Si les deux précédentes œuvres des Français de
Trust n'avaient pas fait l'unanimité tant elles s'éloignaient quelques peu de son
Hard Rock originel animé par une haine et une énergie grisante à l'esprit proche de ces mouvances Punk Rock, ce nouvel effort, sobrement intitulé Rock'n Roll, allait, quant à lui, définitivement faire consensus tant tous allaient, malheureusement, lui reconnaître des défauts rédhibitoires. Sans grande conviction, le plus illustre quintette hexagonal allait, en effet, nous offrir un album presque totalement dépourvu de cette ferveur et de cette rage qui fit sa légende. Un opus ne possédant, par ailleurs, pas davantage non plus de cette superbe technicité Heavy qui avait, en son heure, tant déconcerté les adeptes du groupe.
Pas plus d'ailleurs que de cette noirceur ambitieuse et conceptuelle qui avait caractérisé son précédent effort. Mais que restait-il alors du mythe de
Trust ? De la révolte de ce peuple fier qui avait suivi ces musiciens ? De l'envie ? De cette insurrection ? Rien qu'un
Hard Rock essoufflés aux accents Rock et Pop très prononcés propice à envahir les stations FM des radios populaires. De plus, signe des temps, crimes des crimes, sacrifiant son âme indocile au profit d'un esprit courtisé par ces forces obscures et commerciales, le groupe n'allait pas hésiter à agrémenter certains de ces titres de claviers pathétiques (Mongolo's
Land, Les Notables ou encore, par exemple, l'exécrable
Serre les Poings qui sans la prestation de Bernie pourrait très bien avoir été composé par Jean-Jacques
Goldman pour son opus Positif).
Le propos de ce nouvel effort manquant cruellement d'inspiration, ainsi que de cette âpreté minimum et essentielle, est, de surcroît, desservis par une production pour le moins fâcheuse dans laquelle les chants de Bernie sont nimbés d'un écho et d'une reverb qui gêne l'auditeur dans la compréhension du message véhiculé. Cela dit, ce traitement sonore est, à ce titre, sans doute un bien pour un mal puisque même la verve légendaire de ces artistes semble ici tarie. Les textes de ce manifeste sont, effectivement, pour la plupart, fades et insipides (Chacun sa Haine,
Serre les Poings...).
Toutefois, en un dernier sursaut, le groupe nous propose le superbe I Shall
Return (Je reviendrais) qui revient aux fondamentaux. Véhément et pertinent, en une expression cinglante, cette chanson traite de la guerre du Vietnam et de ses conséquences. Avec quelques autres cette plage offre un peu de tenue à une œuvre qui en manque cruellement (le sympathique
Paris, le désabusé et intéressant Surveille ton Look). Mais, au final, grand Dieu que c'est peu.
L'écart entre ce plaidoyer convenu, commercial et d'une rare inefficacité et entre ce premier album pleins de ressentiments, d'énergie et d'exaltation, est proprement vertigineux. En définitive il n'aura fallu que cinq ans pour éteindre les velléités les plus vindicatives et les plus salutaires de cette formation. Une chute presque inconcevable et pourtant réelle dont ce piètre Rock'n'Roll est l'ultime témoignage outrageant qui précipitera la fin du groupe. Du moins provisoirement.
Le virage avait déjà été amorcé avec Trust IV (Idéal par exemple que je ne peux toujours pas souffrir après toutes ces années) que j'aime beaucoup malgré tout, je pense notamment à Les Armes aux Yeux (quel texte!) et à l'ambitieuse face B (vinyle!), relecture réussie et immersive de La Damnation de Faust.
Ce Rock'N'Roll a été une véritable douche froide pour moi, j'y ai perdu le Trust rageur et énergique que j'aimais, la vindicte avait changé de ton et j'y suis resté sourd.
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