Les dernière sorties de
Sabaton pourraient constituer un seul et unique album tant leurs identités sont confondues et impersonnelles par rapport au complet et abouti “
The Art of War”. Depuis 2010, on ne peut s'empêcher de parler de
Sabaton sans une once de regret. Regret de mettre un tel talent, une telle puissance, une telle force de frappe au service d'un genre, certes unique au groupe mais défini dans des frontières étroites qu'il s'est lui-même tracées. Ces 4 dernières années, la recette des Suédois n'a pas varié d'un nanomètre, offrant, pour le plus grand plaisir des fans, des refrains imparables, mais de plus en plus convenus, des lignes de guitares ravageuses mais de plus en plus neutres, des sons de clavier puissants mais de moins en moins prenants, puis un chant guerrier et imparable mais qui, sans perdre sa qualité, transporte bien moins de passion. A présent, peu importe l'ordre dans lequel on écoute
Sabaton, la première écoute sera passionnante, les autres albums seront inintéressants à moins d'être fanatiquement dévoué au style.
Et c'est avec une grande peine que je vous dis que, malgré la très grande qualité de ce
Heroes, il ne fait globalement pas exception à la règle. Le voyage est le même, des horizons militaires portés par une voix au timbre profond et puissant, un clavier (enterré sous les guitares dans cet album...) suivant les refrains, des choeurs d'une grande puissance et des mélodies à effet immédiat. Tout pour un bon album, non ? Bon album, il y a, ce
Heroes saura ravir les fans et séduire les amateurs. Malheureusement, ceux qui commencent à porter une oreille critique sur le groupe seront confortés dans leur triste mais non moins justifié avis.
“
Night Witches” ouvre l'album et témoigne d'emblée de la superbe production. Puissante et nette, on retrouve toujours ces choeurs en arrière plan qui supportent perpétuellement la mélodie dans tous les titres du groupe. Le titre semble plus agressif et frappe immédiatement le connaisseur par la ressemblance de son refrain avec
Ghost Division. Il ne manque que ce “
Ghost Divisioooooon” électronique et rauque pour accompagner le chant et on obtient un résultat proche du plagiat... Preuve d'un manque d'inspiration ? D'un manque de volonté artistique ? Ce n'est pas tout à fait cela, car
Sabaton dans ce titre livre toujours une prestation exceptionnelle. Mais le simple fait de vouloir ouvrir un album par un titre “rentre-dedans” dans un genre tellement restreint créé une ressemblance immédiate avec toutes les autres chansons d'ouverture. Ainsi, sans se parodier,
Sabaton s'est emmuré et ne peut varier un minima son propos dans ses propres frontières sans se rapprocher de ses oeuvres auxiliaires.
Pire encore, dans certains titres,
Sabaton fait carrément preuve d'une très grande pauvreté. On savait que le groupe ne variait jamais ses structures, se contentant, au fil des titres de 3 minutes, d'offrir l'habituel “couplet-refrain-couplet-refrain-solo...”, mais on s'est habitué à ce fait. Mais lorsque l'on écoute un titre comme “
Inmate 4859”, très heavy avec un son bien gras et une ouverture au carillon, on remarque à notre grand dam que
Sabaton s'est contenté de caler son refrain sur son riff pour un résultat sans surprises aucune... La piste est fort heureusement rattrapée par ce chant plus rocailleux que de coutume et ces choeurs qui n'ont jamais été aussi présents. C'est le paradoxe de
Sabaton, le talent est bien présent, pas l'envie de le sublimer.
Même constat pour “No Bullets Fly”. Malgré son très bon riff, le titre applique aussi minutieusement qu'impersonnellement les règles que
Sabaton s'est lui-même fixées, comme le témoigne ce refrain, qui excelle dans le genre mais n'apporte rien de nouveau. Diagnostique semblable pour “
Soldier Of 3 Armies”. Le titre s'ouvre sur un break qui met l'eau à la bouche avant d'enchaîner sur un tempo dynamique mais qui ne fait que porter un refrain encore sensiblement similaire à plusieurs des titres des albums précédents. Néanmoins, instrumentalement, la chanson se pare d'un bon solo et de parties de batterie bien moins passives que dans les anciennes sorties. Mais que dire de “The
Ballad Of Bull” qui ne décolle jamais et dont le couplet est dangereusement semblable à celui de “
A Lifetime of War”, on pourrait presque y caler son refrain... On ne peut nier que les parties de piano sont de grande qualité, de même que ces magnifiques violons qui accompagnent les envolées vocales, mais le titre ne fait que confirmer les lacunes du groupe, incapable de varier un peu son message sans tomber dans la ressemblance avec les titres qui se sont essayés aux mêmes tentatives... Ainsi, la majorité des titres apportent le strict minimum de ce que demandent les fans, même si certains d'entre eux livrent une très grande richesse instrumentale.
De ce côté, il est vrai qu'il y a du progrès, instrumentalement, il y a beaucoup plus de présence, il suffit d'écouter “
Far From The Fame” qui livre encore une fois une superbe partie de batterie, jouant avec tous ses toms lors du couplet, sans parler de ce refrain surprenant et puissant, porté fièrement par ces choeurs guerriers pour un résultat proprement épique ! Evoquons aussi ce solo dynamique et ce riff génial sur le pont, dommage qu'aussi peu d'efforts soient faits au niveau de la structure. “
To Hell and Back” puise sa force de son riff qui pourrait nous faire entamer une danse cosaque, qui hisse sur le podium un superbe refrain capable de rendre jovial un entraînement militaire ! “
Resist and Bite” joue sur les contrastes en apportant un couplet superposé sur des guitares en sirènes, avant d'enchaîner sur un refrain hymnique comme
Sabaton sait si bien les faire. Oui, innovation il y a, mais comme dans tous les autres albums, les Suédois ne font qu'apporter quelques touches pour sublimer partiellement leur musique, l'effet est d'autant plus frustrant car de ce fait, on voit que
Sabaton a énormément de choses à apporter.
Encore une fois,
Sabaton s'est montré rigoureusement égal à lui-même, il ne semble plus vouloir sortir de ses sécurisantes frontières. On sent et on sentira toujours son talent transcender dans ses musiques, on passera un agréable moment, par cette production, par cette superbe prestation vocale et instrumentale, on ne pourra que reconnaître la capacité certaine de ces Suédois pour nous livrer des hymnes, des riffs guerriers et des atmosphères si uniques qui témoignent d'une identité propre et aboutie. Mais on ne pourra que regretter le fait que le groupe ne veuille pas sortir de son genre, dont “
The Art of War” semble déjà avoir exploré tous les horizons... Imaginatif dans son style,
Sabaton gardera sans doute son succès, mais celui-ci perdra de son ardeur, au fil du temps, les anciens fans perdront leurs passions pour un genre qui porte plein de promesses mais qui se contente de battre des sentiers aussi sécurisants que linéaires...
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