Ulver surprendra toujours.
C'est avec émotion que j'ai découvert il y a plusieurs mois que la formation norvégienne préparait un nouvel album. Si vite après l'immense
Wars of the Roses ? Et pour cause,
Childhood's End est un album de reprises. Et pas n'importe lesquelles. On savait les membres d'
Ulver éclectiques et mélomanes au dernier degré, voilà qu'ils nous le confirment avec cette nouvelle offrande : 16 titres issus de groupes rock-psyché anglophones ayant sévi dans la deuxième moitié des sixties.
Un projet excitant qui trouve son aboutissement entre mes doigts frêles. Tout d'abord, parlons un peu de l'artwork et du packaging, deux anglicismes auxquels le groupe a toujours apporté grand soin. N'ayant pas de platine vinyles, je ne peux juger de l'édition en question. Mais au vu de leurs précédentes réalisations dans le domaine, soyez assurés qu'ils n'ont pas fait les choses à moitié. Pour les acquéreurs de l'édition cd, vous aurez le droit à un digibook aussi soigné que pour le précédent album. On apprécie. Le tout en noir et or, c'est si beau. Alors oui, certains ont crié au scandale en voyant la photo qui orne la couverture, version alternative de celle de nos livres d'Histoire présentant des enfants dénudés et brûlés par le napalm lors de la guerre du Vietnam, suivis de près par des militaires que leur sort semble vaguement amuser. A mettre naturellement en rapport avec le titre et la période historique durant laquelle les groupes étaient en exercice. Chacun gambergera sur la profonde signification de l'ensemble. Ou pas, place à la musique.
Sachez tout d'abord que l'album a été enregistré en deux sessions, l'une en 2008 et l'autre en 2011 (deux batteurs différents), puis arrangé et mixé jusqu'à l'hiver dernier (c'est-à-dire
2012, des fois que cette chronique soit lue dans cent ans). Je ne crois pas qu'un album d'
Ulver ait jamais bénéficié d'une production aussi claire et travaillée. Du moins, ils donnent l'impression d'avoir apporté un soin tout particulier à restituer la complexité et la clarté des enregistrements de l'époque, notamment en terme de spatialisation, tout en bénéficiant des avancées techniques contemporaines. Autant dire que c'est un délice pour nos oreilles et que l'on pourra se focaliser sur l'instrument de notre choix ou goûter l'harmonie de l'ensemble tout à la fois.
De même, les effets apposés à chaque instrument ainsi qu'à la voix de Garm nous plongent sans effort dans l'âge d'or de la musique psychédélique américaine en même temps qu'ils donnent une cohérence incroyable à l'album. Ce dont on pouvait douter, mais pas avec
Ulver.
Les titres s'enchaînent avec une singulière fluidité, passant du calme planant d'un Everybody's been burned au rythme endiablé de I had too much to dream (last night) avec une aisance désarmante. Faut-il évoquer la voix enchanteresse de Kristoffer Rygg ? Il compte parmi les chanteurs les plus doués qu'il m'ait été donné d'entendre, et il parvient encore une fois à me surprendre autant qu'à m'ébahir par sa simplicité. Car oui, on aurait pu craindre raisonnablement que tout cela ne soit qu'une démonstration de maestria un peu agaçante. Mais pas une seule fois je n'ai eu le sentiment qu'ils cherchaient à étaler leur talent indéniable dans un exercice de style vain et longuet. C'est aussi ça le génie. Les 54 min que compte l'album se déroulent sans qu'on ait vu le temps passer, avec une furieuse envie d'y revenir très vite.
Et les groupes en question, alors ? Eh bien je vous avouerai que ma culture dans le domaine était plutôt limitée jusqu'alors, et c'est aussi ce qui fait l'intérêt de ce
Childhood's End. J'étais très familier de Jefferson Airplane et un peu moins de The Byrds, mais les autres m'étaient tous inconnus. A ce sujet, un lien vers l'ensemble des morceaux originaux est disponible sur la page Facebook de Garm, preuve supplémentaire de l'honnêteté intellectuelle du groupe s'il en fallait.
Je dois avouer que personnellement, alors même que je révérais déjà Today (Jefferson Airplane), si l'ensemble est intéressant, mon cœur ne balance pas une seconde et ma préférence va généralement à la reprise des norvégiens. Avec une réserve naturellement, chaque morceau est extrait du contexte de son album...
Toutefois c'est un véritable tour de force qu'
Ulver réalise avec
Childhood's End. Ils ouvrent des perspectives à leurs auditeurs en même temps qu'ils les rassurent sur leur capacité à se renouveler perpétuellement.
Outre le plaisir monstre qu'on éprouve avec ces 16 morceaux qui ne sont pas prêts de quitter nos platines, ils augurent du meilleur pour l'avenir de l'une des formations majeures de la musique contemporaine.
Reste à les éjecter une bonne fois pour toutes du rayon metal de nos disquaires.
Bonne écoute à vous tous !
Disons que je ne pense pas que ce soit leur motivation première, mais plutôt celle de se faire plaisir, de rendre un hommage à des artistes qu'ils apprécient énormément (ce qui donne une idée de leur ouverture), et de faire possiblement découvrir à leur auditoire tout un pan de la musique anglo-saxonne qui a influencé nombre de groupes qu'on écoute aujourd'hui.
Par contre effectivement, les deux volumes Nuggets sont un investissement capital pour les mélomanes que nous sommes ! ^^
Je ne sais pas bien quoi répondre en fait... non pas que je le doive, d'ailleurs. C'est juste un commentaire un peu bizarre. ^^
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