"L'homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail que l'on abat." (Psaume 48)
Misanthrope Immortel est sans doute l’album le plus attendu de toute la carrière du groupe. En effet, les jalons posés par
Visionnaire et
Libertine Humiliations ont permis au
Misanthrope d’arrêter de fouler le sol des mortels, tapis rouge, réceptions dans les plus hauts cercles, et parties fines, ont rendu le quotidien du
Misanthrope plus agréable. Loin, très loin de percevoir les risques qu’Il encoure à baigner dans une fange qui vous ronge telle la lèpre cotonneuse.
Misanthrope, attention aux lendemains qui déchantent !
Ce 3e album enregistré sous la houlette de Fredrik Nordström au Fredman Studio souvent considéré comme le « meilleur » album du groupe a de quoi séduire : des lignes mélodiques voluptueuses, des soli aguicheurs, et un S.A.S aux petits soins pour vous susurrer à l’oreille, vous faisant passer de témoin passif à confident privilégié. Les premiers titres
Eden Massacre, mais surtout Les Empereurs du Néant, pénètrent votre chair et s’imposent à vous comme de nouveaux hymnes. Cet album manipule l’auditeur, comme toujours.
Misanthrope distribue les bons et mauvais points dorénavant, devenir son favori devient une tâche ardue, sa cour étant surpeuplée. Les thèmes abordés restent des attaques en règle contre toute forme de pouvoir, et d’asservissement, célébrant les triomphes d’Alceste, fustigeant les amours illusoires, dénonçant le vice pour mieux s’en abreuver. Le serpent serait-il en train de se mordre la queue ?
La direction artistique fut confiée à Jean-Baptiste Boitel qui avait déjà largement secondé Jean-Jacques
Moréac sur
Libertine Humiliations. Le paradoxe, à la limite de la méprise, est prégnant à la première écoute. Jean-Baptiste est de loin celui qui baigne dans la musique la plus brutale à l’époque dans
Misanthrope, plus c’est brutal et mieux c’est. Or
Misanthrope Immortel, son legs, sonne comme l’album le plus mélodique, le plus accessible, et par conséquent peut-être le plus dérangeant pour le fan de la première heure. L’hermétisme initial, la brutalité verbale et instrumentale, les harmonies déchaînées et dépravées, qui souillaient nos âmes dans une nostalgie fielleuse, tout cet univers semble s’être dissout. En allant pour la troisième reprise remonter ses manches en Suède, la question du style inimitable, mais qui penchait vers un « Death made in Göteborg », a tendance avec cette surcharge de claviers à faire basculer
Misanthrope dans un death non plus mélodique, mais symphonique, voire un heavy death metal, progressif dans la construction des morceaux, mais symphonique dans les sonorités. L’ensemble s’est adouci, et édulcoré de façon ostentatoire, pour ne pas dire provocatrice. Alors ne vous méprenez pas chers amis, j’en conviens ce style ne me sied guère, toutefois on ne peut pas rejeter aussi facilement un travail qui possède de véritables qualités, au-delà de sonorités aseptisées. Les harmonies ont été ciselées, les lignes de claviers tiennent plusieurs rôles, assurer les lignes mélodiques, qui surplombent et animent des guitares ensevelies, tentant désespérément d’assumer une rythmique sans relief, mais ils donnent également l’impression de rajouter des chœurs, sensation confirmée sur Khopirron, et cela avec succès. Pour rappel, Jean-Baptiste est à l’origine guitariste dans l’entité misanthropique, mais une nouvelle inclination le guette, à travers la manipulation de nouveaux instruments. Alors la démonstration a de quoi surprendre, cette surenchère de claviers fait sombrer
Misanthrope dans une overdose mélodique, ridiculisant son insolence naturelle, dilapidant un héritage riche en déconvenues, batailles, et défis qui ont fini par payer, un peu trop peut-être. L’époque est faste pour le groupe, comme pour le label, et finalement
Misanthrope n’avance plus sur le fil du rasoir. S.A.S and Co se ballade, nous présentant ses dernières trouvailles, costumes, peintures, et tapisseries. Gagné par un embourgeoisement matériel qui n’a que peu de points communs avec sa noblesse d’esprit,
Misanthrope part en toupie. En perdant le goût du risque, quand bien même il expérimente, la troupe en arrive à s’emmêler les pinceaux, n’arrivant plus à faire coller son intention frondeuse avec une musicalité hyper mélodique qui finit par diluer le propos comme l’intention de son maître. Cette sensation nous poursuit tout au long de l’album, mais nous prend à revers sur Tranchées
1914 par exemple, au milieu de samples guerriers, le clavier devient tout d’un coup bizarroïde, complètement incongru. Mais quand je vois apparaître Nuit Androgyne, un sentiment nauséeux s’empare de moi. Non, tout mais pas ça ! Le spectre d’
Aphrodite Marine semble venir hanté
Misanthrope Immortel. Le stupre et le vice cèdent leur place à la romance de quartier. Cette mièvrerie qui ne s’embarrasse d’aucun apparat.
Vile déclaration d’amour écervelée, qui ressemble aux petits personnages en plastique qui surmontent toutes les pièces montées bon marché qu’on vous refile dans ces fêtes de village, mais si, souvenez-vous, des mariages : le comble de la monotonie, l’antichambre du cimetière, le sarcophage de l’élan sentimental, en un mot, la castration.
Misanthrope Immortel commet une erreur en se livrant avec autant de facilité et de légèreté, il empêche
Misanthrope d’être. Cette transformation restera éphémère fort heureusement. Le sursaut d’orgueil est déjà en préparation, où les ornements mélodiques reculeront face aux invasions barbares.
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