Moins d'un an s'est écoulé entre la sortie du terrible premier opus du combo anglais lorsqu'arrive celui-ci, et il s'est un peu fait sur le tas, le groupe en tournée, en Europe ou aux USA où ils commencent vraiment à se faire un nom.
Et ce côté brut se ressent, surtout sur Heartbreaker... Mais commençons par le commencement.
Sur le premier album, le groupe avait un bon ratio de reprises, avouées ou non, et on ne change pas une recette qui marche. On retrouvera donc ici 2 Dixon, un Howlin'
Wolf et des inspirations traditionnelles. Mais là où les deux albums diffèrent vraiment, c'est que le côté folk du groupe s'affirme un peu plus sur ce second album, et Led Zep nous démontre un avant goût de ce dont il sera capable sur le III.
L'album commence donc avec
Whole Lotta Love, un classique du groupe, incontournable en
Live (où il sera souvent joué dans des versions parallèles, parfois moyennes mais souvent géniales, ou incrémenté dans des medleys de folie ou le groupe rejoue les classiques des 50's et des 60's). Cette reprise de Dixon, complètement réarrangée, s'entame sur un soupir qui annonce un riff en dents de scie, un ronflement de guitare et de basse terriblement sexuels. Et le texte ne va pas dire le contraire, il multiplie les allusions (éloge de la sodomie ?)... En tout cas, le break psyché façon bruits de moteurs à la guitare sur cliquetis de Charleston et de Cymbales, surplombé de gémissements évocateurs reste un modèle de la verve
Hard Rock. Le tout débouchant sur un solo saccadé et superbe, puis tout repart de plus belle, avec ces échos et tout le tintouin final ...
Le morceau suivant, What is and What Should
Never Be parle lui d'hommes murs aimant les filles jeunes, encore un sujet brûlant... Il mêle avec brio folk et rock, dans un morceau jouant sur les refrains déchaînés, le final est géant.
Puis vient The Lemon Song. Reprise inavouée du
Killing Floor de Howlin'
Wolf, source d'un procès perdu, il ne va pas non plus par 4 chemins : " Presse mon citron jusqu'à ce que le jus coule le long de ma jambe, jusqu'à ce que j'en tombe du lit." N'en reste pas moins un blues énergique et surprenant, avec une partie de basse qui montre tout le talent et la dextérité de John Paul Jones.
En revanche, la balade Thank You est un peu mielleuse quoique sympathique. Ce morceau prend cependant une dimension extraordinaire en live ou Jimmy avait pour habitude de nous sortir un solo monstrueux et magnifique, dommage que ce ne soit pas le cas de la version studio...
Et là, se pointe THE riff. Un riff étourdissant, tournant, renversant, terrible, culte, bref Heartbreaker débarque, avec son histoire de prostituée qui revient en ville, ou au moins de croqueuse d'hommes briseuse de ménages. Et ce morceau, c'est l'empreinte du bordel d'enregistrement de l'album. Entre deux tournées, entre deux studios, le solo enregistré à part, ce qui explique que ce soit un solo si étrange, une guitare, rien d'autre, en prise directe même pas bidouillée, du live quoi. Et après le groupe revient, le solo se termine dans des effusions de rock'n'roll pur. Un must. Il se termine de façon crue, et embraye direct sur le powerpoprock Living Loving maid (She's Just a Woman), ou le genre de morceau à vous rester en tête des heures et des heures, mais on s'en lasse pas.
Et le folk reprend ses droits sur l'épique
Ramble On, ode à Tolkien et son univers, et testament de la passion du groupe pour ces derniers. Plant y signe un texte quasi nostalgique mais plein d'espoir et truffé d'allusions (But Gollum, and the
Evil One...), un morceau vraiment cool pour
mettre de bonne humeur.
Moby Dick débarque dans son barnum rock, et on sent déjà l'importance de la batterie derrière ce riff fort sympathique. Bonzo décolle dans un solo démentiel et d'une technique redoutable, jette ses baguettes, joue avec ses mains sur ses fûts, à s'en niquer les phalanges, mais tout le monde prend son pied dans son délire percussionniste. Il reprend les baguettes et enchaîne à une vitesse incroyable avant de rendre le morceau à son riff, le laissant faire joujou avec ses tomes et son instrument. En live, ce morceau tourne au quart d'heure et le musicien est en transe. Le concert au RAH de Londres en 70 en est un exemple. Il se tapera aussi en 78 un boeuf avec Keith
Moon complètement démoli, et le groupe lui jouera des tours, lui dérobant ses baguettes, le forçant à faire durer sa prestation pour le plaisir d'un public en liesse. Le morceau culte de toute une génération de batteurs.
L'album s'achève sur une autre reprise de Dixon, l'inénarrable Bring it on
Home. Un blues pour le moins revisité : Plant en intro s'amuse à imiter le maître, harmonica et sourire aux lèvres, mais Jimmy lance un riff tonitruant qui propulse le morceau au plus haut. Il retombe ensuite dans la parodie sérieuse pour achever cet album de génie.
En résumé, qu'est-ce que cet album ? Une pochette comique, reprise d'un cliché de la grande Guerre, ou les musiciens et manager on remplacé quelques soldats, un intérieur mégalo décoré d'or, mais un contenu à la hauteur de ces railleuses prétentions. Un album qui confirme la grandeur et la démesure du monstre sacré.
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