J'aime pas
Destruction, enfin j'aimais pas. Et ça ne datait pas d'hier, hein, 1989, si ma mémoire ne me fait pas faux bond... Je peux paraître buté, mais à l'époque, dans mon apprentissage métallique du thrash sortant de
Metallica,
Anthrax et
Slayer, je me disais que
Destruction, rien qu'à voir ce nom (et ce logo !) ça serait l'apothéose, le carnage, et ... Paf, "
Release from Agony". Avec sa caisse claire qui fait poc poc et la voix de Schmier mise trop en avant sous son plus mauvais jour, difficile ne pas se tourner vers
Kreator, Sodom, ou
Coroner, si on parle de thrash européen. Je suis donc resté sur cette mauvaise impression. Mais parfois, il faut savoir mettre ses vieilles inimitiés sous le tapis, et écouter avec l'oreille de l'agneau qui vient de naître.
A leurs débuts en trio,
Destruction s'est démarqué en dispensant un speed thrash cartouchière en surrégime, avant de s'épaissir et de prendre un tournant plus technique à partir de ce fameux troisième LP, "
Release from Agony", pas si mal si on arrive à retirer mentalement ce qui jure. Les années suivantes ont cependant été chaotiques, avec le départ de leur frontman bassiste chanteur Marcel "Schmier" en 1989, et une séparation/reformation en 1999 autour du guitariste d'origine Mike Sifringer et de Schmier, années qui pâtiront d'une instabilité au long cours pour le line-up du groupe. Cela a donné des livraisons inégales, avec au plus bas des errements pas maîtrisés comme "The Least Successful
Human Cannonbal" à force de jouer dans sa zone d'inconfort.
Leur formation n'a cependant pas bougé depuis leur très consistant et réussi avant dernier et quinzième LP "
Diabolical" en 2022, avec donc Marcel "Schmier" Schirmer (basse, vocaux),
Randy Black (batterie), Damir Eskić (guitare), et enfin le guitariste Martin
Furia.
Pour ce seizième LP, l'enregistrement a débuté dès janvier 2024 pour les premières démos, et s'est concrétisé en Suisse au Little Creek Studio avec aux manettes le fidèle V.O.Pulver et le guitariste Martin
Furia. Il a ensuite été mixé et masterisé pendant l'été en Allemagne au studio
The Black Mancave. Comme pour leurs derniers albums, ils ont préfèré enregistrer en plusieurs fois, avec des allers retours entre tournées et studio où ils mis en boîte et fait le tri de toutes leurs idées au fur et à mesure. Si Schmier reste le principal compositeur, les autres et notamment Martin le dernier arrivé à la guitare, ont contribué aux morceaux de manière plus active que sur l'album précédent .
Emballé dans un artwork du hongrois Gyula Havancsák avec qui ils travaillent depuis près de vingt ans (
Kreator, Accept,
Ensiferum,
Blind Guardian...), "
Birth of Malice" est sorti le 7 mars 2025 chez
Napalm Records.
Et je dois avouer que pour une fois,
Destruction m'a rendu curieux. Non pas que les extraits de ce nouvel album sonnent comme une révolution où même une réinvention, mais j'ai trouvé qu'avec cet allant et ce rendu sonore un peu plus dans l'air du temps, je me laisserais bien tenter par une bonne dose de thrash à l'allemande.
Rendons justice à la production puissante et équilibrée autour du centre de gravité des médiums, avec en sus ce qu'il faut de clarté pour bien discerner ce qui se passe dans les aigus, où on trouve pas mal de choses entre la batterie, les guitares et la voix hargneuse de Schmier. C'est juste un peu dommage qu'en conséquence la basse soit un peu inconsistante dans le son...
Juste après l'intro énigmatique "
Birth of Malice" qui place une petite ambiance
Tristram By Night qui aurait pu figurer sur une BO du jeu
Diablo, le groupe s'est enfin décidé à commettre son morceau éponyme, "
Destruction", qui offre un bon aperçu de leur thrash technique et fonceur, et donne vraiment envie de découvrir le reste de l'album. En effet, malgré quarante ans de bons et loyaux services, le combo ne s'est pas mis en pré-retraite, loin de là, tiré par l'indéboulonnable locomotive Schmier, comme en témoignent des brûlots jouissifs comme "No
Kings No Masters", qui a déjà rejoint leur setlist en live.
Sa voix rageuse, que j'aurais décrit comme un mix de Steve Souza et Bobby Blitz est accrocheuse, délicieusement grinçante, souvent doublée de gang chorus virils à souhait. Ses progrès ne datent pas d'hier, mais je le trouve vocalement affûté, nerveux, très rythmique et inspiré. Sur "Scumbag
Human Race", le thrash sévèrement burné des teutons me semble d'ailleurs lui-aussi de l'acabit d'
Exodus et
Overkill, nanti de petits relents de
Slayer, avec ces guitares tranchantes au cordeau, et un groove headbangueur.
Schmier le dit lui-même, il a " toujours essayé de faire ce qu'il savait faire le mieux possible, et d'apprendre de ses erreurs", et ça s'entend. En 2025, le groupe sonne à l'unisson en matière de niveau et d'implication, et je les trouve même carrément joueurs (il n'y a qu'à écouter la palanquée de soli bien campés).
Les six cordisites Martin
Furia et Damir Eskić ne manquent pas une occasion de s'harmoniser de tous les intervalles possibles, sur les soli ("A.N.G.S.T.", "
Dealer of Death",...), mais aussi sur les riffs et les transitions, par exemple à la
Helloween sur "Chains of
Sorrow".
Le rythme de la batterie est souvent rapide et sans fioritures (à part les roulements et breaks), mais se fait lourd et menaçant à de nombreuses occasions, sur le single "A.N.G.S.T.", ou sur "
Evil Never Sleeps" avec des accents mélo que n'aurait pas dénié le
Kreator de ces dernières années. Quoi de mieux pour terminer la fête du thrash qu'une cover du "Fast As a Shark", d'Accept, sûrement le morceau qui a poussé le jeune Marcel Schirmer à jouer toujours plus vite...
A l'instar des ténors historiques du genre,
Destruction a passé l'âge des tentatives de se renouveler, et reste sur ses fondamentaux : un thrash d'école fait avec amour où les racines heavy métal achèvent de les placer dans le marbre d'un classicisme assumé. Certes, il paraîtra peut-être trop assagi pour les fans du panzer trio de la première heure, mais ce nouvel album des Allemands est suffisamment accrocheur et bien foutu pour fournir une porte d'entrée à leur discographie où au genre thrash metal dans son ensemble. Il n'est jamais trop tard pour devenir fan.
Méchant : Cool que ça t'ait donné envie, tu nous diras ce que tu en as pensé !
Merci pour la chro ! En effet 2 premières bombes avec Infernal Overkill et Eternal Devastation. Puis par la suite du bon et du moins bon, je retiens quand-même Metal discharge et The Antichrist dans les bonnes réalisations, d'autres réalisations ont été bonnes mais pas indispensables, telles que Spiritual Genocide, j'ai lâché depuis cette époque je dois bien l'avouer. Je vais me pencher sur cette dernière réalisation, ça remet un peu de baume au coeur !
De Destruction on peut quand même tirer des classiques (des débuts à Eternal Dévastation inclus pour peu que le son ne soit pas rédhibitoire sur celui-ci), ponctué par un chouette live.
Des déceptions aussi (Release From Agony, les albums sans Schmier qui ne sont pas du Destruction) et des albums post reformation après Metal Discharge disons quelconques avec toujours 1 ou 2 hits et beaucoup de remplissage.
Un album post reformation excellent : All Hell Breaks Loose, suivi par les très bons The Antichrist et Metal Discharge puis du correct sans plus donc.
Celui ci est plus homogène et c'est vrai que finalement le départ de Mike Sifringer semble ne pas avoir été néfaste malgré mes craintes. Je ne connais pas l'album précèdent par contre.
Ça reste un groupe culte et sur scène y'a pas grand chose a dire, d'autant qu'ils ne cèdent pas à la mélodie facile.
Un peu a l'instar de Tankard et Sodom
LeMoustre : Merci pour ton commentaire fourni et éclairé, je vais surement jeter une oreille à "All Hell Breaks Loose" ...
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