Très souvent avec l'âge, nombreuses sont les formations qui ralentissent le rythme, sous prétexte de la sagesse ou de la maturité, d'autres essaient de garder la cadence et finissent par être une parodie d'eux mêmes mais certains font exception à la règle. Depuis ses débuts,
Benighted n'en finit plus d'accentuer l'intensité et la brutalité de ses compositions qui trouvent leur apogée sur "
Asylum Cave". Après trois ans d'absence discographique, le combo stéphanois revient avec une nouvelle pièce du boucher intitulée "
Carnivore Sublime", un nouveau guitariste en la personne de Adrien Guérin, suite au départ de Liem N'Guyen et, d'un nouveau bassiste, Alexis Lieu qui remplace Eric Lombard.
L'artwork est magnifique et très soigné, il est l'œuvre, une fois de plus, de Sven de
Aborted et, contrairement à bon nombre de ses confrères,
Benighted a opté pour la suggestion à l'extérieur parce qu'à l'intérieur....Cette pochette est pour le moins dérangeante puisque le groupe a été contraint de fermer sa page Facebook à cause de celle-ci.
Je me suis toujours méfié des groupes de "death" dont les membres sont handicapés capilairement, ils sont souvent féroces (
Dying Fetus,
Misery Index...) et
Benighted n'y fait pas exception. La mise en bouche est très succincte, trois mots "You sick fuck" et la boucherie "
Carnivore Sublime" ouvre ses portes. A peine le pas de la porte franchi, je me rends compte que l'étale est bien fournie en morceau de choix, mais, le boucher
Benighted, avide de viande fraîche, me fait comprendre, dès la deuxième composition "Noise", que je vais servir de bifteck.
Pas à dire, au regard de ces deux tranches bien saignantes, les outils sont bien aiguisés.
Cet opus est une succession de morceaux de choix, tous de qualité exceptionnelle, du premier, "x2y" au dernier, "
June and the laconic solstice". "
Carnivore Sublime" est un condensé de violence et de brutalité rarement atteint, surtout par un groupe hexagonal, mais la découpe est ultra précise. La production de Kristian "Kohle" Kohlmannslehner est digne de n'importe quelle grosse écurie américaine avec une mise en place impeccable, chaque plan, chaque instrument est parfaitement mis en valeur et renforce l'impact des changements de rythmes incessants. Même si
Benighted est habitué à trancher dans le vif à une cadence dépassant largement la vitesse limite autorisée, il sait également attendrir la viande par des passages plus directs, dotés d'un "groove" imparable comme le "
Slaughter/suicide", le pont de "Noise", "Experience your flesh" ou "
Carnivore Sublime" et "
June and the laconic solstice", la facette "hardcoreuse" du groupe ressort sur ces titres et augmente l'impact frontal de l'album.
Benighted continue sur la voie qu'il s'est tracé depuis "
Identisick", à savoir un tabassage en règle, mais, plus qu'une rossée, "
Carnivore Sublime" ressemble à un abattoir où toute "bidoche" est bonne à être découpée, et, même si le savoir faire du groupe en la matière est indéniable et sa patte identifiable, des éléments dissonants inhabituels("Noise", "Spit" ou "
Defiled purity") font leur apparition et, de ce fait, le rapproche de
Napalm Death.
Contrairement aux autres opus du groupe, je trouve que les ambiances sont plus malsaines et mises en exergue grâce aux plans dissonants, mais aussi au niveau du chant, lorsque Julien utilise des vocalises de malade mental complètement dérangé et, le guest de choix qu'est
Niklas Kvarforth ne va rien arranger, ce dernier pose des vocaux hallucinants et hallucinés sur "Spit", qui laisse penser qu'il est en train de se pendre, et fait de ce morceau le plus malsain de la carrière du groupe. Aussi, l'ajout de pleures de bébés comme sur "Experience your flesh" par exemple, amplifie cet aspect dérangeant et glauque, on devine aisément ce qu'il est en train d'advenir des parents....
Pour avoir une boucherie rentable, et, ce n'est pas chose aisée en ces temps de crise, il faut du personnel impliqué et appliqué, de ce côté là,
Benighted a de la chance, à commencer par Kevin Foley, batteur tentaculaire, semblant être le fruit d'expériences génétiques douteuses, aboutissant à un mariage totalement improbable avec une mitraillette, le bougre est énorme, alternant tous types de rythmes, sans jamais faiblir et avec une facilité déconcertante. Il est suivi en cela par la paire de guitaristes Olivier et Adrien qui sont une véritable manufacture de riffs coups de poings, sans oublier la basse d'Eric (son remplaçant, Alexis Lieu ne fut intégré au groupe qu'après l'enregistrement de l'album), qui soutient la rythmique infernale de "
Carnivore Sublime". Mais il serait impardonnable de passer sous silence la performance de Julien Truchan, la boucherie diversifiant ses activités, elle fait aussi dans la charcuterie, lorsque ce dernier utilise son chant porcin, tellement crade par moment, qu'il lorgne vers The Last Day Of Humanity (toute proportion gardée, bien sûr) sur "Noise", "Collection of dead portrait" et le début de "
Carnivore Sublime". Comme à son habitude, l'infirmier en psychiatrie passe du coq à l'âne, en alternant à une vitesse supersonique, ses différents types de voies, qu'elle soient "black metalleuses", hardcoreuses", "growl" caverneux très grave et bien sûr "gruik" de cochon enragé. Il sera aidé sur le dernier morceau par Michael
Kern (
Carnal Decay) qui est invité à pousser la chansonnette.
Les thèmes abordés par
Benighted ont toujours tourné autour des maladies mentales dans toutes ses formes et ses différentes variétés. Sur "
Carnivore Sublime", le concept traite d'un individu qui ne doit son existence qu'à une relation adultérine et, qui représente l'infidélité aux yeux de sa mère, il vit avec la peur constante d'être rejeté. Puis, plus tard, il se fera harceler sexuellement par son institutrice, avant de rencontrer une femme qu'il aimera éperdument. Celle-ci tombera enceinte et, refusant de la partager avec l'enfant, il décide alors de la tuer....et de la manger! (bon appétit, si vous êtes à table...).
Au final,
Benighted accouche du meilleur album de sa carrière, où, brutalité, violence et intensité sont élevées à leur paroxysme, le tout est exécuté avec une précision chirurgicale par une équipe de bouchers aguerris, connaissant bien leur métier. La formation tranche, éviscère et hache sans ne jamais se lasser et, la dynamique de la découpe ne laisse aucune place à l'ennui. Le groupe va sûrement franchir une étape décisive avec "
Carnivore Sublime" qui prouve que
Benighted est encore en progression. En deux temps, trois mouvements, me voici "tripailles" à l'air, planté sur un croc de boucher, mais qu'est ce que c'est bon!!
Monstrueusement féroce, carnivorement sublime!!!
Personnellement j'ai encore un peu de mal à rentrer complètement dans l'album, qui est vraiment très varié. Peut-être même parfois trop, notamment sur le plan vocal : alors que J. Truchan nous montrait déjà qu'il était capable de varier énormément ses vocaux dans les précédents albums, Benighted ont réussi à nous caser encore plus de diversité dans les voix / chants, ce qui est impressionnant mais me donne parfois une impression de superflu.
M'enfin... Je m'y habituerai probablement au fil des écoutes, et peut-être que je me trompe dans mon jugement. Pour le moment j'aime beaucoup ce "Carnivore Sublime" et j'arrive à l'apprivoiser de plus en plus (même la voix du gratteux dans le refrain d'"Experience Your Flesh" qui me sortait par les oreilles je commence à m'y faire, hahaha ...).
En tout cas merci pour la chronique.
Une tuerie cet album, la chronique rend bien honneur au taf effectué. Un album en haut du panier international pour moi.
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