien
Igorrr explore l'art de la musique et dépasse ses frontières. C'est un peu le
Mike Patton à la française: difficile d'accès, cassant les codes du conventionnel et proposant des musiques complexes et imprévisibles. Et c'est ça qu'on apprécie: le changement, c'est maintenant !
Toutes les chroniques sont les bienvenues, à vos plumes!
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