Un an après l’hommage « Sunn o)))ien » au black metal («
Black One ») et l’album gonzo-délire de
Boris (« Pink ») voici que les deux groupes s’unissent pour un disque inédit. En effet, «
Altar » n’est en aucun cas un split mais une véritable collaboration entre le groupe américain et le japonais formant ainsi un seul et même groupe. Que faut-il en voir de tout ça ? Un mélange hybride de démarches hybrides…
Sunn O))) et
Boris ont toujours « démonté » la logique interne de composition pour accoucher d’albums étranges qui ne laissent vraiment pas insensibles. Distorsions absolus des instruments, cohérence absconse, son amplifié jusqu’à atteindre un état primitif, les deux combos ont toujours fonctionné en dehors des règles. D’un côté on crie au génie quand c’est pas vraiment le cas (depuis «
Black One »
Sunn O))) est porté au pinacle alors qu’avec le recul cet album est quand même moins intriguant et utilise des ficelles d’une plus grande facilité) et de l’autre on crache sur une démarche iconoclaste (ça fait « Brrrooouuuummmzz » et point barre) qui cependant marque l’esprit en instaurant une ambiance de déliquescence aigue. «
Altar » de ce point de vue, un disque difficile qui change telle une girouette en fonction du vent.
Pourtant, «
Altar » est LA claque que je n’attendais pas. Comprenez par là que rarement un mélange de style n’aura autant éveillé la créativité à l’image de l’arbre de vie (et par extension de la création) figuré sur la pochette. D’un côté on retrouve les feedbacks tétanisants des deux groupes, bien que
Sunn O))) soit le roi en la matière, avec la touche plus mélodique, plus structurée de
Boris le résultat relève d’une oppression tangible et malsaine. J’ai même l’impression qu’on atteint ici une clarté, une puissance des infra basses qui vous plonge directement dans un univers surréaliste et torturé.
Triturations drones apocalyptiques mélangées dés fois à un chant mélodique de Wata ressemblant à une complainte ou bien portées par une batterie folle qui improvise au fur et à mesure du morceaux (le génial morceau d’ouverture « Etna ») jusqu’à finir sur une piste expérimentale («
Blood Swamp »), la plus longue qui achève l’auditeur dans sa descente abyssale et psychédélique. L’intégralité de l’album me fait penser au musicien expérimental KK Null, japonais concoctant des titres azimutés de beaux calibres. Ca ne m’étonnerait pas que les deux groupes se soient penchés sur le cas de ce compositeur génial et inconnu en France.
Cependant, «
Altar » mérite bien des louanges. On se rend effectivement compte que la base première n’est autre qu’un free-jazz improvisateur et délirant fondu dans une structure drone ambiante tectonique avec un son gras qui se rapproche ostensiblement d’un metal étouffant. Un mélange hétéroclite donnant un résultat incroyable comme une invitation à la méditation ainsi qu’à l’introspection… Bien que l’on sente la patte
Sunn O))) planer sur le disque et même dans le visuel (tous les membres portant une soutane comme le groupe américain en « concert ») il ressort de cet album un « je ne sais quoi » qui propulse l’écoute à un autre niveau comme ces respirations mélodieuses superbes. C’est même la première fois qu’on met le disque en boucle ! Ce qui apparaîtrait impensable sur un disque de
Sunn O))) ainsi que certains de
Boris (je pense en particulier à « Absolutego », les autres étant plus écoutable car plus rock) ce qui avouons le est une surprise de taille (essayez de mettre deux fois de suite «
Flight of the Behemoth » pour voir).
Tout en approfondissant le flux des compositions le groupe
Sunn O))) &
Boris, car c’est bien cela le nom du groupe, livre ici une excroissance impeccable de maîtrise nous faisant naviguer entre le drone de
Sunn O))) et les chansons mélodiques quasi post-rock de
Boris (le superbe « The Sinking Bell »). Bref tout ça pour dire que «
Altar » est un excellent disque faisant parti de mes favoris de l’année 2006.
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