Surprendre. C’est un véritable leitmotiv pour certains artistes qui cherchent constamment, années après années, à se réinventer et proposer de nouvelles choses.
Plus le temps passe et plus le défi devient logiquement complexe, à mesure que l’attente est grande, que la personnalité est définie et qu’on tente de mettre le groupe dans une case. Mais s’il y a un groupe qui grandi exponentiellement ces dernières années et qui parait impossible à coller dans une case préétablie, c’est bien
Avatar qui joue à multiplier les pistes pour que chaque étiquette soit bien trop étroite pour lui.
Si le combo s’est formé au début des années 2000 et a gardé un noyau dur extrêmement stable (il n’y a qu’au poste de second guitariste que pas mal de monde a tourné finalement), c’est vraiment au début de cette décennie qu’il a explosé et s’est fait connaitre. D’abord avec un opus éponyme et surtout avec le monstrueux "
Black Waltz" qui s’évertuait à casser les codes, offrant un mix improbable entre du metal gothique, du neo, du metalcore très sombre et violent, un soupçon de death, quelques passages atmosphériques et progressifs, le tout avec une image débridé et un frontman déjanté grimé en clown démoniaque. Un clown aux capacités vocales effarantes, passant du clair le plus pur au plus schizophrénique des hurlements en s’enfonçant parfois dans des graves caverneux et dépressifs au possible. Dire que l’intérêt porté au groupe découle de son personnage serait faire injure à la qualité musicale de ses comparses mais l’ignorer serait également une erreur tant son aura et sa qualité de frontman ont joué sur les performances live du quintette suédois.
"
Feathers & Flesh" avait été un tournant majeur pour le groupe puisqu’il dévoilait un groupe plus adulte, plus mélodique et progressif mais surtout extrêmement mélancolique. Débarrassé d’une certaine rage adolescente et d’une noirceur plus directe, le groupe proposait de multiples ambiances et l’album fut un réel succès, bien que plus difficile d’accès. "
Avatar Country" est, une fois de plus, une totale réaction de son prédécesseur et pousse le concept du bizarre et du loufoque encore plus loin. Car si le pays imaginaire que s’est créé
Avatar avec le temps a déjà été évoqué, il est cette fois conté sur l’intégralité du disque avec un focus sur le roi immortel qui le gouverne (Johannes Eckerström y joue le porte-parole fou du roi, tandis que
Jonas Jarlsby y est le roi, d’où son pseudo Kunger, « Roi » en suédois). Si tout ça vous semble parfaitement logique et sain, c’est que vous êtes prêt pour l’album !
Plus sérieusement, et plus musicalement dirons-nous, l’opus est déroutant, et ce à de multiples niveaux. Les premières écoutes sont difficiles et décousues, la tracklist (où le terme de «
King » apparait sur chaque titre) est étrange et
Avatar joue à multiplier les styles et les influences tout au long de l’album. Album dans un premier temps très court. Effectivement, les dix titres et 43 minutes au compteur ne sont qu’un trompe-l’œil puisqu’on y trouve une introduction, un intermède narratif de trois minutes et deux titres instrumentaux. Ce qui peut sembler maigre de prime abord. Puis le temps fait son œuvre, sans pour autant nous faire oublier les émotions si fortes que nous avait procuré le splendide "
Hail the Apocalypse" en son temps.
"
Glory to the
King" débute dans sur une chorale burlesque chantant à la gloire du roi avant que ne déboule "
Legend of the
King", titre le plus long jamais écrit par les suédois (plus de huit minutes). Un riff néo-classique assez inhabituel ouvre le morceau, flamboyant et lumineux, accompagné d’un up-tempo à la batterie assez éloigné des rythmes lourds et sombres des précédentes livraisons. Johannes y prouvera l’intégralité de palette vocale puisqu’il chantera de toute la palette qu’il maitrise, et c’est peu dire que cette dernière est étendue. Un chant clair plaintif, un growl arraché, un autre bien plus profond ou encore des parties claires plus « chantées » et mélodiques, le clown sait un peu près tout faire et qualitativement, impressionne dans chaque catégorie. Les huit minutes passent finalement assez vite et semblent faite pour ouvrir les futurs shows, notamment le break scandé qui n’attend plus que le public pour gonfler en puissance, avant que n’en découle un solo au tapping auquel les suédois ne nous avait, là encore, jamais vraiment habitué. Ce sera le maitre mot de l’album. Aucun titre ne se ressemble. Chacun est un morceau d’histoire et de paysage à lui-seul. Faisait fi de toute cohérence d’album ou de concept,
Avatar a tenté un pari osé de relier textuellement des styles qui sont finalement éloignés les uns des autres.
De cet introducteur très progressif, suivra le rock n’roll "The
King Welcomes You To
Avatar Country", flirtant parfois avec le country blues de saloon. Vocalement, la surprise est encore de taille puisque les premières mesures se rapprochent plus de Brian Johnson que de metal moderne. Si la chose est déroutante (voir décevante au début), le temps fait que le groove impressionnant insufflé dans la composition et son refrain dérangé emporte l’adhésion et on en vient même à espérer que le titre sera joué en live pour que l’on puisse danser dessus.
Sans faire de track by track, chaque titre donne une couleur différente et semble explorer un genre différent, un environnement bien distinct du royaume. "
King’s Harvest" plonge dans les affres les plus death metal du groupe, par sa noirceur vocale et l’épaisseur du riff, rappelant les instants les plus sombres de "
Black Waltz", tandis que "
The King Wants You" se veut plus moderne, presque metalcore, par sa déconstruction et son riff saturé. "
A Statue of the King" voyage dans des régions plus heavy metal, donnant davantage de place au chant clair et à des guitares plus ouvertes et lumineuses, laissant la place à des accélérations pleines de rage et de lourdeur. Les chœurs apportent quelque chose de presque parodique, aspect forcément au centre de "The
King Speaks", malheureusement trop long et, malgré son humour, n’apportant pas grand-chose (si ce n’est trois minutes de blabla …). Quant à "
King after
King" (évoquant la résurrection du roi ainsi que, par extension, l’origine d’un royaume qui aurait existé avant même l’Egypte Antique, imaginez le programme !), il est un peu tout ce que
Avatar sait faire, et nous ramène plus librement vers le dernier opus, la lumière en plus, l’espoir même tant le refrain possède un caractère sucré qui, loin d’être érigé comme un défaut, ouvre le groupe a des portes différentes.
Sauf que voilà, cela ne nous fait que six titres traditionnels pour un disque concept et c’est un peu maigre. "
Silent Songs Of The
King PT.1-
Winter Comes When The
King Dreams Of Snow" sonne réellement comme un intermède acoustico-electronique, très beau et planant, parfaite plateforme pour le décollage de "
Silent Songs Of The
King PT.2- The
King's
Palace" et son riff lancinant et très prenant, sur lequel des éléments viennent se greffer au fur et à mesure. Autant sur la partie I, le chant n’avait pas sa place autant ici, il y a de nombreux moments où Johannes aura pu apporter quelque chose de plus. On sent que
Avatar a pris des risques, a voulu avant tout se faire plaisir et dérouter les auditeurs mais il nous laisse malheureusement avec une sensation de trop-peu, de faim qui, si elle se comble un tant soit peu avec une réécoute de l’album, reste dommageable.
Avatar Country se veut intéressant et représente vraiment un groupe à part, possédant de multiples casquettes et réussissant à rendre cohérent des éléments qui n’ont, à première vue, pas grand-chose à faire ensemble. Cet album étant une réaction au précédent, nous sommes donc en mesure d’attendre encore quelque chose de très différent pour le prochain. S’il faut plusieurs écoutes pour pénétrer le délire des suédois, les débuts étant un peu difficiles si l’on s’attend à un successeur de"
Hail the Apocalypse" par exemple, il gagne ses galons au fur et à mesure et devient même attachant. Probablement ne marquera-t-il en revanche pas les auditeurs comme les trois précédentes galettes. Nous ne
Regretterons finalement que cette longueur factice, quelques titres supplémentaires n’ayant pas été de trop …
assez d'accord avec ta chro! meme si ca reste très bon en dessas des deux opus précédents!
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