Il existe bien des albums, qui, aussi excellents soient-ils, ne peuvent être savourés comme il se doit sans un contexte ou une humeur particulière qui leur permettent de révéler toute l'étendue de leur créativité.
Dark Fortress fait partie de ces formations talentueuses offrant des albums à la qualité indéniable tournant autour d'une atmosphère et d'un thème plus ou moins précis, distillant avec brio une histoire, un décor ou encore un mythe autour d'une durée d'écoute importante sans que celle-ci ne soit lassante ou emplie de répétitions maladroites.
Alors que le sextet allemand nous avait laissé en présence du conte horrifique de
Seance en 2006, de petits soucis au sein du groupe amènent
Azathoth (le chanteur) à quitter la formation après douze ans de participation et quatre albums savoureux. Loin de se laisser abattre, les membres restant poursuivent la composition de leur cinquième album et recrutent judicieusement Morean afin que ce dernier comble le vide qui s'était instauré.
On pouvait alors se demander ce que donnerait un nouveau chanteur à ce stade de la carrière du groupe. Laissez moi vous rassurer, les teutons n'ont pas perdu de leur force de composition ni de leur talent à créer des atmosphères prenantes et offrent avec cet
Eidolon un de leur meilleur album.
Que l'on préfère
Azathoth ou Morean, je gagerais que tout ceux qui ont acheté cet album la sueur au front et les genoux branlants ont poussé un soupir de soulagement assez considérable. En effet, dès le début de "The
Silver Gate" nous pouvons nous délecter de ce riff froid, aussi sinistre que cynique et par dessus tout diablement entraînant dont V.Santura a le secret (l'homme en question est par ailleurs le principal compositeur du groupe) qui se mêle habilement aux nappes de clavier de Paymon soutenues par les blasts de
Seraph. Le fond de la recette ne change pas, mais la forme est quelque peu modifiée par rapport à
Seance. Alors que l'opus précédent misait sur une ambiance plus sombre, plus glauque où l'auditeur faisait jouer de son imagination en écoutant chacune des compos,
Eidolon est plus percutant et offre neuf pistes sans concessions, toutes différentes les unes des autres, chacune étant doté d'un point fort et d'un rôle à jouer.
Là où
Seance jouait (judicieusement !) la carte de l'atmosphère et de la réflexion pour la structure des morceaux et leur enchaînement, cet opus hausse le niveau de hargne et créer des titres réellement marquants, devenant alors de vrais hymnes du groupe ce qui pouvait manquer au précédent album malgré son lot de bons morceaux.
Et ce ne sont pas des titres tels que "
Baphomet" et son riff qui offre une furieuse envie de destruction à l'auditeur, ou encore "Edge Of
Night" et son esprit "Heavy/Black" diablement entraînant amenant un break aux sonorités fantomatiques rafraîchissantes qui viendront me contredire. À noter pour le premier tire sus-cité la présence d'un chanteur guest (et non des moindres...) à savoir le célèbre Thomas Gabriel
Fischer (Tryptikon,
Celtic Frost...) qui viendra aider Morean lors de son invocation au démon, le seul regret que nous pourrions avoir quant à la présence de Sir Fisher serait que sa voix pourrait être plus présente.
Bien entendu, il ne faut pas croire que parce que cet album est quelque peu plus accessible que son prédécesseur, car plus droit au but, il est dépourvu d'atmosphère, ce serait une grave erreur de votre part. Un des principaux atout, que dis-je, force, de
Dark Fortress a toujours été d'emmener l'auditeur dans le monde inhérent à la pochette de l'album quel qu'il soit. En effet, si le superbe
Seance nous faisait prendre la place de l'ombre figurant sur la couverture, alors toute l'imagerie morbide et éthérée d'
Eidolon véhiculée par l'illustration d'Anna Tluczykont prendra tout son sens je vous le garantis. Que ce soit grâce à "No Longer
Human" et sa sublime mélodie due au mélange des nappes de clavier spectrales et du riff hypnotisant si caractéristique du groupe ou bien le sinistre titre final "Antiversum" arborant un break des plus lugubre surplombé de la voix si caractéristique de Morean concluant d'une fort belle manière ce superbe album, la dimension bleuâtre de cet album saura vous envelopper petit à petit et ne vous lâchera certainement pas avant que la galette n'ait cessé son manège diabolique.
Que l'on préfère
Azathoth ou Morean on peut aisément dire que chaque adepte de
Dark Fortress trouvera son compte en cet
Eidolon. En effet, bien que la voix du premier avait pour avantage d'être plus cynique et torturée, la voix de Morean sied mieux à l'aspect de ce cinquième opus par son timbre plus profond, malsain et le fait que le chant garde un rythme calme renforçant la rugosité de la voix et alourdissant l'atmosphère avec brio. Et que ce soit l'un ou l'autre derrière le micro, ils restent tout deux fort talentueux et savent intégrer à la perfection leurs vocalises et ne dénaturent aucunement l'esprit des compositions, le tout formant alors une musique de qualité comme il en faudrait plus souvent.
On peut donc dire qu'avec
Eidolon, les six allemands avaient déjà fort bien tracé la voie d'
Ylem et avaient offert à leur fans un souffle d'air frais, habile mélange de mélodie et de brutalité, affinant leur pâte personnelle, les hissant un peu plus haut vers le sommet des incontournables du metal allemand.
Il n'appartient donc plus qu'à vous de découvrir (ou ressortir du placard) ce cinquième et délectable opus.
Dark Fortress continue son petit bout de chemin pour notre plus grand plaisir et ne tombe pas dans le piège de la facilité nous offrant de la qualité et de la jouissance au sein d'univers macabres. Il ne reste plus qu'à espérer qu'il en sera toujours ainsi.
Valentheris.
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