Il fut un temps où
Whitechapel n'était que tempête et fureur. Originaire du Tennessee, le groupe s’était forgé une réputation de titan dans le monde du deathcore, à coups de riffs martiaux et de hurlements viscéraux. Mais ce n'était là qu’une première peau puisque depuis quelques années, la Bête s’est muée. Elle ne rugit plus seulement mais elle raconte, elle chante et elle exorcise. Ce virage, on le doit à deux disques charnières à savoir
The Valley (2019) et Kin (2021), des œuvres jumelles d’une intensité rare, à la fois profondes et bouleversantes.
The Valley fut la première faille dans l’armure. Phil Bozeman y livre un récit intime sur son enfance marquée par la perte, la maladie mentale et la violence. Pour la première fois, le cri laisse parfois place à une voix claire, fragile, presque touchante. Le groupe y développe une musicalité plus atmosphérique, des éléments alternatifs et progressifs sans jamais renier ses racines lourdes. Kin a poussé cette exploration encore plus loin. Il ne s’agit plus simplement de la part de la formation américaine de raconter, mais de mettre en scène l'intériorité et d’en faire un théâtre psychologique. Le chant clair fait forte impression, les structures des compositions deviennent encore plus progressives, semblables parfois à du
Opeth et les textures se densifient. Sans conteste l’apogée du sextet, l’album est une narration déchirante, une forme de mélancolie rare dans un style qui ne laisse généralement pas ou peu transparaître les sentiments.
A travers ces deux tableaux,
Whitechapel nous a montré une vulnérabilité à laquelle on ne s’attendait pas et c’est précisément sur ce point qu’a résidé leur puissance nouvelle, dans cette capacité à mêler le poids du passé à l’ambition musicale actuelle, à tresser ensemble l’agression et la grâce. Après cette expédition dans les méandres de l’introspection, le collectif revient avec son neuvième opus
Hymns in Dissonance à des sources brutales et traditionnelles. Au sein de cette production, nos musiciens nous plongent dans un univers sombre et fictif centré sur un culte démoniaque qui incarne les sept péchés capitaux, où chaque morceau est pensé comme un sacrilège, comme un hymne.
Dès le titre d’ouverture
Prisoner 666, le ton est directement donné avec ses guitares tranchantes, son martèlement à la batterie et son atmosphère morbide. La prestation vocale de Phil Bozeman est une véritable apocalypse sonore, une rage habitée et une modulation impressionnante de sa voix. Entre grognements, hurlements et murmures, sa performance est un théâtre de la souffrance dont son paroxysme arrive à la toute fin de la chanson, lorsqu’il récite ses cultes sataniques qui ne sont ni plus ni moins que des phrases « inversées ».
La transition avec le morceau éponyme se fait tout naturellement, toujours dans un climat austère et impitoyable. Néanmoins, nos Américains laissent transparaître quelques riffs mélodiques et surtout des accents thrashy sous des percussions ultra-frénétiques. Le death languissant n’est jamais bien loin et les deux pannes sont là pour nous rappeler toute l’hostilité du sextet. Les accords sont graves, conventionnels et le chant est tout particulièrement caverneux, ce qui renforce cette sensation de désolation, de peine.
Cette animosité semble parfois forcée et se caractérise globalement par des rythmes nonchalants ainsi que par des techniques vocales quelque peu redondantes.
A Visceral Retch s’apparente davantage à une démonstration de Phil Bozeman, de ses growls d’outre-tombe et de cette aisance à basculer aussi rapidement d’un chant hurlé à un chant guttural. Si la composition n’en reste pas moins la plus spectaculaire vocalement parlant, l’instrumental lent et alarmiste ne lui fait pas vraiment honneur. Dans une conception plutôt similaire, on préférera peut-être un
Diabolic Slumber grâce à quelques riffs stridents et à des solos qui participent aux rares instants harmonieux de l’ouvrage.
Le disque ne manque d’ailleurs pas de performances solitaires de la part de ses auteurs, à chaque fois sous une ambiance frissonnante et étrange. La suite qui comprend The
Abysmal Gospel,
Bedlam et Mammoth
God sont autant de titres que de prouesses guitaristiques, non sans quelques répétitions qui lasseront indéniablement l’auditeur. Quant au final
Nothing Is Coming For Any Of Us, la seconde partie du morceau est la seule à faire référence à l’arc progressif et mélodique de la formation, principalement grâce aux longs mais somptueux et touchants solos qui laissent peut-être entretenir l’espoir d’un retour à des sonorités épurées lors de la sortie du prochain album.
Whitechapel signe avec
Hymns in Dissonance un retour aux sources aussi brutal que conceptuel. Si ce neuvième opus impressionne par sa densité sonore, son univers occulte et sa performance vocale hors norme, il n’en reste pas moins un album contrasté. À force de cultiver la noirceur et l'agressivité, le groupe semble parfois se heurter aux limites de son propre extrémisme, au risque de se répéter ou de noyer sa finesse dans le chaos. Cependant, au cœur de cette fureur ritualisée, quelques éclats de lumière subsistent, des solos élégiaques, des harmonies dissimulées et des climats lancinants. Toutes ces caractéristiques prouvent que le sextet américain ne se contente plus d’être une Bête hurlante et qu’il a mûri avec le temps.
Après avoir eu les pires difficultés à me procurer la version physique de l'album ( merci metal blade avec vos tirages de nain) , je dois bien avouer que j'aime beaucoup ce skeud.
Certe l'oeuvre deborde de rage mais la production ultra clean rend le tout digeste, la performance vocale du frontman est juste hallucinante, il delivre une variété de chant tout au long des 11 morceaux qui force le respect .
Contrairement à la chronqiue j'aime beaucoup A visceral Retch qui est un morceau qui prend littéralement aux tripes . En plus de ce morceau j'aime beaucoup Hymns in dissonance, Bedlam, Mommoth God après l'album est bon dans la longeur, il y a pas vraiment de moment faible, si ce n'est prisonner 666 qui j'ai plus de mal...
En 2023 rentre en studio, un line up est stable, seul le poste de batteur à vus quelque rebondissement. Brandon Zackey, quitte Enterprise Earth et prend la relève de d’Alex Rudinger en 2022, Alex était dans le groupe depuis 2017 succédent à Ben Harclerode.
En aout 2024 sort le premier single "A Visceral Retch ", un titre qui rappelle tout de suite les débuts brutal du groupe. Un peu plus tard la formation déclare :"Nous avons essayé d’écrire notre album le plus lourd à ce jour. Nous voulions sortir quelque chose de choquant, de menaçant et de brutal.”
Ils n'ont pas menti ! après un bref intro, c'est une véritable giffle annoncé par cette phrase "I bear the number 666"."Hymns in Dissonance" enfonce le clou, dégageant une violence extreme, plus aucun doute, la boucherie annoncé n'est pas juste un coup de communication commercial.
Pour ceux qui ce demanderait, nous ne somme pas sur un "The Somatic Defilement BIS". On ressent toute l'expérience acquise par la formation, et c'est bien une nouvelle expérience que l'on retrouve là. Un bon album de bout en bout, un deathcore solide.
Je te rejoinds totalement sur ta note Groaw, merci pour le papier au top. Où nous mèneront t'ils sur leur prochain album ?
@Ensiferum : et merci à toi pour être toujours aussi fidèle après toutes mes chroniques sur le site ainsi pour tous ces compliments qui me vont droit au coeur. Je comprends parfaitement que cet album te donne du fil à retordre : on est vraiment aux antipodes de The Valley et de Kin avec une musique directe, brute et parfois suffocante. Pour ma part, je suis forcément aux anges car on est dans un style qui me parle totalement et qui rejoint parfaitement mes attentes en termes de deathcore. Après, j'ai vraiment aimé les deux précédentes tentatives vers une musique progressive et où les sentiments sont davantage palpables mais un retour vers quelque chose de plus traditionnel est à mon sens plutôt bien pensé de la part du groupe pour éviter de la répétitivité
@Shattered : j'aime bien A Visceral Retch, je regrette surtout l'instrumental qui ne reflète pas la richesse vocale de Phil Bozeman. Dans le même registre, la plupart des compositions sont au-dessus en termes de mélodie
@Goneo : idem que pour Ensiferum, merci à toi pour ta fidélité envers toutes ces années. Hâte de voir où ce beau petit monde peut nous mener mais en tout cas, les Américains n'ont désormais plus grand-chose à prouver après ces dernières productions d'excellentes factures
Tout d'abord excellente chronique, comme d'habitude!! En fait il y a juste sur l excès de violence où nos avis divergent quelques peu. Ce retour à un album full ultra violence je n y croyais pas, et l avoir entre les oreilles et surtout avec un tel niveau que cela soit niveau compositions ou performances purement techniques... Phil B me scotche littéralement là!!! Et comme les autres sont au diapason... j ecoute pas beaucoup de deathcore; et surtout des anciens trucs que je classerai maintenant dans une catégorie perso ´old school deathcore ´ beaucoup de groupes modernes que tu chroniques sont très bons (génération lorna shore) mais pour ceux là je trouve que l on est plus dans la performance individuelle que dans l effort collectif. Je sais pas comment l expliquer, son trop poli, batterie trop triggée, break down trop au centre et attendus comme LE grand moment du titre... ici même si cela semble très violent c est plus abordable et préhensible... plus old school... leur panzer division a eux!! Et pourtant j'ai autant aimé Valley et Kin auxquels je donne la même note. Les goûts et les couleurs... en tout cas je continue à te lire avec grand plaisir!!
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