Il est de ces groupes sortis de nulle part et qui ont pondu une œuvre majeure d’une scène où l’on croyait pourtant avoir déjà tout vu. En l’an 2000, à l’aube du nouveau millénaire, le néo-metal nous avait déjà fait vivre durant plusieurs années une nouvelle ère musicale excitante et novatrice qui nous a été servie à toutes les sauces : avec de fortes influences rap (
Limp Bizkit), avec des influences parfois issues du metal extrême (Slipknot,
Mudvayne), avec une approche plus alternative (
Staind), avec une fusion de plusieurs genres (
Incubus), avec des sonorités latinos (
Soulfly,
ANIMAL), avec un côté totalement barré et inédit (System of a
Down)… et j’en passe. Il était donc légitime de penser à l’époque qu’il n’y avait plus aucune place pour un nouvel arrivant, que tout avait été exploré dans ce genre musical et que les leaders de cette mouvance s'étaient déjà largement imposés. Eh bien il n’en était rien.
Voilà qu’un groupe inconnu de tous du nom de
Papa Roach tente de se faire une place dans une scène néo-metal jugée déjà à l’époque comme étant saturée, en sortant son premier album majeur,
Infest. Vous remarquerez le terme « majeur » employé pour désigner
Infest, car en effet, théoriquement
Papa Roach a déjà sorti un premier album en 1997, du nom de
Old Friends from Young Years, réalisé en autoproduction. Sorti dans l’anonymat le plus complet, et souffrant d’une faible production et d’une distribution très limitée, il était dans un registre néo-metal aux fortes influences rap tout en piquant quelques influences à
Deftones.
Old Friends from Young Years a été rapidement oublié par la formation américaine une fois
Infest sorti, ce dernier ayant largement bénéficié des avantages d’une signature chez un important label, DreamWorks Records. Qui aurait cru que ce groupe venu directement du fin fond de la Californie au premier album d’une qualité sonore médiocre et n’ayant rencontré aucun succès, allait rapidement se hisser dans le top mondial de la scène néo?
La pochette, assez surprenante, présente en grand plan ce qui semble être un cafard immobilisé par une aiguille, comme pour être exposé dans une collection. Le cafard, insecte ayant vécu plusieurs millénaires avant l’ère des homos sapiens, faisant de lui l’un des êtres vivants toujours présents les plus anciens qui soient. Sa capacité extraordinaire à survivre dans les situations les plus extrêmes lui a permis de passer les épreuves les plus insurmontables qu’a pu connaitre notre chère planète, allant du crash de la météorite responsable de l’impressionnante extinction des dinosaures jusqu’aux méga explosions des grands volcans, en passant par l’ère glaciaire. Cet insecte, qui paraît pourtant noble dit comme ça, est considéré par l’Homme comme répugnant, sale et invasif. Sa capacité hors du commun de pouvoir s’alimenter avec absolument tout et n’importe quoi, et sa méfiance de la lumière du jour le pousse à se réfugier dans les coins les plus sombres et sales des villes créées par l’humanité, tels les égouts ou les grandes poubelles, où il trouve parfaitement son bonheur. Sa présence en nombre dans un foyer est souvent signe de misère et d’abandon, signifiant que les locataires du foyer en question, n’ayant plus les moyens de s’offrir une qualité de vie décente, se laissent envahir par ces êtres qui s’accommodent parfaitement de la saleté. Car oui, il est bien question de misère dans les thèmes abordés dans cet album, d’où la présence de cette bestiole sur la pochette. On y parle de misère familiale («
Broken Home », qui parle des cicatrices laissées suite à de longues périodes de troubles familiaux), de misère financière («
Between Angels and Insects », au titre évocateur), de misère émotionnelle («
Last Resort », qui traite de pensées suicidaires), de misère sociétale («
Blood Brothers », sur les aspects d’une société qui font que celle-ci s’auto-détruit) et de toute la colère qui découle de telles situations («
Revenge »). Un album bien rempli de hargne et de colère, qui justifie l’énergie déployée pour transcrire ces émotions fortes.
Pourtant, musicalement parlant,
Infest à proprement parler ne présente rien de novateur ni de particulièrement original.
Papa Roach pratique un néo-metal à base de gros riffs saturés accompagné par une basse lourde et au groove significatif et une batterie énergique aux rhythmiques fortement influencés par le hip-hop ; le tout agrémenté par des vocaux principalement rappés durant les couplets et chantés avec énergie durant les refrains, avec quelques moments bourrins à base de hurlements rappelant beaucoup ceux de
Deftones. Non ce n’est définitivement pas l’originalité qui va hisser
Papa Roach au rang de nouveau leader. Là où ils ont réussi à réellement se démarquer du reste, c’est par la grande qualité des compositions et l’immense soin apporté au rendu sonore, particulièrement pour la guitare. D’un résultat exceptionnel, les riffs nous balancent en pleine figure une puissance à faire exploser nos baffles sonores, tout en restant parfaitement limpides et propres, ce qui en fait un pur bonheur pour nos oreilles. Le terrible «
Revenge » est un parfait exemple pour illustrer cela, avec son gros riff en pleine face qui introduit avec fureur une chanson qui l’est tout autant au vu des paroles, et qui revient tout au long de la chanson pour notre plus grand plaisir. Il en est de même pour «
Dead Cell », aux riffs ravageurs qui accompagnent bien les vocaux d’un Jacoby Shadix plus énervé que d’habitude. Chanson qui se démarque particulièrement, «
Blood Brothers » débute avec un riff joué rapidement sans saturation qui monte crescendo en vitesse jusqu’à être joué de manière complètement saturée, et de ce fait, devenant soudainement une explosion sonore très plaisante. Enfin, dernier exemple que je vais citer (j’aurais parfaitement pu parler de chaque chanson à vrai dire…), le riff introductif saccadé de « Thrown Away » est une ode à tout ce que le néo-metal peut faire de mieux, et fait naître en nous une grande sensation de rage, de destruction et de chaos sans doute voulue par le groupe. Jerry Horton est clairement le membre de
Papa Roach qui se distingue le plus de par son grand travail réalisé avec sa guitare.
Néanmoins, il serait injuste de ne s’attarder que sur le guitariste sans parler de Jacoby Shadix, le chanteur qui fournit également un bon travail. Son flow a la particularité d’être plus limpide que d’habitude, on peut discerner les paroles rappées si l’on y prête plus attention, et ceux-ci contiennent souvent des rimes subtilement incluses et se fondent bien en rythme sous les riffs («
Dead Cell », « Thrown Away »). Son chant est maîtrisé et accompagne des moments plus aérés après une succession de riffs énergiques, comme sur le refrain très mémorable de «
Between Angels and Insects » dont la transition entre le flow et le chant est parfaitement fluide, ou sur leur gros tube «
Last Resort » au refrain facile à retenir. Certaines chansons mettent beaucoup plus l’accent sur le chant, pour établir un aspect plus mélancolique et moins axé sur la colère. C’est le cas pour le très bon «
Broken Home » (avec un superbe effet de guitare introductif soit dit en passant), qui, par le sujet sérieux abordé, entame un chant plus calme et plus émotionnel. Dans le même registre, «
Never Enough » et « Binge » sont les plus parlantes sur ce point, présentant un chant particulièrement expressif en termes de lassitude, de fatigue et de désespoir. Mais quand le chant n’est plus suffisant et que Jacoby s’énerve, ça donne des hurlements qui, couplés avec le riff de la guitare, donnent quelque chose de très plaisant. « Thrown Away » nous offre des cris juste diaboliques, le furieux «
Dead Cell » en a fait sa spécialité avec un rap bien plus agressif lors du refrain ou la partie finale de «
Broken Home » sonne comme une libération d’émotions fortes suite à une douleur contenue trop longtemps.
Notons que
Papa Roach a subtilement inclus une piste cachée à la fin de l’album qui, pour une fois dans cet exercice, relève d’un vrai intérêt. La chanson s’appelle « Tightrope », elle débute seulement quelques secondes après la fin de « Thrown Away », et joue dans un registre radicalement différent. Au tempo infiniment plus lent, elle comporte de fortes influences reggae, et reprend une propre chanson de la formation issue d’une ancienne sortie, l’EP Let ‘Em Know sorti en 1999 (de ce même EP ont été réenregistrées des chansons pour
Infest). Le résultat est juste excellent, le chant limpide de Jacoby nous entraîne complètement dans cet univers musical inédit, et les riffs reggae nous font irrésistiblement danser ne serait-ce que légèrement en rythme. Une chanson qui a parfaitement sa place en tant que piste cachée, car très différente du néo explosif servi tout au long de l’album, mais suffisamment intéressante pour la proposer à la fin en tant que délicieux dessert.
Il est évident que
Papa Roach n’a rien inventé du tout avec
Infest, qui reprend dans les grandes lignes les codes du son néo-metal, au point d’être considéré comme trop générique par les voix les plus critiques. Mais en termes de consistance des compositions, de songwriting et de production,
Infest se montre comme un solide album de néo-metal parfaitement capable de rivaliser avec les ténors du genre sans avoir à rougir. J’irais même jusqu’à dire qu’il s’est montré meilleur que la plupart de ses prédécesseurs, et qu'il finira parmi les disques les plus mémorables de cette génération musicale. Malheureusement, il s’agit du seul et unique album de
Papa Roach à nous offrir un néo-metal aussi titanesque, la formation ayant décidé dès son successeur, le très bon LoveHateTragedy, d’opter pour un son plus orienté vers l’alternatif rock, avant de sombrer dans la banalité et le cliché dans le reste de sa carrière.
tres belle chronique et toute les chansons cité etait bien expliqué par leur production, décrire un album un album n'est pas toujours facile a décrireet bien expliqué mais toi tu le fait, et c'est vrai que c'est l'unique album a faire sa place qui reste le meilleur comparé au autre album suivent qui s'est perdu un peu, a part pour lovehatetragedy qui est pas mauvait non plus et qui un que j'ecoute beaucoup aussi, ses production suivant n'est pas mauvait a entendre mais ne revienne jamais a ce que infest etait malheureusement, mais jacoby reste un tres bon chanteur et nous impressione toujours surtout dernierement avait été invité pour chanter sur une des chanson du groupe the Hu
Chronique hyper intéressante. Très belle analyse de la pochette et des thèmes des chansons.
Ça me donne envie de réécouter en m attardantndur les points soulevés dans ta chronique
Merci pour vos commentaires encourageants.
@heavyjos84: Oui écrire une chronique n'est jamais une tâche aisée, surtout s'il s'agit pour un album aussi riche où il y a tellement de choses à dire, il faut faire la part des choses et parler de l'essentiel pour que la chronique ne soit pas trop lourde à lire. J'aurais parfaitement pu m'étendre un peu plus. Pour moi à partir de Getting Away with Murder les choses ont commencé à se gâter, et après cet album j'ai complètement décroché, tout ce qu'à fait ce groupe est juste cliché à mort et sans aucun intérêt. D'ailleurs ils sont passés récemment dans la ville où je vis, mais je ne suis pas aller les voir, je ne vais pas dépenser mon argent pour supporter une setlist complète pas intéressante juste pour 2 ou 3 chansons.
@krashno: Oui, c'est rare que je m'attarde autant sur la signification de la pochette dans mes chroniques, mais là j'ai jugé cela pertinant, parce qu'il en dit beaucoup sur l'état d'esprit du groupe et la signification des chansons. Que tu ailles envie de réecouter Infest après m'avoir lu est le meilleur retour pour ma chronique ! Bonne écoute, ce disque mérite amplement d'être redécouvert.
Sacrée album ! rien n'est à jeter. Depuis getting away with murder je les suis de loin. Ils arrivent toujours a sortir 2 ou 3 tubes par albums, mais ya beaucoup de déchets . Leur avant dernier album Crooked teeth est vraiment pas mal, a par quelques compos, ya des titres de la qualité de Infest !. Par contre leur tout dernier Who do you trust, est vraiment pas terrible avec des sonorité de pop actuelle (voix digicode, son de radio quoi).
Belle chronique, sur des vieux albums, c'est bien de parler du contexte, des paroles etc... beau boulot.
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