Si on remonte vers 94, on s’aperçoit que
Emperor fut le premier groupe à utiliser les claviers dans le black metal comme cinquième roue du carrosse sur In The
Nightside Eclipse. Cet album, qui resta un petit temps dans l’anonymat, suscita par après mille convoitises et milles reprises de la part de formations souvent très contestées dans le milieu. Les claviers vernis à double couche ne faisaient pas toujours bon ménage avec l’agression propre au genre, peut être est-ce dû à une mauvaise interprétation de celui-ci, une tentative de donner la grande éloquence au black metal qui ne pouvait, au final, que vivre sans.
Mais parmi ces formations, certaines ont réellement tiré leur épingle du jeu, certaines sont parvenues à préserver les lettre de noblesses de l’art noir tout en lui insufflant une autre dimension. Il y a eu
Emperor, qui évolua au point de s’éloigner totalement du genre, et
Limbonic Art. Par là, vous vous imaginez le fameux groupe de death symphonique pompeux ? Oui, c’est exact. Mais il fut un temps où il fut le seul à tenir le black symphonique en respect, un temps où il parvint à réaliser un opus qui pouvais réellement se permettre de porter cette étiquette sans se faire rouler dans la boue.
Moon in the Scorpio. Leur tout premier album, devenu quasi légendaire.
Mais cette fois-ci nous ne sommes ni six pieds sous terre couverts de sang et de souffre, ni perdus dans une forêt enneigée, ni au cœur d’un combat terrifiant. Ce que nous voyons s’apparente plus à une carte 3D du cosmos, ses nébuleuses, ses supernovas, le tout dénué d’approche fantasmagorique ou de fabuleux mais baigné d’une aura inquiétante.
Tout d’abord,
Limbonic Art, ce sont deux hommes : Vidar Jensen alias
Daemon, guitariste hurleur de la petite formation, et Krister Dreyer alias
Morfeus, posé à la guitare mais aussi derrière ses claviers, épiçant la musique de quelques passages de chant clair.
Et
Moon in the Scorpio est une symphonie de l’ombre. Ha ha ha ! Très drôle, Arch ! Bon... le terme pourrait en déranger quelques-uns, évidemment. Mais si nous ne sommes pas aux côtés d’un compositeur et de l’orchestre polyvalent qu’il animera de ses œuvres, les teintes offertes par le clavier de
Morfeus regorgent d’une richesse harmonique, d’une emphase, d’une luxuriance étonnamment proche d’une fugue à Jean Sébastien Bach. Analysons donc ces structures :
La première constatation que le mélomane pourrait déduire, c’est cette organisation au sein du petit orchestre.
Morfeus dirige l’ensemble... Voilà une chose plutôt surprenante pour un disque qualifié de metal. Mais réelle. Ainsi donc, la bête évolue essentiellement sur les claviers, ceux-ci tels un narrateur au charisme obsédant, racontent l’odyssée mélodique de l’ensemble. Usant de sonorités néo-classiques artificielles ( de l’orgue aux violes en passant par le piano traditionnel et les sonorités plus légères telles les instruments à vent ) mais convaincantes cependant, l’univers aussi scintillant qu’hermétique de
Moon in the Scorpio prend une forme aux milles couleurs, celles-ci maintenues en une palette sombre uniquement grâce aux modes et gammes utilisés. Il est vrai que le rendu général contient un certain côté kitsch qui pourrait en rebuter plus d’un, ceci concernant surtout les oreilles sensibles à l’acoustique instrumental.
Les guitares quant à elles, tendent la toile de fond, forment un mur massif et froid, générateur de l’atmosphère pesante et sulfureuse que le black metal nous produit depuis toujours. Si les ambiances n’en sont pas poisseuses pour autant, l’aura maléfique tient cependant debout. Une caractéristique qui donne toute finition à la musique de
Limbonic Art en cette période.
Celles-ci maintiennent donc l’émotion en condition tout en se refusant pas quelques altération bienvenues, telles celles des épisodes finaux des deux premiers titres. Le seul reproche que l’on pourrait faire au groupe, c’est de leur avoir attribué ce grain un tantinet trop cru pour l’approche désirée, chose à laquelle il est, bien entendu possible, de s’habituer.
La batterie programmée quant à elle, parfaitement ciselée mais manquant un peu de mordant sur certains points, se voit entièrement adaptée au contexte général par sa sonorité typique, correctement réverbérée et aérienne.
Côté influences, on sent qu’
Emperor est passé par là, mais l’ensemble se veut pourtant bien différent conceptuellement. Je dirai même que c’est avec cet opus que la symphonie dans le black metal aura acquis son propre podium artistique, palmarès qu’elle perdra à jamais. Car
Moon in the Scoprio est le seul véritable aboutissement du groupe. Après avoir sorti un
In Abhorrence Dementia plus puissant et plus travaillé mais sensiblement moins passionnant,
Limbonic Art recherchera les vertus de la puissance technique armé de son compositeur abouti, chose qu’il ne trouvera jamais véritablement. Pourtant, ce disque possède tout pouvoir nécessaire pour ravir les grands amateurs de musicalité ; d’une complexité harmonique évidente, il pourrait même faire naître des sourires béats chez les inconditionnels du baroque et du classicisme.
Oh oui !
Moon in the Scorpio possède un immense pouvoir et ses fresques sont un voyage interstellaire à en pleurer d’admiration. Le
Carmina Buranien
Through the Gleams of Death et ses compositions mesquines à la Carl Orff. Le titanesque In the Mourning
Mystique, la balade de l’absolu, le reflet du sang d’encre sillonnant les veines d’un colosse en ébène, la terrifiante conclusion Darkzone
Martyrium, le feu du ciel qui s’abat sur le paysage luxuriant, une progression qui me rappelle justement la Walkyrie, célèbre opéra de Richard Wagner vers sa conclusion. Le puissant morceau titre, ses yeux nocturnes et sa fin impériale, non pas par sa grandiloquence mais par l’impression de bal fantôme qu’elle produit inexorablement.
Moon in the Scorpio. Un grand disque, une innovation, une révélation et une référence aujourd’hui, si ce n'est pas la référence du démon du metal symphonique. Il restera pour moi, le meilleur opus de black symphonique parvenu à mes oreilles. Oh que de bonheur.
Sinon, je constate que je parle beaucoup de Limbonic Art, en ce moment. Vous me donnez tous envie de me replonger dans tout ça, et du coup, j'ai des envies de chroniques qui me reprennent. Je vais peut-être me faire toute la discographie, tiens. Mon avis risquerait bien d'être similaire à celui d'Arch, mais après tout, ce serait juste pour le plaisir d'écrire sur une oeuvre qui m'a transcendé et qui continue de le faire. Un hommage, en somme. Je verrai ça...
Sinon, j'ai eu la version originale pour juste 2 euros de plus que la version 2010. Mais je suis du genre à guetter les bonnes affaires sur priceminister, amazon...
Merci pour ta chronique mais il n'y en a qu'une plus un commentaire! Quand je pense à certains albums qui ont plus d'une dixaine de chro, le moon in the scorpio en mérite autant :)
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