Un come-back de plus... Bien entendu, on ne s’étonne plus de rien, tant les retours aux affaires de vieilles connaissances après les adieux annoncés sont pléthore ces derniers temps. Pour ma part, le
Monotheist de
Celtic Frost a tellement balayé mes jugements arrêtés et négatifs sur ces retours improbables, que l'on ne m'y reprendra plus.
Ici rien de comparable avec les Helvètes, bien entendu. Notre duo Norvégien n’avait pas disparu il y a si longtemps que cela ; il s’agit d’un non-évènement. Cela n’en constitue pas moins une heureuse surprise en ce qui me concerne, car je ne cache pas un certain attachement à ce groupe à l’identité affirmée.
Limbonic Art fait en effet partie des quelques référents qui ne m’ont jamais vraiment déçu, notamment depuis que le black metal est devenu ce grand foutoir dans lequel je ne me retrouve plus comme c’était le cas il y a dix ou douze ans (un « amateurisme » que j’assume complètement, entre parenthèses...).
Voilà bien un groupe qui a toujours produit un excellent black metal, créatif et audacieux, particulièrement dans sa période grandiloquente et symphonique – ce qui les condamne de fait à la véhémence des irréductibles « true » - ou dans ses évolutions plus récentes, en conservant pour autant une atmosphère et une agressivité glaciales, qui constituent le coeur de la bête et qui font que le black metal peut parfois atteindre une grandeur inégalable. Le tout en évoluant artistiquement au fil de ses albums, sans perdre son identité. Cela fait déjà beaucoup, et certains de ses petits camarades de black sympho, concurrents il y a dix ans, ne peuvent pas en dire autant...
Nonobstant, la pertinence et la justification de ce nouvel album dans la logique artistique globale de
Limbonic Art peuvent légitimement prêter à questionnement...et je dois admettre d’entrée que ces interrogations ne sont pas toutes levées après plusieurs écoutes.
Si le premier morceau, A
Cosmic Funeral Of Memories, fait sans sourciller dans un black plutôt brutal, magnifiquement épique et savamment orchestré pendant plus de sept minutes, la suite surprend. A
Void Of
Lifeless Dreams débarque brutalement à grands coups de riffs tranchants et saccadés fleurant bon les influences death metal : puissant, incisif, le morceau est seulement nuancé par un break plus conventionnel où claviers et mélodies black reprennent quelques instants leurs droits. Toutes proportions gardées, des effluves behemothiennes me traversent l’esprit…
Grace By Torments, lent, aérien et magistralement baroque, permet de recouvrer ses esprits en confirmant qu’il s’agit bien d’un disque de
Limbonic Art…Court intermède toutefois, noyé dans une vague de black rapide et épique aux relents death très présents. Cela se vérifie dans la relative technicité des riffs comme dans la gestion variée des tempos. Celui qui fût le chantre de l’utilisation massive des claviers (avec talent), à savoir
Morfeus, se contente de les employer avec une relative parcimonie, la plupart du temps en second plan, en tant que simple appui des guitares omnipotentes et de leur ligne mélodique. La discrétion de ces claviers est véritable, et leur présence ne se discerne souvent qu’après plusieurs écoutes, ce qui n’enlève rien à leur pertinence.
Daemon, quant à lui, est au sommet de sa forme et proprement impressionnant au chant.
Néanmoins les titres passent, et sans que l’on trouve à redire sur la qualité des compositions, encore moins sur le niveau de l’exécution, le grand frisson se fait rare. Par exemple, le titre éponyme
Legacy of Evil, très prenant par instants dans ses envolées lyriques, retombe par la faute du riff principal, thrashy et direct, qui casse une atmosphère aérienne difficile à maintenir.
C’est tout le paradoxe du disque, qui, écoute après écoute, confirme une sentence qui tombe comme un implacable couperet : regorgeant de bonnes idées, de grandes mélodies, de magnifiques arrangements et de subtiles touches de claviers, les titres, pour la plupart, ne parviennent pas à se dépêtrer de leur longueur et de leur complexité, pour faire décoller définitivement l’auditeur. On se laisse même parfois à regretter la trop faible longueur d’intermèdes planants, comme sur
Nebulous Dawn, où entre deux déchaînements de tempêtes, on aurait tant souhaité s’évader et frémir de bien plus longues minutes…l’impatience pour remettre la marche avant me paraît symptomatique du fait que les Norvégiens cherchent avant tout à impressionner; leur démarche créatrice s’en trouve amputée, hélas. Pour l’aspect impressionnant, c’est bien évidemment une réussite, il n’y a par exemple qu’à se délecter des sept minutes de furie et de majesté de
Seven Doors Of Death pour s’en convaincre.
Au final, il faut bien admettre que le rendu global du disque est celui d’un bloc compact, dense, très homogène dans la forme et le fond. L’atmosphère est froide, voire glaciale, mais affublée d’un côté clinique, presque médical, la faute à une production immaculée et travaillée au possible, à un son impersonnel et à la batterie - boîte à rythme qui se retrouve de fait trop mise en avant, la discrétion des claviers laissant parfois un espace difficile à occuper. Bien qu’impressionnante, la froideur de l’ensemble anesthésie les émotions habituellement foisonnantes dans la musique de
Limbonic Art. Cette sécheresse émotionnelle laisse donc place à une appréciation plus technique et plus cartésienne de la maîtrise et du savoir-faire des Norvégiens, redoutables d’efficacité et de virulence. Le mysticisme aérien et la magie des
Moon in the Scorpio et
In Abhorrence Dementia paraissent bien lointains.
Limbonic Art a sans doute laissé passer une grosse occasion de marquer les esprits. Non seulement les Norvégiens bénéficiaient toujours d’une certaine aura (à défaut de culte) grâce à une discographie irréprochable et cohérente, mais en plus ils retrouvent une scène black metal qui n’a pas franchement évolué depuis leur split, et qui de fait n’a jamais été aussi peu pourvu en véritables leaders.
Bien entendu,
Limbonic Art ne sera jamais consensuel (la seule utilisation des claviers le condamnant de fait), mais a minima dans le petit monde du black symphonique, l’héritage d’
Emperor leur tendait les bras.
Legacy of Evil ne sera pas l’album de cette consécration, et sans réellement perdre de sa superbe, le duo
Daemon /
Morfeus se contente d’un retour solide, mais sans fracas. On prendra donc cet album comme une des bonnes productions de l’année 2007, qui mérite le détour et qui est d’une qualité largement suffisante pour que j’achète les yeux fermés le prochain
Limbonic Art, dont le potentiel demeure indiscutablement intact. En ces temps difficiles, je m’en satisfais.
Fabien.
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