Amen

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16/20
Nom du groupe Igorrr
Nom de l'album Amen
Type Album
Date de parution 19 Septembre 2025
Style MusicalMetal Expérimental
Membres possèdant cet album22

Tracklist

1.
 Daemoni
 04:09
2.
 Headbutt
 03:44
3.
 Limbo
 04:40
4.
 Blastbeat Falafel
 03:14
5.
 ADHD
 04:33
6.
 2020
 00:12
7.
 Mustard Mucous
 03:05
8.
 Infestis
 05:26
9.
 Ancient Sun
 04:00
10.
 Pure Disproportionate Black and White Nihilism
 03:50
11.
 Étude n°120
 01:30
12.
 Silence
 05:46

Durée totale : 44:09

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Igorrr


Chronique @ Groaw

22 Septembre 2025

À la fois aboutissement et confession, Amen réunit les facettes d’Igorrr dans une messe plus sombre que jamais

Oubliez les cases, les étiquettes ou encore les tiroirs bien rangés lorsque l’on parle d’Igorrr. Porté par son créateur Gautier Serre, le désormais quintet est un véritable laboratoire sonore qui mélange des fioles qui paraissent incompatibles : un pincée de baroque par-ci, une louche de breakcore par-là, des cris de volailles, quelques parfums d’accordéon et de musette et une grosse tranche de death metal pour des rendus parfois loufoques, parfois déprimants, parfois dansants, parfois un peu des trois mais toujours surprenants et excentriques.

Seuls maîtres de ces recettes explosives, les premières ébauches furent pourtant menées à l’aveugle. En effet, Poisson Soluble (2006) et Moisissure (2008) ont été des expériences chimiques menées sans blouse ni lunettes de protection. Certes fascinantes, ces solutions se sont montrées vite instables, parfois irritantes. Les fulminations contrôlées arriveront avec Hallelujah (2012) et Savage Sinusoid (2017), deux manifestes jubilatoires où chaque produit musical servait de cobaye volontaire, deux points culminants d’une recherche et d’une synthèse magistrale où tout tenait debout contre toute logique scientifique. Mais avec Spirituality And Distorsion, bien que l’exploration se poursuive avec quelques fulgurances et une atmosphère assez morose, on la sent moins radicale comme si nos spécialistes en herbe avaient perdu de leur folie originelle.

Cinq ans après Spirituality and Distortion, notre drôle de troupe revient avec Amen. Ce septième album parvient dans un certain sens à retrouver la formule d’une fantaisie égarée. Néanmoins, cette étrangeté s’avère bien plus trouble, bien plus neurasthénique qu’à l’accoutumé comme si les Français avaient avalé un clown de travers ou comme s’ils avaient mûri avec le temps. Car ce qui frappe sur cette nouvelle esquisse, c’est cette violence extrême déjà perceptible sur le précédent opus mais davantage appuyée ici et cette ambiance globale à la fois pesante, solennelle, voire cérémoniale par moments.

Ce climat inhospitalier et maussade est dû en grande partie à un travail sur la production assez exceptionnel et inédit. En effet, sur plusieurs morceaux comme Infestis, Headbutt ou Limbo, des chœurs ont été enregistrés dans une église pour accentuer un aspect aussi mystique qu’inquiétant. L’utilisation d’instruments exotiquement cafardeux participe également au côté froid du tableau à l’instar du dungchen, ce long cor tibétain joué lors de l’introduction du titre Infestis ou encore du saz, un luth à manche long originaire de Turquie que l’on retrouve sur une grande partie de Blastbeat Fallafel. Les effets de distorsion ne sont pas en reste et intensifient aussi ce souffle hostile et intimidant comme par exemple vers la fin d’Headbutt.
Au-delà de son baroque, breakcore et death habituel, la formation apporte en plus une nouvelle forme de virulence par des inspirations black metal et par des riffings aigus agressifs, largement mis à contribution sur Infestis ou au contraire plus discrets sur Pure Disproportionate Black & White Nihilism.

A l’opposé, des interludes et des titres animés offrent quelques rayons de lumière au milieu d’un ciel bien menaçant. C’est le cas d’un Blastbeat Falafel où la participation de Trey Spruance (Mr. Bungle) expose un courant oriental assez entraînant et presque réconfortant. Dans un registre radicalement différent, ADHD, un des rares morceaux qui n’est pas du metal, affiche un visage bien moins sérieux et complètement absurde grâce à ses sonorités rocambolesques. Malheureusement, c’est aussi la composition qui viendra quelque peu briser de façon abrupte le spectre dramatique et lugubre du disque. Mustard Mucous rattrapera néanmoins le coup rapidement grâce à sa flûte déjantée, son influence drum’n’bass et ses divers effets électroniques. La présence de Scott Ian (Anthrax) permet d’introduire une impulsion thrash peu traditionnelle pour nos musiciens avant que le morceau se termine par un énorme et puissant breakdown.

Les prestations vocales de Laure Le Prunenec sont désormais remplacées par celles de Marthe Alexandre et font surtout leur grand retour sur cette septième œuvre après avoir été très discrètes sur le précédent décor, pour notre plus grand bonheur. La nouvelle chanteuse aura même une place de choix sur plusieurs chansons où elle sera l’interprète principale, voire l’unique artiste. Le morceau de clôture Silence est l’archétype même de son savoir-faire, une mélodie toute en délicatesse par ses notes de piano, une musique dans un registre plutôt classique/baroque avant l’arrivée des échantillons, kicks et autres breaks électroniques. Malgré un aspect expérimental assez exagéré, les touches de piano, le chant d’opéra et le grand final très cinématographique n’altèrent finalement pas réellement la tristesse et la sensibilité dégagée par tout cet ensemble brillant.

Amen est le nouveau protocole du grand laboratoire musical d’Igorrr, une formule instable, corrosive, fumante et dangereuse à chaque instant. C’est dans ce déséquilibre que réside le génie du quintet : à la fois funeste, rageur et cérémonial, ce septième essai s’éloigne du carnaval déjanté d’un Savage Sinusoid pour renouer avec la radicalité expérimentale de ses débuts, tout en poussant encore plus loin la gravité déjà perçue sur Spirituality and Distortion. Véritable disque charnière dans la discographie du collectif français, celui-ci ne cherche plus seulement à éblouir par le chaos mais à imposer une atmosphère, presque un poids, une vérité sombre. On n’en sort ni indemne, ni inchangé et c’est exactement ce qui nous pousse à y retourner.

7 Commentaires

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Bakounine - 26 Septembre 2025:

Bon, ben ta chronique et la discussion avec Molick m'a tellement inspiré, que j'ai fait la mienne, également... Je dirais avis probablement complémentaire du votre, à savoir que j'avais paradoxalement plutôt un peu laché le combo (sur les deux derniers albums qui l'ont fait exploser, qui en mon sens étaient déja sages, par rapport à Hallelujah et avant) et que cet album me redonne de l'intérét.

Juste petite précision ; Aphrodite Patoulidou a juste assuré l'intérim live, et sur Spirituality and Distortion (déja 2020...) c'était encore Laure Le Prunnenec qui était derrière le micro (avec Laurent Lunoir)

Groaw - 26 Septembre 2025:

Coquille corrigée, je te remercie pour la lecture :)

Molick - 27 Septembre 2025:

@Bakou : oui on peut dire qu'Amen prend une direction plus "assumée", moins hésitante entre un passé expérimental et un présent résolument métal, par rapport aux derniers (même si Savage Sinusoid se défendaient plutôt bien) qui avaient le cul coincé entre 2 chaises. Je trouve très pertinent ta remarque sur le fait qu'en devenant un vrai groupe avec des membres réguliers, il fallait souvent trouver des parties pour chaque membre. Je pense que justement que j'ai commencé à décrocher quand je me suis rendu compte en les écoutant que la majeure partie des albums récents était tenue par un vrai batteur. Cela mettait fin à la folie rythmique et à l'absence de contraintes, il fallait maintenant qu'un batteur puisse "jouer" en live sur les titres sous peine de s'ennuyer, et pareil pour le second guitariste (rien que de dire qu'il y a potentiellement 2 guitaristes en live ça me choque tant la guitare électrique n'était qu'un instrument parmi tant d'autres).

@Groaw : oui on est clairement sur 2 optiques différentes. En plus j'ai découvert Igorrr au moment où je m'immergeais dans la scène IDM (je ne connaissais guère qu'Aphex Twin), donc je suis très attaché à sa partie breakcore. En lisant la chronique de Bakou, je me rends compte qu'il me manque cet aspect melting pot, où chaque morceau correspondait à une orientation différente (le morceau classique lyrique/électro, le morceau brutal musette, le morceau ithurgique, le morceau breakcore, ...). Mais effectivement, si je m'y retrouve moins, d'autres y trouveront plus leur compte, et c'est cool parce que c'est un groupe qui mérite la reconnaissance. Je suis juste frustré que la reconnaissance n'arrive que depuis 2 albums.

J'espère juste que les futurs albums continueront à explorer de nouvelles voies.

 

 
Madness77 - 30 Octobre 2025:

J'ai eu beaucoup de mal à accrocher c'est beaucoup trop expérimental pour moi alors certes il y a une volonté de décontenancer l'auditeur et de ce point de vue c'est réussi après ce n'est le genre de musique que j'apprécie le plus dans le genre indus je préfère un peu plus d'accroche là au bout du compte on ne retient rien malgré des passages death-grind-black de bonnes qualités. 

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Chronique @ Bakounine

26 Septembre 2025

Probablement, le summum de la seconde partie de carrière d’Igorrr, comme l’assomption d’un choix.

Ah, Igorrr, que voilà un artiste, dont la carrière musicale ne fait qu’exploser au rythme des années.
Pour autant, on ne peut que constater une réelle évolution progressive même si j’avais conservé quelques réserves sur certains aspects de leur évolution notamment sur leurs deux derniers albums. M’inscrivant plutôt dans une démarche d’amateur historique de l’œuvre de Gauthier Serre, que j’ai « poncé » bien avant la hype, et ayant un ressenti complémentaire de la chronique de Groaw et du commentaire de Molick sous-jacent, je me suis dit qu’une seconde chronique sur une œuvre aussi complexe et aussi charnière dans la carrière d’un groupe aussi impactant et controversable, pouvait faire sens.

Pour replacer les choses, je suis un aficionado assez historique de Gauthier Serre et de l’œuvre d’Igorrr, dont je ne pouvais pas tout à fait anticiper l’explosion, en dehors de la diversité des têtes et profils du public présent à la Java en Mai 2012, la première fois que j’avais enfin pu profiter de sa musique en concert. En effet, des punks, des métalleux (déjà) ainsi que des hipsters, du bobo rigolo, tous venus s’abreuver à la musique d’un homme à l’époque seul derrière ses platines, qui était tellement peu programmé pour devenir bankable, qu’il avait dû venir avec quinze CD, trois vinyls et dix T-shirts, bien sûr très vite épuisés…
Le fait est qu’à l’époque, Igorrr loin du phénomène remplissant la salle Pleyel et jouant bientôt à l’Olympia, était pour moi, avant tout, le side-projet de Gauthier Serre, un des deux gars de Whourkr, combo d’electrogrind marquant pour l’époque, et résonnait plutôt comme l’un des éléments d’une scène avant-gardiste française naissante et prometteuse, assez consanguine, puisque tout le monde faisait des apparitions guests chez tout le monde, incluant pêle-mêle et entre autres ÖxxÖ XööX, dont le couple de chanteur, fera les belles heures du début d’Igorrr en live, Pryapisme (dont on regrette de n’avoir plus de nouvelles), Vladimir Bozar’n’ze Sheraf Orkestär (dont le second album est annoncé depuis plus de dix ans…) et City Weezle (dont la renommée a tellement explosé que je viens de mettre à jour leur page sur SoM en y ajoutant le second album sorti en 2020), tout ce petit monde formant grossomodo les guests présents sur Hallelujah, l’album transitionnel entre ce qui représente selon moi les deux carrières d’Igorrr.

Et en effet, si on prend ce qu’Igorrr avait fait avant et jusqu’à Hallelujah, sur ce qui pour moi demeure l’âge d’or en terme de composition de sa carrière, le paramètre déterminant était que sa créativité ne souffrait pas des barrières obligatoires du fait de tourner en concert avec un line-up, nécessitant de ménager des espaces à chaque musicien, et ne permettant pas de décider de remixer uniquement une contrebasse jazzy (« Tartine de Contrebasse » sur « Poisson Soluble » ), une étude de Chopin au piano ou du vieux ragtime (« Œsophage de Tourterelle » et « Brutal Swing » respectivement sur « Moisissure »), avec la liberté du poste de DJ exclusif qu’a par exemple Venetian Snares (principale inspiration d’Igorrr à l’époque).
Par la suite, donc il fallait y incorporer du riff de guitare, du scream, du chant lyrique féminin, du fait de cette contrainte liée à l’énergie live (pour lequel je n’aurais pas l’hypocrisie de nier l’importance dans l’émergence du groupe), avec quelques gimmicks, notamment les morceaux orientalisants.

Ainsi, j’avais ressenti une baisse dans la folie et dans ce qui m’intéressait dans la compo chez Igorrr sur « Savage Sinusoid », et plus encore sur « Spirituality and Distortion », ce qui faisait initialement que j’étais plutôt méfiant sur ce « Amen », ce d’autant que des questions se posaient : Comment le départ des éléments vocaux charismatiques qu’étaient Laure Le Prunnenec et Laurent Lunoir, allaient pouvoir être digéré ? (ce malgré le fait que JB Le Bail (ex-Svart Crown) et Marthe Alexandre avaient démontré qu’ils pouvaient assurer les parties en live).

Et bien, dès les premières écoutes, le constat tombera assez vite, Igorrr a pris la mesure de ce que sa nouvelle formule implique.
Si « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », et bien le passage d’un projet solo à un groupe à part entière nécessite également un enrobage différent pour soutenir au mieux les changements que cela implique dans la composition.
« Amen » possède d’ores et déjà un son assez massif, carré, puissant, n’éliminant bien sûr pas les dingueries et impuretés caractéristiques de l’œuvre de son créateur, mais mettant en avant une plus grande consistance et cohérence de l’œuvre en elle-même que ce qui fut par ailleurs la marque du projet auparavant, même si cela n’empêchera pas Gauthier de se faire plaisir avec par exemple, une note de piano joué à la pelleteuse (regardez le clip de « Headbutt »).
Ainsi, les riffs de guitare électrifié lourds, la voix relativement monolithique de JB, le chant lyrique, bien plus solennel que dérangé, tout cela concorde à faire d’Amen, une œuvre qui s’écoute d’un bloc et dont l’ensemble des pierres s’imbriquent comme dans un mur de son, porté par les arrangements electro qui prennent un tour plus efficace qu’étrange pour qui connait le groupe, ainsi que par la présence d’un vrai chœur et de la guitare acoustique de Nils Cheville (Pryapisme) qui reviennent régulièrement donnant de la continuité dans l’expérimentation, même si des moments « non-sens » persisteront à l’image de ce très court déchainement sur « 2020 », qui sera peut-être à Igorrr ce que « You Suffer » est à Napalm Death.

Cela ne se fait pas sans « sacrifice » par rapport aux processus connus de composition du passé, ainsi on aura moins cette variation entre les morceaux avec le « morceau italien », la « valse musette », l’electro pur, le morceau très métal avec le growleur invité.
Seule exception, le titre « arabisant », tenu ici par « Blastbeat Falafel » persiste et fait la part belle à l’ invités le plus marquant de l’album, Trey Spruance (Mr. Bungle, Secret Chiefs 3, John Zorn notamment), un des ténors de la scène rock metal avant-gardiste américaine des 90-2000, et dont la présence ici, renforce la caution « expérimental » de l’album, en venant jouer de différents instruments à cordes ethniques, là où l’apparition de Scott Ian d’Anthrax, bien que cohérente avec la ligne metal de l’album est plus anecdotique.

Au total, que retenir de cet « Amen ». A l’image de sa pochette, qui rappelle celle un peu d’Hallelujah et demeure résolument « metal » dans l’esthétique, Igorrr a désormais endossé son nouveau costume de force vive d’un metal electro joué en live, fondAmentalement expérimental, mais se donnant les armes pour en faire une force efficace, là où le début de sa carrière de groupe à part entière, tentaient de garder les ingrédients du début, muni de plus de contraintes qui grèvaient son expression.
Certains mettront inévitablement en avant une diminution de l’expérimentation pure et dure, et, si je ne peux mettre en terme de goût personnel, un album comme celui-là à la hauteur d’un Moisissure, Nostril ou Hallelujah, j’y vois plutôt le summum de la seconde partie de carrière d’Igorrr, comme l’assomption d’un choix, se présentant comme un vrai groupe de métal expérimental, et non plus comme un projet electro-geek un peu fou en voie de mutation vers du metal.
Et c’est tant mieux ?

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