"Le début, chose étrange, est les trois-quarts de l'œuvre. L'impression première est une obsession ; on ne répare guère une fausse manœuvre ; qu'est un commencement ? Une imprégnation."
Henri Frédéric Amiel
Et le début de
Rhapsody pour moi, et pour beaucoup de monde, ce sont ces notes d'orgue et ce chœur puissant chantant en latin sur "
Ira Tenax". Moi qui avais 17 ans et qui sortais d'un marathon Iron Maiden/
Judas Priest, persuadé que j'étais que le Heavy-
Metal était mort avec les années 90 et
Metallica, je venais sans le savoir de découvrir le
Power-
Metal, et
Rhapsody, un genre et un groupe qui m'obsèdent encore aujourd'hui.
Au cas où vous seriez comme moi, à l'époque, un simple voyageur égaré, laissez-moi vous présenter nos hôtes très rapidement.
Rhapsody est un groupe à l'époque construit autour de trois figues centrales : Alex Staropoli aux claviers,
Luca Turilli à la guitare, et Fabio Lione à la voix. Et ceux-là, ils ont une idée en tête : créer un groupe alliant la symbolique guerrière de
Manowar, la puissance du
Power ainsi que la virtuosité et la noblesse du (néo)-classique, le tout, en racontant au sein de leurs album une histoire de Fantasy (rien que ça), celle du monde d'Algalord. Et donc, après une démo sobrement nommée "
Eternal Glory", le groupe parvient à signer chez
Limb music, et sort en 1997 "
Legendary Tales", dont nous allons parler.
Comme déjà évoqué, l'album s'ouvre sur une piste où s'inscrivent des notes à l'orgue, des chœurs épiques et des cordes discrètes. Mais il y a quelque chose de plus qui s'en dégage et que je n'ai pas su trouver dans un autre album de
Power. Peut-être une authenticité due au fait que le groupe a véritablement débauché un orchestre pour l'enregistrement de l'album. Vous avez bien compris, pas de samplers, et le synthé juste cantonné aux soli, mais pour la partie symphonique de l'œuvre, rien que de véritables instruments! Ce qui ne veut pas dire que ce serait toujours un plus ; si l'album avait été plus direct et moins ambitieux, comme le sera plus tard "
Dawn of Victory", cela aurait sans doute été superflu, mais étant donné la complexité des compositions du groupe, et les nombreuses couches d'instruments qui se superposent, je ne peux qu'imaginer à quel point l'utilisation de samplers pour ce genre de composition aurait vite tourné à la crème chantilly.
Et après : "
Warrior Of Ice."
"Demons of abyss, wait for my pride,
on wings of glory i'll fly brave and wild,
i'll stop your madness, your thirst for blood,
to bring them peace, where love must reign !"
Ces quelques lignes chantées par Fabio m'ont clairement fait comprendre que le groupe et moi allions faire un bout de chemin ensemble. Car c'est là que réside la force de
Rhapsody, pas seulement sur "
Warrior of Ice", mais sur chaque piste du disque : ils vont à fond dans tout ce que certains pourraient considérer (à raison) comme des clichés du
Power-
Metal, mais les embrassent pleinement. A tel point qu'ils dépassent le stade de la caricature, pour atteindre celui du grandiose. Ainsi, la voix profonde de Fabio ose toutes les extravagances possibles, les paroles de la chanson, tournées autour de l'histoire d'un guerrier en appelant aux peuples de son monde à se battre contre les forces du mal, feraient passer
Stratovarius et
Helloween pour des rabat-joie. L'orchestration n'a jamais été aussi poussée et présente dans un album de
Power.
Luca Turilli nous sort des soli d'une rare virtuosité, même selon les standards du genre.
Mais malgré tout cela, malgré tous ces éléments coexistants, le groupe parvient non seulement à rester cohérent au cours de l'album, mais aussi à être des plus variés.
Ainsi, au martial et idéaliste "
Warrior of Ice", succèdera le plus lyrique et contemplatif "
Rage of the
Winter", chanson dans laquelle le protagoniste nous parle de son envie de garder un cœur aussi pur que le paysage enneigé devant lui, qui donne à Turilli l'occasion de montrer à quel point virtuosité ne veut pas dire absence d'expressivité.
Et que dire du plus
Power "
Flames of
Revenge"? Piste sur laquelle le côté symphonique est plus en retrait pour souligner la colère d'un personnage qui fait vœu...de vengeance, je crois que c'est clair. Les cordes en retrait offrent au groupe l'occasion de sortir un son un peu plus classique, plus speed et Heavy et symphonique. Et ce, même si cordes et chœur reviendront, le temps du break qui précède le solo.
Et que dire encore une fois de "
Forest of
Unicorn", ballade folk d'une rare efficacité, qui oscille entre contemplation et urgence, avec ces couplets dans lesquels le guerrier observe la nature, belle et libre, alors que sur les refrains, il reçoit un avertissement, celui de ne pas perdre de vue pourquoi il se bat : La beauté du monde. Ou que dire encore d'"
Echoes of
Tragedy", qui oscille entre l'intimiste de la tristesse du personnage et le grandiose de cette douleur partagée par le monde, oscillant entre ballade au piano et pièce symphonique épique, chantée par un chœur (oui encore lui) grandiose et un Lione en pleine forme.
Et pour finir avec l'analyse des pistes, que dire de la pièce finale éponyme: "
Legendary Tales", construite comme une lettre d'amour à ce monde de Fantasy pour lequel le guerrier doit se battre, tantôt douce et rêveuse, tantôt grandiose et solennelle, avec cette fin pleine de mystère et d'espoir qui conclue l'album avec brio.
"
Legendary Tales" est symphonique,
Power, (Néo)-classique, Folk, expérimental, et le plus beau, c'est qu'il arrive à être tout cela à la fois, sans rien négliger ou presque, et sans donner l'impression que le mélange obtenu manque d'homogénéité.
L'album est-il dénué de défauts? Non ! La production est un chouia inférieure à ce que le groupe fera par la suite, on regrettera d'ailleurs une basse un peu trop souvent laissée en retrait (malgré quelques moments de gloire, notamment sur "
Land of
Immortal"). Et niveau composition, le groupe se repose un peu trop sur la structure : intro, couplet, couplet, refrain, pont symphonique/soli, refrain, outro. Ce qui donne à l'album un aspect vaguement répétitif.
Malgré tout cela, "
Legendary Tales" n'est pas seulement une révolution dans le petit monde du
Power-
Metal autant qu'un grand album, c'est aussi le début d'une grande épopée. Aussi bien pour la musique que pour le groupe, une épopée avec laquelle nous n'en avons pas encore fini aujourd'hui.
Dio a déjà fait le tour de cet univers y a bien longtemps, et il a tout dit. Après ça n'enlève rien à l'extraordinaire maestria des musiciens, de ce côté là, ils sont irréprochables. C'est juste que je ne supporte plus les arrangements pompeux et les lyrics heroic fantasy à 2 balles. Et ça reste bien sûr mon opinion, que je partage avec moi-même.
Effectivement Rhapsody a son propre univers particulier, qui fait parfois qu'on n'arrive pas à suivre le groupe, malgré une musique de qualité. Pour ma part, je m'écoute cet album de temps en temps, c'est une bonne bouffée d'air frais entre deux albums de black :)
J'ai un peu de mal avec ce style.
15/20
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