Modeler la matière… Fusionner les textures… Mêler les saveurs… Sous différentes formes. Injustement relégués dans les abimes de l’oubli collectif, certains artistes ne démordent pas de leurs idéaux ni de leur motivation sans faille pour continuer dans une voie qu’ils se sont eux-mêmes dictée. Perdu dans les profondeurs du néant de la reconnaissance,
DGM, après un pourtant superbe "
Misplaced", aura prit le temps de se poser les bonnes questions avant de donner un successeur à un disque qui osait titiller les chefs d’œuvres de
Angra ou
Edguy de la même année.
Du haut d’un statut qu’il restait à confirmer, à travers la vision d’artistes avant tout musiciens et hommes, naviguant dans des vies parfois confondantes de banalité, les italiens ont cherché à repousser les limites de leurs capacités créatives afin de fonder un univers personnel dans lequel ils attireraient l’auditeur pour le charmer indéfiniment. Les quelques individus ayant tenté le voyage "
Misplaced" ne s’y étaient pas trompés… "
Different Shapes" ne pourrait dès lors plus les décevoir…
DGM s’apprêtait à repousser le style dans tous ses retranchements avec une qualité hors du commun…
Si les débats sur le metal progressif sont légions et interminables, si la technique prend bien souvent le pas sur la mélodie, si la qualité harmonique surpasse bien souvent l’émotion organique et si la vélocité se veut parfois plus démonstrative qu’efficace,
DGM se targue de faire fi de toutes ces questions stériles.
Dans un sens pas foncièrement éloigné de ce que produirait un
Dream Theater semblant bien plus fougueux, d’un
Symphony X empli de mélodicité ou d’un
Angra auquel les transalpins se rapprochent fortement,
DGM avec ce sixième opus signe un coup de maître là où les chefs d’œuvres sont précieux car bien souvent des même plumes.
Ne pas succomber aux mélodies enchanteresses de "
Different Shapes" semble presque un pléonasme tant elles sont envoûtantes. Rester de marbre face au chant si sublime de Titta Tani est presque impossible tant il fait véhiculer foule d’émotion à travers son timbre aussi rugueux qu’un Russel Allen ou bien plus mélodieux, d’où il tire toute sa personnalité. Quand aux riffs, aux harmonies ou aux structures des morceaux, c’est un déchainement de créativité et une pluie d’inspiration qui nous tombe dessus, non pas marqués par une extrême complexité (tout en restant très technique) mais surtout par une volonté évidente de créer une œuvre et non une overdose démonstrative de notes.
"The Alliance" pour ne citer que lui subjugue par ce riff tranchant très rapidement suivi par une splendide nappe de claviers, cybernétique et mystique… puis rattrapé par un rouleau compresseur jouissif de double pédale. L’atmosphère se fait ensuite plus intimiste, doucereuse, mélancolique et poignante, notamment sur un refrain qui, en plus de s’insérer dans notre mémoire se veut simplement beau. "Unkept
Promises", s’ouvrant sur une perle de ligne de piano, continue sur une mélodie d’une beauté à couper le souffle pour enchanter l’auditeur, entre une féérie non dissimulée et une tension prête à exploser. En contrebalancement d’un lead très mélodique se trouve une ligne vocale partagée entre beauté et rudesse bienvenue et d’une justesse remarquable.
Néanmoins, si
DGM est souvent très mélodique et beau, il sait parfois se faire beaucoup plus direct et technique, notamment sur un "New
Life" des plus agressifs et aux riffs supersoniques proprement impressionnants (ce premier riff…). Simone Mularoni, nouveau guitariste inconnu de tous, impressionne par sa maturité et son intelligence de jeu (qui a dit
Kiko Loureiro ?), son dosage parfait entre la technique et la fluidité sans presque jamais laisser de déchets. Très alambiquée sur ce premier morceau, sa guitare tout en développant un jeu très dense laisse énormément d’espace à des claviers s’en donnant à cœur joie pour offrir une richesse encore supérieure. Se taillant un soli génial avec Emanuelle Casali, il démontre tout le talent que le groupe a vu en lui. "
Piece of Mind" voit même les italiens évoluer dans un registre étonnamment plus brutal, aux growls jouissifs sur des riffs entre
Slayer et quelque chose de plus moderne (cette mélodie au tapping en toile de fond…), déchiré entre la brutalité des couplets et la mélodie du refrain. Très sec, le riff (lui-même constamment en contretemps) sert également de tremplin à la densité de jeu de Fabio derrière ses futs qui multiplie les cassures.
"
Different Shapes" enchaine les perles sans jamais décevoir et sans perdre son souffle un seul instant, à l’instar de son prédécesseur, comme bercé du sceau d’une certaine perfection instrumentale. Néanmoins, il reste cette sensation désagréable d’écouter une œuvre magistrale en sachant qu’elle ne sera jamais fondamentale car trop réservée à une franche réduite du public. "A Man I
Will Never Be" offre même une vision beaucoup plus progressive dans l’âme dans le sens où il part dans beaucoup de direction différente tout en gardant une forte cohérence, notamment dans les lignes de claviers très modernes et originales, le reste étant une réserve d’émotion continue.
Certes, "
Different Shapes" n’ouvre pas une nouvelle voie ni ne fracasse les portes du métal progressif… non… "
Different Shapes" est simplement ce qui se fait de mieux aujourd’hui dans le speed métal progressif… digne d’intérêt, non ?
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