Kannon

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15/20
Nom du groupe Sunn O)))
Nom de l'album Kannon
Type Album
Date de parution 04 Décembre 2015
Style MusicalDrone
Membres possèdant cet album19

Tracklist

1.
 Kannon 1
 
2.
 Kannon 2
 
3.
 Kannon 3
 

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Sunn O)))


Chronique @ Bakounine

25 Fevrier 2016

une anthropomorphie de l'absence

« L'enfer, c'est l'absence éternelle » Victor Hugo


Chroniquer un album de Sunn O))), c'est un peu une gageure pour un chroniqueur...
Il faut avancer sans véritables points d'attache, sans filet, ne pas s'attacher à trop décrire, ne pas verser non plus dans les sentiments hautement variables et personnels que le son (musique?) peut produire, du dégoût à l'extase, en passant souvent par l'incompréhension. Choisir ce qui mérite qu'on s'y attarde, savoir qu'on ne saura être parfait, que l'objectivité ne saura être atteinte de même, à une moindre mesure, que la clarté des propos. « Comprendre toujours comprendre. Moi je ne veux pas comprendre » écrivait Anouilh. Pourtant qui pourrait prétendre pouvoir décrire en profondeur une chose qu'il n'a pas comprise ?
Qui suis-je pour prétendre savoir analyser cette musique, dont ce n'est ni le but ni l'objet ? Serait-ce de ma part de la profonde vanité ? Et « il n'y a pas de vanité intelligente » nous dit Céline...


Mais trêve de discours sur les fondements de ce que je ne saurais faire correctement et parlons de cette... œuvre ?
Sur le papier, Kannon se présente comme un nouvel album de Sunn O))), dans une formation en quatuor puisque autour du duo Stephen O'Malley et Greg Anderson, sont présents les deux collaborateurs de longue date Attila Csihar (de Mayhem notamment) au... chant, dont les vocalises habitent les concerts et les albums du groupe depuis 2004 ainsi qu'Oren Ambarchi aux guitares et divers effets électroniques, lui qui est présent depuis Black One en 2005, et régulièrement en concert...


S'il fallait définir une trajectoire à l’œuvre de Sunn O))); je n'ose employer le terme « chemin » tant il s'agit plus d'un turbulent maelström, on se plairait à penser que dernièrement les natifs de Seattle avaient plutôt tendance à rendre leur mixture plus facile d’accès aux premières écoutes... On ne saurait aller jusqu'à dire qu'ils auraient lissé le caractère conceptuel, dérangé ou atypique de leurs compositions mais ils donnaient au moins en apparence, plus de points d'accroche pour un auditeur non averti : entre les structures symphoniques certes impétueusement déstructurées de l'ensemble orchestral de « Monoliths & Dimensions » et les deux collaborations qui ont suivi : « Terrestrials » avec les Norvégiens d'Ulver, parfait compromis dans le style avec les mélodies de Garm et consorts mais dans le rendu un peu décevant, et surtout l'incroyable album « Soused » avec Scott Walker, artiste anglais des années 60, connu pour avoir chanté Jacques Brel en anglais, qui assujettissait leur chaos industriel à un chant clair très présent...


Enfin, l'artwork de Kannon semblait plus éclairé avec de curieux idéogrammes et cette figure mystérieuse végétalo-minérale au noir tranchant avec le blanc du décor, elle m'évoque beaucoup l'illustration qui ornait « Infinite Dissolution » de Locrian, autre album de drone m'ayant marqué récemment...
Pour le reste, trois titres seulement pour des durées entre neuf et treize minutes, soit seulement une grosse demi-heure pour l'album qui risque de rester comme le plus court du groupe. Les invités ne sont pas légions sur cet album avec néanmoins quelques invités assez classiques, ayant été membres de concerts du groupe ou ayant joué sur des productions précédentes : Randall Dunn, Rex Ritter et Steve Moore aux synthétiseurs et Brad Mowen aux rares percussions (Les deux derniers faisant partie du groupe de rock expérimental « Master Musicians of Bukkake »).


De ce fait, en accord avec ce qu'on attendait, Kannon se révèle bien plus minimaliste que les dernières œuvres de Sunn O))), on reste sur des morceaux à un riff, avec des variations plus discrètes en-dessous. Minimaliste mais clairement pas dénué d'inspiration, avec un rendu assez particulier avec une vraie unité d'esprit entre les trois morceaux.
On commencera d'ailleurs par le plus difficile d'approche (pour peu qu'un morceau de Sunn O))) soit facile d'approche...), Kannon 1, qui n'est qu'un douloureux bourdonnement, aux sourdes guitares tissant un riff lent assez neutre, soutenu par les psalmodies monocordes de la voix maladive d'Attila, quelques accords plaqués feutrés sur des synthétiseurs qui se révéleront plus expansifs sur la fin, mais ne permettent pas d'oublier le peu d'accroches instinctives que le titre peut avoir, pas de réelles mélodies, à peine un air plaintif en fond, pas de passages instrumentaux qui se dégagent, bref, du vrai drone dans tout ce le style a de plus opaque et imperméable...
Mais il en ressort également une certaine âme palpable avec un rendu au final assez peu occidental qui pourrait se rapprocher, mais dans une version dérangeante, d'un certain esprit oriental zen avec des inspirations indiennes.
Cela ne sera pas démenti sur les deux titres suivants, qui conservent vraiment quelque chose de religieux malgré un rendu de plus en plus facile si ce n'est d’accès, tout du moins de compréhension, avec une voix nettement plus claire d'Attila qui continue ses psalmodies dans un registre plus soft sans perdre de sa folie, tandis que les parties de guitare sont un peu plus lumineuses, avec le troisième titre qui prend même le parti de nous offrir quelques salvatrices variations avec même quelques véritables changements d'intensité à la faveur d'un hurlement plus soutenu de temps à autres.


Globalement, le rendu est bien celui d'une cérémonie étrange plus ou moins occulte mais du moins atypique, avec quelque part des accents cauchemardesques et d'autres de manière surprenante assez lumineuses... L'impression d'un certain retour aux sources ou du moins d'un déclin dans ce qui apparaissait sur « Monoliths & Dimensions » comme une envie d'innover est également bien présente avec des compositions qui de manière assez marquée ne résonnent en apparence si on ne prend pas le temps de rentrer dedans à fond, et lors des premières écoutes, que comme des compositions de drone assez lambda, voire des compositions classiques de Sunn O))) sans plus.
Les innovations apportées et les idées développées sont en effet moins tranchantes que sur certaines productions plus récentes. La richesse des titres apparaît petit à petit lorsqu'on s'y émerge avec cette gradation qui fait du dernier titre le meilleur de l'album. Il faudra alors savoir si on parviendra à savourer cet étonnant rendu d'une religiosité exacerbée qui fonctionne comme une incantation cyclique, car sinon tout l’intérêt s'en va, perdu dans le tourbillon inhumain d'une composition arythmique, atonale et de ce fait « amélodique ». La courte durée de l'album permet néanmoins d'en rendre l'écoute globale au final plus aisée que certaines productions plus anciennes du groupe.


Mais néanmoins, ce Kannon demeure une œuvre tellement impossible à cerner qu'il faut savoir ne pas essayer de le faire. Les Américains ajoutent une autre pierre à la montagne inaccessible à la majorité qu'est leur discographie, qui n'est ni la plus brillante, ni la plus facile d’accès, ni la plus remarquable mais qui en est probablement une part essentielle comme tout ce qui fut fait et qui créé ce concept, bien qu'au final on ne sache ce qui nous y attire, ni ce qu'on doit en retenir. Rien n'y est palpable et tout ce qui en fait la valeur doit être imaginé, et on ne sait quel néant ces musiciens incarnent mais ils y parviennent avec régularité. C'est en quelque sorte une anthropomorphie de l'absence que cet album, puisque Sunn O))) n'y innove pas réellement, et sont eux-mêmes dans tout ce qu'il y a de plus difficile à intégrer, pas d'objectif palpable, pas de valeur ajoutée aux productions déjà existantes, pas de constance, pas de statut mais malgré tout, une indicible force.

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