Faut-il toujours en attendre plus ? Est-il si important de repousser les limites en se dépassant comme jamais ? Un nouvel élan est-il imaginable lorsqu’on peut avoir cette irrésistible et malheureuse impression de ne pas parvenir à outrepasser un certain cap ? Un nouvel élan, positif et salvateur ?
"
Momentum" ou cette volonté de mouvement et d’évolution…
« Inéluctablement, le mouvement peut empêcher, dans toute son antinomie, de réellement avancer. »
C’était on ne peut plus vrai pour qualifier "
Frame", septième opus des italiens qui, après un énième changement de line up avec le départ du vocaliste-maitre Titta Tani, avait perdu une grande partie de sa grandeur. Grandeur qui avait permis à "
Different Shapes" de se hisser parmi les meilleurs opus de power prog de ces dernières années (malgré une popularité injustement faible pour
DGM). Non pas que Mark Basile fut un mauvais chanteur, mais le mimétisme parfois confondant entre lui et James Labrie pouvait décevoir, malgré une production toujours aussi monstrueuse et une technicité de chaque instant. De même, à l’heure où les fondateurs ayant donné leur initiale au groupe ne sont plus (Diego Reali pour le « D », Gianfranco Tessala pour le « G » et Maurizio Pariotti pour le « M »), la légitimité de conserver le même patronyme se posait également. Cependant, le virtuose Simone Mularoni se réclamant de l’héritage de Diego Reali, il avait été dit qu’ils conserveraient l’héritage spirituel et musical du combo, tout en gardant l’identité artistique propre des italiens.
Le groupe fut cependant bien silencieux depuis "
Frame", accueilli timidement il y quatre ans de cela. Depuis, Simone et Mark ont participé au projet d’Enrico Sidoti (
Earthcry, avec l’excellent "Where the
Road Leads" l’année dernière) avant de retravailler sur un huitième album dans le plus grand silence, sans promotion préalable pour revenir sur le devant de la scène avec un opus dont on commençait à douter de l’existence. Le temps fut donc long, et c’est tout d’abord un surprenant artwork qu’a dévoilé le groupe, puisque celle de "
Momentum" se veut très éloigné de l’univers fin et élaboré des précédentes pochettes. Celle-ci se veut à la fois plus mystérieuse et énigmatique, mettant en avant un personnage sans visage et des formes tombant en un parcours de domino…difficile d’en comprendre réellement le sens, mais la peinture a le mérite d’intriguer et de nous faire se poser des questions concernant le rendu musical de ce nouvel album. Lorsque l’on sait en plus que Russell Allen (
Symphony X) et Viggo Lofstad (
Pagan’s Mind) interviendront en plus sur le disque, l’attente se fait de plus en plus longue…tout comme le certain espoir d’un retour à la musique flamboyante de l’époque Titta Tani.
"
Reason" résonne alors avec fracas, de son ouverture monumentale à la batterie pour partir sur un riff alambiqué et technique pour continuer sur une rythmique de folie (quelle dextérité et les patterns de batterie sont juste terribles) pour finalement que ce soit Russell qui ouvre le bal vocal, rapidement suivi par un Mark Basile plus à l’aise que jamais. Quelques claviers éparses mais essentiels offrent une dimension plus onirique au refrain, sans perdre un seul gramme de puissance, parfaitement propulsée par une production surpuissante et démentielle. L’échange de soli qui s’ensuit entre Simone et Emanuele Casali est simplement énormissime, tout en fluidité et en mélodie (le spectre d’
Angra réapparait, mais véritablement dans l’état d’esprit, le jeu étant très différent de ceux des brésiliens) avant de revenir sur le refrain, magnifique et porté par les deux voix s’accommodant parfaitement de leurs différences. Tout sera-t-il de ce niveau ?
On remarque que chaque morceau dispose pour titre d’un mot unique, symbolisant à chaque fois un terme et un message fort. "
Trust" poursuit avec un riff une nouvelle fois monumental de technique tout en révélant une puissance énorme, les lignes de guitares et de claviers se multipliant en une superbe osmose. Mark Basile est définitivement à sa place, laissant éclater sa personnalité et son charisme tout en impressionnant sur la beauté de son registre vocal sur le refrain, entre force et douceur, saveur acidulé et sucré en même temps. Fabio Costantino est monstrueux derrière ses futs, multipliant les passages complexes sans jamais trop en faire, il enrichit considérablement les structures des titres et ne satisfait jamais d’un rôle uniquement rythmique. "
Universe" va encore plus loin par son tempo très élevé et son attaque symphonique débouchant sur un rush de Fabio à la double pédale puis un nouveau riff épais et direct tout en restant infiniment classieux et élégant. La ligne vocale de Mark est sincèrement merveilleuse d’efficacité et il devient réellement difficile de s’empêcher d’headbanger comme un forcené sur une telle avalanche de puissance et de technique (qui a dit que le progressif était mou ?). Chaque partir soliste révèle une agressivité que l’on voit trop peu dans le power progressif, sans se perdre dans les dédales mathématiques et arithmétiques trop souvent reprochés à ce type de musiciens relevant parfois de l’esthète. "Numb" n’est pas en reste puisque les offensives de double pédale y sont écrasantes de plaisir en s’octroyant parfois des petites incartades thrash, à l’instar de "Brand
New Blood" de l’opus précédent.
Quatre morceaux et quatre tueries absolues. Et il va sans dire que le reste de "
Momentum" est du même acabit ; à savoir un véritable sans faute, sans temps morts ni remplissage, où chaque titre possède sa propre personnalité et son propre lot de trouvailles techniques et rythmiques. Belle et romantique, "Repay" se veut la ballade au piano que tant de groupes rêveraient d’avoir. A la fois sensible et belle, sans larmoyance et dégageant une véritable émotion ; elle permet la respiration nécessaire au milieu du disque pour repartir de plus belle sur le divin "Chaos". Viggo y livre un solo passionnant pendant que la section rythmique se montre plus féroce et terrifiante que jamais en brandissant un mur de son à la compacité effarante. Les sonorités de claviers, plus cybernétiques et modernes, siéent parfaitement au groupe (l’influence de Viggo y est-elle pour quelque chose sur ce titre en particulier ?). Les titres s’enchainent divinement bien avant un "
Void" plus obscur et original, expérimentant de nouvelles sonorités pas si éloignées d’un
Arjen Lucassen (
Ayreon, Star One). "Blame" clôture de fort belle manière le disque, plus proche d’un
Dream Theater (celui des années 90) dans la mélodie de clavier. Mark Basile s’y montre une fois de plus impérial du début à la fin, démontrant définitivement qu’il est arrivé à maturation et qu’il était bien l’homme de la situation il y a quelques années lorsqu’il intégra le groupe.
DGM nous livre simplement le meilleur album de sa discographie, surclassant de peu "
Different Shapes" mais surtout un "
Misplaced" restant pour beaucoup le préféré des fans. Un opus où l’inspiration n’a d’égale que la puissance qu’elle dégage, tout en restant toujours cohérente et centré autour du chant (les compositions ne dépassent jamais les six minutes). Les italiens ont recentré les priorités et les fondamentaux de leur musique pour accoucher de ce "
Momentum" proche de la perfection. L’album mélodique de ce début d’année, replaçant le groupe au sommet de la hiérarchie italienne et, artistiquement, européenne du genre. Ne reste plus que les auditeurs en fassent de même pour soutenir un groupe qui roule sa bosse depuis déjà plus de quinze ans…
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