La longue marche vers la célébrité suprême ne semble jamais s’arrêter pour
Epica. Seulement six ans de vie, quatre albums studios, un live symphonique, une bande originale de film, un dvd, un nouveau en prévision et de multiples tournées à travers le monde. Il est clair que les chances ne sont pas également réparties entre les groupes, et que
Epica a, depuis sa naissance, bénéficié d’atouts et de supports promotionnels qui leur auront permis de s’intégrer très rapidement dans les plus hautes sphères du metal symphonique.
Emigré du défunt
After Forever, Mark Jansen a enfin toujours eu à cœur de laisser s’imposer une puissance de plus en plus forte à l’intérieur d’une musique grandiloquente et fortement épique, délaissant l’aspect atmosphérique de ses anciens compagnons menés par
Floor Jansen.
"
The Divine Conspiracy" avait marqué un pas en avant dans cette direction, largement plus violent qu’un "
Consign to Oblivion" porté par un souffle épique inégalable, mais souffrant d’un immense décalage sonore entre symphonies et instrumentations métalliques. Sascha Paeth avait, en effet, tellement mis en valeur les chœurs (somptueux) qu’une certaine platitude ne pouvait que filtrer sur les passages plus proprement metal et agressifs, au point d’en devenir désagréable voire redondant tout au long des soixante-quinze minutes de l’album. Un décalage qui allait de pair avec quelques essais infructueux ("
Never Enough") qui permettaient de laisser douter sur l’avenir musical et artistique du groupe.
"
Design Your Universe", nouvelle production 2009, vient donc rassurer les détracteurs qui voyaient déjà un groupe simplifier sa musique. Loin de la grandeur et du charisme naturel d’un
Nightwish, ou de l’aspect guimauve d’un
Within Temptation,
Epica poursuit sur sa propre voie, de plus en plus unique et déterminé par un son personnel, pour enfin trouver sa plénitude dans ce que Mark Jansen a toujours voulu désirer. L’agressivité.
Il ne va pas sans dire que "
Design Your Universe" restera comme l’un des disques les plus violents jamais enregistrés dans le genre (à dominance féminine symphonique j’entends), dégageant une puissance jouissive et véritablement surprenante lors de la première écoute. Car, tout d’abord, il y a ce son, cette production limpide et monstrueuse d’épaisseur, loin de
The Divine Conspiracy. On sent qu’elle a été complètement revue en profondeur, les guitares n’ont jamais été aussi épaisses, la batterie n’avait jusqu’à alors jamais bénéficié d’autant d’espace tandis que les symphonies et les chœurs, plus démesurés que jamais, prennent corps, s'intégrant à la musique, comme ce fut le cas, dans un genre différent, sur "
Consign to Oblivion".
"Resign to
Surrender", succédant à une introduction légèrement plagiée à
Rhapsody of
Fire, met rapidement les choses en place. Les nouvelles recrues (Isaac Delahaye et Ariën Van Weesenbeek), respectivement guitariste et batteur de
God Dethroned, ont apporté une touche résolument extrême à l’ensemble, incorporant soli (un vrai bonheur lorsqu’on sait qu’il n’y en avait qu’un sur l’album précédent) technique et batterie en constant mouvement. Un hurlement de Mark ouvre le ballet vocal, et les progrès apparaissent comme impressionnants. Lui qui souffrait il y a encore deux ans d’un cruel manque de personnalité, par son chant monocorde et sans âme, tient désormais un registre death grave et sombre mais qui convient parfaitement à la musique, et qui se marie à merveille au chant d’une Simone qui n’a jamais aussi bien chanté. S’éloignant quelque peu du lyrisme pur, sa voix a gagné en puissance, en maturité et unicité, comme en témoigne la puissance qu’elle dégage sur ce premier titre.
Puissance. "
Martyr of the Free World" marque un pas décisif dans ce domaine, délivrant une violence réellement peu commune dans le genre. Sur une base death technique, surmontée d’une double pédale furieuse et d’un riff énorme, se posent quelques éléments ethniques sombres, le chant de Simone se faisant enlaçant, tel un serpent, séduisant et dangereux avant un refrain à marquer dans les annales. Si Ariën n’en finit pas avec ses descentes de toms, la brutalité du refrain, purement jouissive, laisse la place à un solo technique bien loin de leur univers habituel. Ariën catapulte réellement chaque morceau de sa touche incroyablement technique, comme sur "Semblance of Liberty", pour ne citer que lui, où
Epica se rapprocherait presque d’
Arch Enemy. Un riff tortueux, un léger blast, des arrangements de claviers égyptiens, une lourdeur jamais entendue chez le groupe et un pont central très proche des Suédois, basé uniquement sur un riff.
Comme ses opus précédents, l’album dure plus de soixante-quinze minutes, et si l’on déplore quelques morceaux de trop (l’apathique "Our
Destiny" notamment),
Design Your Universe peut, en revanche, se targuer de disposer de deux superbes ballades, ce qui est de plus en plus rare. Si "Tides of Times" subjugue notamment pour la capacité exceptionnelle de Ariën à placer des descentes de toms monstrueuses en plein milieu d’arpèges sensibles, "White Waters" elle, est magnifiée par l’apparition d’un Tony Kakko (
Sonata Arctica) visiblement au sommet de son art, apportant une dimension tragique et théâtrale à une composition qui n’aurait pas dépareillé sur "The Days of Grays" (peut-être y aurait-elle même mieux sa place).
De même, "
Kingdom of Heaven", longue fresque de treize minutes, passera en revue tous les éléments du groupe, passés et présents. Ambiance sombre et chevaleresque, double pédale syncopée, blast (le passage à 4min20 est magnifique), riff death technique, chœurs ecclésiastiques et une Simone impériale, même si beaucoup moins prédominante que par le passé. On remarquera, une nouvelle fois, l’influence de
Rhapsody dans les parties narratives du batteur, très proche de celle présente sur
Rain of a Thousand
Flames des Italiens, et le même goût véritable pour la démesure et l’aspect cinématographique de la musique.
Et justement, si l’on devait énumérer quelques défauts dans ce "
Design Your Universe" qui, s’il est pétri de qualités, n’en demeure toujours pas moins parfait, c’est peut-être le manque de discernement de la musique, manquant parfois cruellement d’aspérités. A titre d’expérience, l’écoute de l’album se veut bien plus intéressante et probante en format hi-fi que casque, pour la simple et bonne raison que l’immersion est parfois difficile dans ce déluge de musicalité. Ainsi, si la puissance se veut des plus agréables en écoute sur chaîne, le manque manifeste de magie se fait sentir lorsque l’on attend autre chose de l’album, au fur et à mesure que l’on multiplie les écoutes.
"
Design Your Universe" reste un album de choix pour les fans du genre, qui marquera probablement le groupe à long terme et qui offre de nouvelles possibilités dans un style qui commence sérieusement à se scléroser. Tout n’est pas encore là, mais
Epica vient de poser les bases de quelque chose d’énorme, technique et très fortement inspiré. L’avenir nous dira de quoi sera fait cet initiateur que l’on dégustera pendant de nombreux mois…
merci encore !
Tony Kakko s'est vu offrir un duo, car lors de leur tournée précédente, Epica ouvrait pour Sonata Arctica (je les avais vu à Paris), ça doit être un retour des choses...
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