Trivium s’accroche et lutte comme personne contre la situation mondiale, faisant de cet handicap une force presque vitalisante. Tandis que la plupart repoussent les sorties d’albums, mettent en suspens leur carrière ou s’éloigne de la musique, les membres de
Trivium se sont rapprochés géographiquement et on même fait construire un hangar en forme de QG pour se retrouver physiquement et construire leurs nouvelles compositions en groupe et non via les outils technologiques dans lesquels ils baignent depuis leur jeunesse. Et c’est ainsi que leur dixième album voit le jour, le deuxième depuis le début de l’arrêt du monde tandis que "
What the Dead Men Say" n’a même pas eu de tournées promotionnelles. Le monde à l’envers ? Peut-être mais
Trivium jouit d’une actualité que peu de groupes peuvent targuer d’avoir depuis deux ans …
"
In the Court of the Dragon" est de ce fait un effort de groupe comme aiment le décrire Matt Heafy et Paolo Gregoletto. L’album a été écrit par ces deux mains particulièrement, avec toujours la participation de Corey Beaulieu qui intervient plus dans l’agencement des parties que dans la composition pure. Ce qui ressort de l’album, c’est avant tout une force de frappe cohérente, maîtrisée et terriblement compacte, produite une nouvelle fois par Josh Wilbur qui a concocté un son démentiel de puissance et de fraîcheur.
Si on avait pu reprocher au précédent de s’engouffrer un peu trop facilement dans le sillage de "
The Sin and the Sentence", véritable renouveau avec le catastrophique "
Silence in the Snow" et le plus mitigé "
Vengeance Falls", "
In the Court of the Dragon" possède plusieurs lectures. Aux premières écoutes, force est d’admettre que
Trivium est plus que jamais reconnaissable et présent, et ce à tous les niveaux. Les riffs en acier des deux compères, puisant autant dans le thrash ricain que le hardcore, alliés au regain de violence de Matt aux vocaux (toujours épaulé par Corey pour les growls et Paolo pour le chant clair) ainsi qu’à la tempête de technicité qu’est Alex Bent derrière les futs (insaississable la partition qu’il nous joue encore une fois) … tout sent le
Trivium à 300% et, pour le coup, presque un peu trop. On en vient à penser à ce "
In Waves" qui nous avait tant surpris à l’époque, à ce "
The Crusade" qui sentait tellement bon l’hommage des années 80, à la violence débridée de "
Ascendancy" … mais on continu d’écouter parce qu’il y a toujours quelque chose qui nous fait y revenir. Un côté addictif, encore plus présent que sur les deux précédents disques, une qualité d’écriture évidente et une intelligence de tous les instants.
Trivium est peut-être sur le point de devenir le ralliement entre tous les genres de metal ? N’est-il pas gentiment en train de devenir le
Metallica de demain ? Non pas commercialement évidemment mais dans cette propension à combler chacun, que ce soit les fans de metal extrême, de heavy, de thrash ou même d’un metal plus mélodique et progressif ? Comme un alliage rare que seuls les grands noms parviennent à réaliser ?
C’est ce que parvient à faire "
In the Court of the Dragon". A combler tout le monde en balançant des riffs tétanisant de puissance (ce que
Machine Head faisait si bien il y a 15 ans mais a oublié), des refrains faciles à chanter, des passages techniques à se damner et d’autres à se cogner sa foutu tête contre le mur à force de headbanger.
Le titre éponyme, après une intro portant le titre de "X" (comme son prédécesseur avec "IX"), s’ouvre directement sur le nom de l’album hurlé par Matt. Le rythme est soutenu, agressif et le refrain, hurlé, arrive très vite. Mais c’est alors que surviennent des passages mélodiques au chant sur lequel un blast venu d’ailleurs (ce batteur …) qui détruit tout sur son passage avec une forme suprématie, de puissance et de brutalité totalement américaine qui évoque le thrash et le hardcore avec un phrasé scandé, hurlé et parfois presque parlé. "Like a
Sword Over
Damocles" poursuit le périple avec toujours ce niveau technique affolant et cet aspect écrasant renforcé par cette production infernale et surpuissante. Matt est dans la forme de sa vie vocalement et passe des cris au chant clair en un claquement de doigts, sans jamais sonner easy listening ou mainstream. La seconde partie du titre est un véritable modèle du genre, avec un enchevêtrement d’harmonies comme
Machine Head le faisait lors de l’époque "The
Blackening" / "Unto the Locust" avant qu’un riff dantesque ne vienne nous coller l’une des mandales de l’année en la matière. Le live risque d’être impérial.
Si les premières écoutes pouvaient laisser sous-entendre que le groupe ronronnait, il n’en est rien lorsque l’on se plonge réellement dans ce disque, peut-être même plus riche et mieux écrit finalement que "
The Sin and the Sentence", plus violent également. Effectivement, ce dixième album regorge de rage et de furie, comme en atteste également le radical "A Crisis of
Revelation", probablement l’un des titres les plus extrêmes jamais écrit par le combo. Matt est plus furieux que jamais, le riff principal découpe au hachoir, le refrain instaure une certaine mélancolie qui est vite rattrapé par la vitesse des parties instrumentales derrière. Le solo est véritable prouesse sur presque deux minutes, les deux gratteux se renvoyant la balle d’abord de façon très mélodique (l’héritage de Maiden sur la première partie) avant qu’un solo de basse surprenant n’amène un passage au tapping qui monte en puissance et étale toute la supériorité technique du quatuor. Impossible de ne pas évoquer aussi ce riff typiquement thrashy de "No Way Back just
Through", morceau beaucoup plus court et une nouvelle fois très technique mais qui se différencie par son refrain mélodique, simple (répétition du titre du morceau plusieurs fois) et taillé pour les foules.
Trivium varie également les plaisirs avec les plus accessibles, mais jamais simples, "Feast of
Fire" (qui aurait eu totalement sa place sur le précédent disque) ou "From
Dawn to
Decadence". Quant au reste, le quatuor y délivre sa patte plus progressive avec "The
Shadow and the
Abattoir" et son intro acoustique qui va trouver son déferlement d’agressivité sur sa seconde partie ou encore le très pointilleux "
Fall into your
Hands" (ce jeu de cymbales), également aux alentours de sept minutes. Si le riff principal est toujours aussi brut, le morceau nous gratifie d’un sublime refrain très mélancolique évoquant les hommes tombant au front (c’est du moins l’interprétation que j’en ai) et une accélération centrale faisant mal au crâne. "
The Phalanx" qui clôture l’album avait déjà été dévoilé et se veut plus lent, insidieux et fini l’album sur une touche moins technique (quoique …) mais plus brute et acérée, témoignage de toutes les cordes dont
Trivium dispose à son arc.
"
In the Court of the Dragon" est une réussite impressionnante lorsque l’on sait que le groupe n’a eu aucun recul, si ce n’est le sien, depuis "
What the Dead Men Say". Ce dernier n’a pas été joué sur scène, n’a pas été défendu et le groupe n’a eu de retours que ce qu’ils ont pu lire sur internet. Ils ont tout de même trouvé la force de poser de nouvelles idées sur le papier et de revenir avec ce qui pourrait être leur album le plus technique et agressif à ce jour. Un disque complet, témoignant d’une totale maîtrise de ses moyens et une pleine conscience de ses forces. Un must have pour les fans de metal au sens large. Et ça, c’est aussi une belle réussite. "Les clivages n’ont plus lieu d’être à l’écoute de
In the Court of the Dragon" ...
Je n avais pas ressenti un "bon album" depuis shogun personnellement mais celui la je le passe en boucle. Écriture maîtrisée. On ressent les similarités avec les 5-6 derniers mais avec la net impression qu ils n ont garder que le meilleur des précédent albums depuis in waves et concentrer tout ça pour nous servir celui-ci!
Très satisfaisant.
Petite info bonus qui pourrait plaire aux fan de Trivium. Matt Heafy à une chaine twitch ou il est très actif. Il reprend des titres de Trivium pour le plaisir de les faire apprendre à ses fans.
Ducoup en réalité le manque de recul de What The Dead Men Say s'est fait sur deux ans en live twitch avec des discussions intéressantes entre les fans et Matt et lui même. Je vous recommande ça. Et grosse surprise la qualté de ce Trivium.
Merci Eternalis pour cette chronique trés compléte.
J ai découvert Trivium il y a juste 1 mois et déja écouté tous leurs albums. J avais une préférence pour The Crusade pour son coté mélodique et Shogun son coté plus trash mais j apprécie encore plus ce dernier album trés complet et débordant d énergie. Aucun morceau ne ressemble au precedent, c est plein de variations rythmiques, musicales et vocales et c est une puissance OMNIPRESENTE.
Ils m auront fait apprécier le chant hurlé aussi, je "kiffe" donc vraiment ce groupe, et j attends avec impatience janvier 2023.
C est certain qu'ils feront parler d 'eux
Après son sublime album précédent, Trivium nous sert très certainement son Chef d'Oeuvre.
Quel album ! Mais quel album .... p......!
Et qu'est ce que Matt a évolué au cours des années !
Certainement l'album de l'année pour moi.
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