Après l’ouverture de la boucherie «
Carnivore Sublime », qui ne proposait que des morceaux de choix sur son étal et une prestation live captée au Sylak Open Air, donnant naissance à «
Brutalive the Sick », l’entreprise de dépeçage massif qu’est
Benighted, décide de conquérir à nouveau le marché de la barbaque, avec sa nouvelle pièce du boucher savoureusement intitulée «
Necrobreed ».
Coutumiers des changements de personnel, tout en sachant conserver sa qualité de travail, les bouchers en chef, Julien Truchan et Olivier Gabriel, ont dû s’adjoindre une nouvelle équipe de découpe après les défections d’Adrien Guérin et d’Eric Lombard peu après l’édition du Hellfest 2014, puis, du départ de l’impressionnant Kevin Foley en 2016 pour rejoindre
Abbath, mais déjà revenu à cause de l’asociabilité de
King Ov Hell. Les nouveaux arrivants sont donc Pierre Arnoux (ex-
Winds Of Torment) à la basse, Emmanuel Dalle (
Horgoth, Deficience) à la guitare et surtout Romain Goulon (ex-
Imperial Sodomy,
Necrophagist) dont le challenge de palier la défection de Kevin Foley, ne sera pas chose aisée à relever. Il est à noter qu’Olivier Gabriel, membre fondateur et meilleur ami de Julien Truchan a, lui aussi, quitté le groupe après l’enregistrement de «
Necrobreed » (remplacé par Fabien Desgardins aka Fack), son métier (professeur) et la dureté des tournées ont eu raison de son enthousiasme scénique, le plaisir était en train de se dissiper.
Après les déboires engendrés par la précédente imagerie, qui avait valu à la formation la fermeture pure et simple de son compte facebook, et, donc, la disparition de tout le réseau construit (le mamelon de la femme sur la pochette en incommodait certains),
Benighted opte pour un artwork plutôt sobre qui est l’œuvre de Gary Ronaldson. Les plus observateurs auront noté l’hommage au regretté Mika Bleu, avec l’incrustation de la mention « Crevez Tous » au poignet droit du personnage central. Comme à son habitude, des guests de choix sont présents sur «
Necrobreed » avec Asphodel (Chenille) sur «
Hush Little Baby », Trevor Strnad de
The Black Dalhia Murder sur «
Forgive Me Father » et d’Arno de
Black Bomb A sur le délicieux « Cum With
Disgust ».
Le poids des années, qui a souvent un impact négatif sur une grande majorité des formations, n’a visiblement aucun effet sur Benignted, car la boucherie ouverte trois ans auparavant se transforme désormais en abattoir industriel où l’éviscération est pratiquée sans aucune retenue, l’association L214 ne devrait pas être déçue lors d’une prochaine visite. Malgré le changement de line-up, la force impactante des morceaux que délivre «
Necrobreed », n’a aucunement disparu, la recette qui a toujours fait la réputation des Stéphanois, est encore présente, à savoir des blasts effrénés, qui alternent avec des riffs « thrash » ou « hardcore », le tout enrobé de « grind » et de « black-metal » (avec parcimonie, surtout au niveau des vocaux). Envoyez-vous donc «
Reptilian », « Psychosilencer », « Leatherface », «
Necrobreed » ou « Versipellis » (pour ne citer que ceux-ci) et vous vous retrouverez toutes tripailles à l’air. La violence est élevée ici à son maximum et, aucun moment de répit ne sera laissé à l’auditeur, la cadence de découpe est infernale et se révèle supérieure à «
Carnivore Sublime ». Afin d’annihiler toute linéarité dans le travail d’abattage, l’abattoir, qui ne prend pas en charge que des animaux, propose un large éventail d’outils tous plus aiguisés les uns que les autres, ainsi que des hachoirs massifs, qui achèveront les derniers récalcitrants comme les breaks lourds et puissants de «
Reptilian », de « Psychosilencer », de «
Forgive Me Father » ou du poétique « Cum With
Disgust ». Aussi, l’alternance rythmique dans la coupe, allant du blast furieux et hystérique aux cadences up tempo « thrash » ou éléphantesques, garantit une bidoche bien saignante.
En plus de toute la brutalité qui ressort des exactions des bouchers stéphanois, une atmosphère morbide et glauque émane de cet abattoir, une oppression et un malaise permanent happeront l’inconscient qui s’y introduira. Ayant pris le risque, votre serviteur, ne pouvant plus reculer, s’avance lentement au milieu d’un amas de chair faisandée qui jonche le sol, une odeur putride forte accueillante titille mon sens olfactif. Ces ambiances sont mises en avant par «
Hush Little Baby », une comptine introductive interprétée par Asphodel, par les breaks malsains de « Leatherface » ou de «
Forgive Me Father », sur fond de couinements canins et de «
Monsters Make
Monsters. Cette atmosphère poisseuse est aussi mise en exergue grâce à quelques dissonances bien senties.
L’ensemble des œuvres de
Benighted traite de pathologies mentales dont le métier de Julien Truchan, infirmier en psychiatrie, est une véritable source d’inspiration. La thématique de «
Necrobreed » tourne autour d’un schizophrène qui vit seul et qui a une fascination morbide pour les animaux, représentant quelque chose de rassurant pour lui. Après un traumatisme vécu pendant son enfance, cet homme n’a comme seul souvenir que le regard d’un chat mort qu’il fixait afin d’oublier ce qu’il subissait. Sa pathologie évoluant, il finit par se greffer des animaux morts sur son abdomen, puis sur tout son être, la chaleur des corps en putréfaction lui donnant le sentiment d’être enceinte. Puis la maladie étant à son apogée, cet homme rassemble tous ses enfants animaux autour de lui afin de les immoler, et lui, par la même occasion. Le final de «
Mass Grave » représentant cela, est saisissant d’effroi, de démence et de souffrance.
L’équipe de découpeurs qui composait l’entité «
Carnivore Sublime » ayant pris la poudre d’escampette mais dont la technicité n’était aucunement à remettre en question, la nouvelle formation saura-t-elle se montrer à la hauteur ?
Assurément, la réponse est sans équivoque. Hormis les qualités de ciseleur de la paire de guitaristes présents sur «
Necrobreed » dont les riffs sont aussi aiguisés qu’une feuille de boucher, il faut louer le talent de compositeur d’Emmanuel Dalle, qui s’est chargé de la quasi totalité de ce dernier bout de bidoche, donnant une coloration plus « death old-school » à l’ensemble, avec un côté « hardcore » plus en retrait (mis à part les chœurs virils qui émaillent cet enregistrement).
La palme revient évidemment à « The
Voice » Julien Truchan, qui, comme à son habitude, utilise à merveille son chant versatile, passant du bœuf au cochon, alternant entre chant typé « black-metal » aux éructions arrachées, en passant par des growls caverneux et glaireux, des « pig squeal » pour finir sur des sonorités « chasse d’eau » (« Leatherface »), si chères à Last Day Of Humanity ou des vocalises de malade mental, totalement aliéné («
Forgive Me Father » ou « Leatherface »), submergé par la souffrance sur l’aboutissement de «
Mass Grave ». D’ailleurs, il faut savoir que cet enregistrement de voix totalement hallucinées et hallucinantes, que n’aurait pas renié
Niklas Kvarforth de Shinning, s’est fait en une seule prise, c’est dire l’étendue de l’organe vocal du père Julien. Le travail sur le chant ne s’arrête pas là puisque l’écriture utilise l’anglais, le français («
Necrobreed » et « Versipellis ») et la langue de Gothe (« Der Doppelgänger »).
L’autre grand gagnant est incontestablement Romain Goulon, qui avait la lourde tâche de remplacer Kevin Foley. Et bien, le bougre s’en sort plus qu’avec les honneurs. Son jeu, d’une précision chirurgicale et plus clinique que celui de Kevin, s’intègre parfaitement à
Benighted, le bougre délivrant des blasts supersoniques, donnant même l’impression d’aller encore plus vite que son prédécesseur, l’attaque qui suit le break de « Leatherface », est juste phénoménale. Comme à l’accoutumée depuis maintenant trois livraisons, «
Necrobreed » a été concocté au Kohlekeller Studio en Allemagne, par Kristian Kohlmannslehner et Kai Stahlenberg, qui dotent ce pavé saignant d’un son monstrueux, avec un équilibre parfait entre tous les instruments.
Très peu de défauts sont à déplorer et, si je voulais vraiment être tatillon, je dirai que «
Necrobreed » ne révolutionne pas le propos de
Benighted et que l’effet de surprise est très amenuisé, mais malgré cet état de fait, le combo parvient à se renouveler en repoussant toujours plus loin les limites de la brutalité.
La boucherie «
Carnivore Sublime » s’est muée en abattoir avec «
Necrobreed » et, malgré un renouvellement de personnel de grande ampleur, la cohésion de cette équipe est évidente et aucun survivant ne s’échappera de cet établissement où l’éviscération, le dépeçage, l’éventration et le démembrement est une véritable passion,
Benighted ne cherchant pas le profit mais une qualité certaine dans son travail, où la viandaille sera toujours meilleure si elle est prélevée avec une souffrance élevée à son paroxysme. Cette dernière pièce du boucher s’avère même plus succulente que la précédente, qui émoustillait déjà bien les papilles, avec une nervosité encore plus accrue. «
Necrobreed » permettra sans doute à
Benighted de franchir un nouveau palier et s’impose déjà comme un postulant sérieux au titre d’album de l’année. Je n’aurais jamais dû pénétrer cette antre...mes tripes traînent par terre...
Quelle savoureuse branlée !!
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