Je n'irai pas par quatre chemins : "
Phantasmagoria" signe enfin le grand retour de
Limbonic Art, après deux épisodes où la déception m'avait laissé un fort et déplaisant sentiment d'amertume.
"
The Ultimate Death Worship" et son titre prétentieux pour une (fausse) fin en queue de poisson … "
Legacy of Evil" où j'attendais la déflagration d'une supernova mais n'eut en retour que les paf-paf agaçants des pétards Fiesta Magic de mon p'tit n'veu … Deux témoignages d'un duo
Daemon /
Morfeus que je ne sentais plus du tout en phase et nettement en deçà des capacités qu'il avait démontré par le passé. Riffing à la massivité d'une vulgaire naine rouge, compositions à l'éclat d'un piètre objet substellaire, production et mixage aussi flottants et consistants qu'une nébuleuse, … l'univers black metal des norvégiens était devenu bien peu fascinant, pour ne pas dire carrément ennuyeux, et son inspiration s'était envolée en poussière d'étoiles.
Et comble du Big Crunch : comment y expliquer le mystère de l'arrangeur
Morfeus, si fantastique qu'il fut pourtant sur l’ultra-wagnérien "
Moon in the Scorpio", mais qui alla se perdre dans le trou noir de la médiocrité avec des bricolages de claviers aux placements hasardeux et péchant par des sonorités toutes droit sorties de la grande époque du Thomson TO8 ?!
En l’an 2010, le passé est bel et bien révolu et
Daemon a fait le choix d'aller de l'avant pour tenter de rééditer un Big
Bang créatif, quitte pour cela à virer son alter-ego et à dissoudre ainsi une association qui était depuis longtemps élevée au rang de légende. Le bonhomme ne s’est pas reposé sur ses acquis et bien lui en a pris. Prise de risque maximale, mais opération réussie haut la main. La rupture est aujourd'hui officielle mais à mon sens, elle fut depuis longtemps consommée.
Daemon a reconcentré son énergie pour réagglomérer les fragments qui voguaient à la dérive, mourants, pour en faire de nouveau un astre imposant paré d’une multitude de ceintures d’astéroïdes ravageurs évoluant dans un univers qui a renoué avec la grandeur et l’espace d'antan.
Limbonic Art a enfin retrouvé sa superbe après 11 ans d’errance. D’ailleurs, je rapprocherais ce "
Phantasmagoria" d'un certain "
Ad Noctum" : j'y retrouve la même intensité à dominante guitaristique, la même spontanéité et profondeur dans les plans qui tournoient dans notre microcosme crânien pour finir par l'ensorceler et qui filent sans subir de fissure spatio-temporelle, à la différence près que les claviers parviennent à surnager voire surgir du mixage, sans pour autant donner dans l'über-symphonisme originel. "
Phantasmagoria" m'apparaît donc globalement moins brutal que "
Ad Noctum", mais en contrepartie plus équilibré et nuancé.
En l'absence de
Morfeus, l'élément "claviers" était légitimement sujet à questions. Chacun jugera comme bon lui semble, mais pour ma part, la réponse ne souffre d'aucun doute :
Daemon s'y avère habile, variant aisément les sonorités, les harmonies et le travail réalisé, à défaut d'être génial, a retrouvé du sérieux et de la cohérence, effaçant ainsi l'indigne prestation de son compère sur la doublette Ultimate /
Legacy. La grandeur des chœurs du morceau-titre la dispute au pouvoir envoûtant de ceux de "A World in
Pandemonium", l'orgue insuffle sa puissance impérieuse au diabolique enchaînement "
Curse of the
Necromancer" / "
Portal to the Unknown" et la terreur inspirée par les effets horrifiques de "Apocalyptic Manifestation" n'a d'égale que l'effroi imposé par ceux du prologue.
Sans réinventer
Limbonic Art,
Daemon le pousse dans une dimension plus fastueuse où la diversité des structures et des détails qui les habitent confine à la richesse d'une galaxie et des centaines de milliards de corps stellaires qui la composent. Ainsi, ses fondations black metal se voient-elles enrichies de speederies heavy accrocheuses ("
Curse of the
Necromancer", "A World in
Pandemonium") et de débordements thrash inendiguables ("
Curse of the
Necromancer", "
The Burning Vortex"). Si le dernier mouvement de "
Crypt of Bereavement" est particulièrement surprenant par son riff doom mélancolique supporté par des orchestrations majestueuses, le cruel "Apocalyptic Manifestation" l'est tout autant par son black / death hargneux et en représente l'exact opposé : barbare, saignant, implacable. Une approche conjuguant diversité et réussite, comme sur les longues pièces à l'agencement plus progressif ("A Black
Sphere of
Serenity" et "
Astral Projection" clôturant l'album en beauté), prouvant par là même le net regain d'inspiration de
Daemon sur cet excellent opus, le 7ème de la formation.
"
Phantasmagoria" ou un pur maelström de 71 minutes constamment marqué du sceau de
Limbonic Art, cette patte reconnaissable entre milles au travers de ces inimitables ambiances cosmiques dans lesquelles la boîte à rythmes nous propulse à la vitesse infernale d'une comète traversant l'immensité intersidérale vers les confins de l'outre-espace. Evitant le piège d'une trop grande linéarité, elle sait au moment opportun ralentir la cadence pour nous permettre d'admirer la voûte céleste, comme sur le tragique "
Dark Winds" traversé des lancinants courants de la dépression, puis réattaquer en roulements dévastateurs ("Prophetic Dreams") ou s'effacer lors de séquences dark ambient nous plongeant dans un vortex de ténèbres. L'aspect morbide de ces dernières apparaît particulièrement décuplé lorsqu'elles se manifestent au terme des déferlantes "A World in
Pandemonium" et "Apocalyptic Manifestation" pulvérisant tout sur leur passage : le dangereux magnétisme d'un pulsar suivant l'explosion d'une étoile massive.
Entre tradition et évolution, spontanéité et réflexion,
Daemon a su marier le meilleur de chaque monde pour célébrer avec "
Phantasmagoria" la renaissance d'une entité en perdition.
Fruit d'un travail acharné s'étendant sur 3 années, cet album relance enfin la machine et chaque élément, musical comme atmosphérique, y trouve sa juste place. En cela, je reste persuadé que le recours à un ingé son / co-producteur extérieur (chose qui manquait cruellement à la doublette maudite Ultimate /
Legacy) a été crucial dans le rendu final. Chapeau à
Daemon qui a su faire les bons choix (même si j'imagine que certains ont du être difficiles) et qui a su relever un challenge pas forcément gagné d'avance.
Chapeau et grand merci ! Depuis le temps que j'attendais ça !
D'ailleurs, y'a pas à chier, mes titres préférés sont ceux qui envoient le plus : Apocalyptic Manifestation (avec ses intonations Death surprenantes) et Burning Vortex (un vrai chaos inarrêtable !). Avec aussi un bon coup de coeur pour la fin de A Black Sphere of Serenity et son côté très mélancolique.
Faudrait vraiment que je me penche sur le Ad Noctum, si apparemment la déferlante est encore plus puissante sur celui-ci, je vais adorer héhé.
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