Le premier album de
Nargaroth, paru en 1998, est le résultat d’un long processus de composition qui a vu Kanwulf, compositeur émérite et tête pensante de ce qui deviendra un des plus grands groupes du Black
Metal, poser les premières bases de son projet avec sa fameuse démo instrumentale, «
Orke », sortie en 1991. La génèse de cet « Herbsleyd » (littéralement « Souffrance d’Automne » en vieil allemand) est à chercher de ce côté-là. Pour continuer dans l’histoire musicale du groupe, on peut aussi penser à la version « promotionnelle » du morceau «
Herbstleyd », disponible sur
Amarok (paru bien après sa création, en 2000), qui est de même une des bases de cet album.
C’est par ce morceau éponyme, ou plutôt par son introduction que débute cet album : et d’emblée, les bases sont posées, on aura à faire à une ambiance guerrière et légendaire, une association entre mythologie et musique. Les premières minutes de cet album « mythique » sont constituées par des chants féminins, que l’on peut comparer à des chants de Valkyries, instaurant une ambiance très «
Pagan Black » dans cet album. L’atmosphère de ce début d’album décrit un monde « paradisiaque » et pourrait symboliser l’étape après la mort, l’arrivée du guerrier au
Valhalla après la « bataille » qui suit sur ce passage atmosphérique : ainsi l’auditeur avance progressivement dans cette ambiance jusqu’à s’immerger complètement dans cet album. De là, il va soit ressentir une lassitude extrême, puisque cet album est lent et l’atmosphère y est omniprésente, oppressante, soit il va réellement s’enivrer de cet album « magique » et transcendant par son concept, majestueusement développé, et sa musique épurée et crasseuse, teintée d’un Black «
Old School » inspiré par le
Burzum des grandes heures (du « Hvis Lyset Tar Oss » ou du « Filosofem » se ressentent sur cet album) et par les émotions personnelles de Kanwulf, personnage des plus étranges, qui puise énormément dans la littérature allemande et dans son si riche patrimoine(le thème de l’automne, par exemple, en est un composant explicite) pour fournir ses œuvres.
En effet, d’une part, son ambiance guerrière et médiévale sert un concept fort, développé durant tout l’album par des atmosphères très travaillées : l’exemple le plus abouti est sans doute la première pièce de la trilogie «
Amarok – Zorn des Lammes », apogée de cette atmosphère narrative, légendaire… « Légendaire », car on peut dire que cet album se vit comme un véritable « conte ». En effet, l’ambiance "mystique" qui en ressort nous donne l’impression que le personnage de jeune fille choisi par Kanwulf « raconte » réellement l’histoire dont elle est la protagoniste : son sampler est criant de vérité et l’album, lorsque vient le riff de cette première partie, est à son paroxysme : ce morceau, lent, lourd, fascine l’auditeur par sa forme et par ce qu’il y décrit : l’esprit du loup dans la mythologie inuit, figure menaçante qui pèse sur ce morceau et qui explose à la fin, l’habitant réellement. La jeune fille qui racontait calmement cette histoire au début du morceau pousse, à son terme, des cris atroces, faisant vivre à l’auditeur la profondeur d’une ambiance recherchée et toujours très intéressante.
D’autre part, Kanwulf et son acolyte de toujours Charoon offrent un Black
Metal qui prend une forme épurée, primitive et très parlante, directe et sans concession : les morceaux tels que «
Nargaroth » ou « Karmageddon », hérités de «
Orke », exposent cet objectif du groupe, son aspect primitif, son charme «
Old School » puisque
Nargaroth offre, avec cet album, de bons morceaux de Black
Metal servis par une production cradingue, certes, mais très appréciable : les guitares, si elles ne sont pas très puissantes, sont bien mixées ; et la boîte à rythme est habilement programmée : les riffs de cet «
Herbstleyd » n’en ressortent que mieux, fendus par la haine exprimée par le chant de Kanwulf. Encore une fois, la production lui donne un vrai charme : l’effet « delay » que l’on peut déceler dans l’amplification de son chant sert cette visée « misanthropique » qu’il veut lui donner, et par ses cris haineux et très présents tout au long de l’album, Kanwulf « habite » ce «
Herbstleyd » par sa présence vocale excellente dont on reconnaît toujours la « patte » personnelle. De plus, on a sur cet opus un Black
Metal qui utilise de façon homéopathique le clavier, donnant ainsi par ses touches et ses notes un aspect « païen » bienvenu(utilisation de "cuivres", de nappes de violons)et un relief réel à une musique « mystique » ou encore les guitares au canal clean qui donnent elles à l’album un aspect mélancolique, désabusé qui ne se perd pas une seule fois dans la "dépression" stérile : l’introduction de « Karmageddon » ou le pont de "
Die Alten Kriegers Seelenruh" sont les exemples de cette efficacité de l’atmosphère.
La mélancolie et la haine qui ressortent de cet album explosent lorsque vient le dernier morceau : "Vom Traum,
Die Menschheit Zu Töten", qui voit Kanwulf asséner encore son Black
Metal épuré, minimaliste, mais plein d'émotions et d'emphase dans un ultime morceau qui se veut être un hommage au "Thousand
Swords" de
Graveland... Cet album, "
Herbstleyd", est une autre preuve, dans le Black
Metal, que l'on peut faire un chef-d'oeuvre avec peu de moyens : très peu de technique et peu de matériel, mais un rendu très profond et prenant. Certes, cet album a un peu vieilli, mais il n'en reste pas moins la première offrande d'un groupe fascinant, bien plus par sa musique, changeante et renouvellée à chaque album, que par les affres de son étrange mais très talentueux chanteur.
" De là, il va soit ressentir une lassitude extrême, puisque cet album est lent et l’atmosphère y est omniprésente, oppressante "
C'est malheureusement pour moi exactement ce qui s'est passé, et je n'ai pas pu aller jusqu'à la fin de l'album. Dommage car la chronique était alléchante! Mercià toi.
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